Quand le bâtiment va, tout va. Enfin presque : les salariés attendent toujours leur part du gâteau, s’indigne Jean-Luc de Matteis. L’OGBL manifestera donc jeudi à Luxembourg… et le LCGB à Esch !
Le bâtiment va plutôt bien, si on en croit les chiffres : +1,3 % au premier trimestre 2018…
Jean-Luc de Matteis : Il suffit de regarder dehors. Les grues poussent partout au Luxembourg. C’est simple : quand je parle avec les employeurs, ils ont surtout comme problème de trouver de la main-d’œuvre. Tout va bien dans le bâtiment, sauf pour les salaires ! Les employés veulent donc leur part du gâteau. Ils font 8, 9, 10 heures par jour, les carnets de commandes sont pleins, les marges sont bonnes, la productivité augmente, les employeurs disent qu’ils font des super résultats… et les salaires ne suivent pas ? Les gens en ont marre.
Bref, à la différence de la précédente négociation (en 2013) pour la convention collective du bâtiment, l’argument de la crise ne serait plus valable ?
En effet ! Mais vous savez, déjà à l’époque, l’argument ne tenait pas. Le bâtiment, grâce aux investissements de l’État, était resté stable, il n’y avait pas plus de faillites que d’habitude.
La précédente convention collective, conclue pour trois ans, aurait dû être renouvelée en septembre 2016… et on l’attend toujours. Que s’est-il passé ?
Des années de négociations infructueuses. On a pourtant initié les pourparlers en mars 2013, donc cinq mois avant la date butoir, comme le prévoit la convention. Mais malgré nos nombreuses relances, le patronat est resté sourd, sans chercher à négocier sérieusement.
Pourquoi ?
Comme je l’ai dit, le secteur va bien. Les marges sont là. Quel est son intérêt de négocier ? C’est de la mauvaise volonté patronale, tout simplement ! On a perdu près de trois ans comme ça. Mais cette tactique délibérée de sa part de jouer la montre est inacceptable, et on le lui a dit depuis le début : on refusera que les travailleurs perdent de l’argent à cause de vous. Donc on veut que chaque jour perdu soit payé rétroactivement. Mais la discussion n’aboutit toujours pas…
Le patronat vous reproche notamment de vous opposer à la flexibilité dans le bâtiment. Il est vrai que ce secteur en requiert, à cause des intempéries, du marché…
Mais c’est oublier que les employés sont déjà flexibles : cela s’appelle les heures supplémentaires! Les gens peuvent faire jusqu’à 10 heures par jour, et 48 heures par semaine. Le patronat, lui, veut jusqu’à 12 heures par jour, et 54 heures par semaine.
Le patronat a également proposé d’échanger une heure de travail supplémentaire payée au tarif normal durant l’été, contre une heure travaillée en moins durant l’hiver.
Le problème est là ! Leur conception de la flexibilité, c’est ça : épargner de l’argent sur le dos des salariés. Car on avait fait les calculs, avec ce système, les gens peuvent perdre entre 3 000 et 6 000 euros par an d’heures supplémentaires.
Entretien avec Romain Van Dyck