Du bistrot social de la Croix-Rouge aux rues de la zone piétonne. Rencontre avec les sans-abri de la Ville-Haute.
Certains discutent tranquillement autour d’une bière, d’autres jouent aux fléchettes ou aux échecs… Le tout en musique. Une ambiance de bistrot traditionnel. Sauf qu’ici, c’est le bistrot social de la Croix-Rouge luxembourgeoise. Situé dans un conteneur au 1, rue Willy-Goergen, ce bistrot pas comme les autres accueille, du lundi au vendredi de 10h à 18h, les sans-abri de la Ville-Haute, qui peuvent venir avec leur propre alcool (bière et vin).
« Il y a une bonne ambiance ici, estime Cesar, 52 ans. Je viens tous les jours pour être au chaud et discuter avec des amis. » Tim, 38 ans, complète : « Je préfère venir ici, être au chaud, manger un bout… On se connaît tous. On forme une grande famille. » Tous sont sans-abri et une fois le soir venu se débrouillent pour aller dormir au chaud « chez un copain » comme Spike (31 ans) ou « à l’hôtel Royal », dixit Cesar, qui lance cette boutade pour ne pas dévoiler le lieu où il passe la nuit.
« Nous accueillons entre 40 et 50 personnes par jour, souligne Maxime Pax, la responsable de la structure de la Croix-Rouge. Notre public n’est pas le même qu’à Bonnevoie (NDLR : au bistrot social Le Courage, géré par Caritas). Nous avons une majorité de sans-abri luxembourgeois. Ils se connaissent tous et aiment rester entre eux. Maintenant on les connaît tous et un vrai lien de confiance s’est installé entre eux et nous. »
Et l’équipe de la Croix-Rouge (deux assistantes sociales, un éducateur gradué, un éducateur spécialisé, un stagiaire et une responsable) est à l’écoute des soucis des uns et des autres. « S’ils nous demandent de l’aide, nous sommes là pour trouver des solutions juridiques, médicales, administratives… », assure Maxime Pax.
«Un rapport d’humain à humain»
Mais le travail de la Croix-Rouge ne s’arrête pas là. Tous les mardis matins, les mercredis soirs et en journée les autres jours de la semaine, une équipe de streetworkers de la Croix-Rouge effectue une tournée dans les rues de la Ville-Haute pour aller à la rencontre des sans-abri.
Comme cela a été le cas, ce vendredi après-midi. Maxime Pax et Mauro tombent, non loin de la boutique Ladurée, sur Ionel. Maxime s’approche et discute un moment avec lui. « Je le connais bien, nous avons une vraie relation de confiance, dit-elle. On se donne quelques nouvelles. Je lui ai demandé s’il s’était inscrit pour aller dormir au foyer de nuit de la Wanteraktioun au Findel. Il m’a répondu qu’il n’avait pas encore eu le temps de le faire, car il travaille (NDLR : il fait la manche), mais qu’il allait le faire. Je ne peux pas l’obliger, c’est lui qui décide. »
Après avoir salué une jeune femme en train de faire la manche, Mauro, éducateur spécialisé, poursuit : « Il faut respecter le rythme de la personne. La relation de confiance met du temps à s’établir. Il faut installer un rapport d’humain à humain. Nous sommes à leurs côtés, à leur écoute et pas là pour leur mettre la pression. » Maxime Pax enchaîne : « C’est un travail collectif avec l’ensemble des streetworkers de la capitale. Chaque sans-abri a une personne de référence parmi nous. »
La tournée continue. Maxime Pax et Mauro rencontrent d’autres sans-abri, disent simplement bonjour à certains et échangent quelques mots avec d’autres. À côté du chantier du Royal Hamilius, le duo croise un couple. Tous les quatre discutent longuement. L’homme montre des papiers à Maxime. Ils fixent un rendez-vous pour dans quelques jours. Et à la fin de la tournée, Mauro et Maxime Pax tombent sur Cesar en train de faire la manche devant l’entrée du parking souterrain du théâtre : «Je reprends le travail.»
Guillaume Chassaing