La Luxembourg Pride Week va s’achever en beauté ce week-end dans les rues d’Esch-sur-Alzette. Conçue pour sensibiliser à la lutte contre l’homophobie et la transphobie, cette semaine est toujours nécessaire, la preuve par cinq.
Point d’orgue de cette 25e Luxembourg Pride, le cortège de la marche pour l’égalité arpentera à nouveau le pavé ce samedi dans les rues d’Esch-sur-Alzette. En plus des drapeaux arc-en-ciel et bleu, blanc, rose, les pancartes aux messages revendicatifs seront à nouveau brandies à bout de bras par les participants. Car sous ses airs populaires, colorés et joyeux, l’évènement n’en a pas pour autant oublié sa vocation première, à savoir sensibiliser l’opinion aux difficultés rencontrées par les membres de la communauté LGBT et faire part aux politiques de leurs revendications.
L’ASBL Rosa Lëtzebuerg, qui depuis 2015 organise ce défilé dans la Métropole du fer, a choisi de mettre en exergue cinq revendications parmi celles qu’elle porte tout au long de l’année. À peu de chose près, les mêmes que celles déjà placées sous les projecteurs l’année dernière. Est-ce à dire que rien ne bouge? C’est en tout cas ce qu’indique l’ILGA-Europe Rainbow Index, ce classement notant 49 pays d’Europe sur leurs lois et politiques d’égalité LGBTIQ+. Le Luxembourg stagne à la 7e place depuis 2023, alors qu’en 2021, il était 3e. Non pas que les droits de la communauté queer se soient particulièrement détériorés dans le pays, mais la faute plutôt au manque d’initiatives législatives, et ce, malgré une nouvelle Constitution.
Thérapie de conversion
Il existe pourtant des revendications rapides à satisfaire, selon le président de l’association, Nicolas Van Elsué. L’une d’entre elles serait d’interdire par une loi les thérapies de conversion, interdiction déjà appelée de ses vœux par le Parlement européen en 2018 et qui figure dans le dernier accord de coalition.
Ces pratiques visant à changer ou supprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne ne sont certes «pas pratiquées au Luxembourg, mais inutile que ça le soit pour s’en préoccuper», estime Nicolas Van Elsué. D’autant plus que les cas de résidents qui en ont été les victimes à l’étranger lui ont déjà été rapportés. «C’est quelque chose qui détruit toute la personnalité et blesse pour la vie», soupire le président.
Intersexuation
Si ces thérapies sont parfois imposées par la pression de l’entourage, c’est aussi le cas d’une des autres revendications qui porte sur la notion de l’intersexualité. Là aussi, c’est l’entourage – parents, médecins – qui va prendre des décisions majeures pour l’enfant.
L’association exige donc l’interdiction systématique de «tout type d’intervention médicalement non nécessaire chez les enfants présentant des variations de caractéristiques sexuelles jusqu’à ce que la personne concernée puisse exprimer son consentement en connaissance de cause». «On ne peut laisser se poursuivre ces pratiques médicales, qui soumettent les enfants à des interventions douloureuses et souvent nocives pour qu’ils rentrent dans ce système binaire», affirmait déjà en 2017 Amnesty International.
Parentalité
Rosa Lëtzebuerg demande aussi une «réforme du droit de l’adoption» pour qu’elle soit ouverte aux célibataires et «la reconnaissance automatique des parents de même sexe». Car à la naissance de l’enfant d’un couple lesbien, le nouveau-né est automatiquement lié à sa mère biologique et «si l’autre personne veut également être reconnue comme parent, elle doit passer par toute une procédure d’adoption qui ne peut commencer que trois mois après la naissance de l’enfant», rappelle Nicolas Van Elsué. «C’est seulement ensuite que les deux noms figureront sur l’acte de naissance et que la personne pourra prendre son congé parental», poursuit-il, pointant au passage les formulaires des communes qui ne proposent que de cocher les cases père et mère, des termes connotés sexuellement, et non le terme de parent, plus neutre.
Le sport en question
En 2023, Rosa Lëtzebuerg avait récolté des fonds lors de la première édition de la Pride Run pour sensibiliser le monde sportif sur la question de l’inclusion des personnes queers. Où en est ce projet? «Nous avons travaillé avec le centre Cigale et une agence de communication. Ces jours-ci, nous devrions sortir une campagne d’information sur ce sujet», indique Nicolas Van Elsué, le président de l’ASBL.
«D’autres actions sont prévues, comme une journée de sensibilisation avec des personnes connues dans le monde du sport qui apporteront leur témoignage. Ou encore une table ronde et des flyers à déposer dans les clubs sportifs. Il faut continuer à sensibiliser plus de monde parce que ça reste toujours problématique : 20 % des personnes queers n’osent même pas aller au sport, car elles sont mal à l’aise avec leur identité dans le monde sportif», regrette-t-il.
Genre
Et pour compléter ce volet administratif, l’ASBL souhaiterait que le genre ne soit pas mentionné sur les actes officiels. «Le gouvernement est en train de travailler sur la mise en place d’une troisième option de genre sur les documents, mais pourquoi ne pas enlever toute mention simplement quand elle n’est pas pertinente?», suggère Nicolas Van Elsué.
Pour illustrer ses propos, il prend l’exemple d’une personne transsexuelle qui doit fournir une attestation de diplôme après son changement de prénom et qui peut alors avoir à subir des questions et se trouver «forcée de faire un outing», regrette-t-il. «Le genre, en fait, n’est pas une donnée essentielle pour identifier une personne», conclut-il.
Police
Enfin, Rosa Lëtzebuerg a, comme l’année dernière, extrait de son catalogue de revendications pour cette Pride 2024 la nécessaire «création d’un point de contact LGBTIQ+ au sein de la police grand-ducale». Lorsqu’elles sont victimes de crime de haine ou de discrimination, les personnes queers «ne sont pas toujours prises au sérieux ou ne pensent pas que leur plainte va changer quelque chose, si bien qu’une grande partie d’entre elles ne font pas de déclaration à la police», explique Nicolas Van Elsué. Quant à celles qui franchissent le pas, elles se trouvent face à un agent qui remplit un document type sur lequel ne figure pas la discrimination liée à l’identité ou à son attraction sexuelle, détaille-t-il encore. Non sans avoir aussi pointé du doigt l’absence de formation des policiers et le manque de données statistiques sur les discriminations.
Toutefois, le président de l’association se veut optimiste, les discussions sur ces questions avec la ministre de l’Égalité des genres et de la Diversité, Yuriko Backes, «se passent très bien, c’est vraiment une alliée». Et de conclure : «C’est d’ailleurs un peu triste qu’elle soit blessée (NDLR : fracture du tibia), mais j’espère qu’elle sera en forme samedi, parce qu’elle était très intéressée à l’idée de venir.»
Bilal Hassani et Conchita Wurst au programme
Après une semaine riche en manifestations, expositions, ateliers… la marche des fiertés et le festival de rue viendront clôturer en beauté la Pride Week à Esch-sur-Alzette. Le coup d’envoi du cortège célébrant la diversité et l’acceptation sera donné à 13 h ce samedi, devant le Bâtiment4 (66, rue de Luxembourg). Sur les deux scènes de l’hôtel de ville et du village se succéderont toute une variété d’artistes – dont Bilal Hassani –, de discours et de performances. Juste après le festival de rue à 23 h, les Pride Parties se poursuivront à la Kulturfabrik à Esch et au Lenox à Luxembourg.
Dimanche, la journée débutera plus tranquillement place de l’Hôtel-de-ville, avec le Rainbow Brunch auquel les familles arc-en-ciel, ou non, sont invitées. Puis, les spectacles se poursuivront. Parmi les artistes, Madame Yoko de Drag Race Belgium ou encore des chanteurs de l’Eurovision comme Alessandra de Norvège, Gustaph de Belgique et en tête d’affiche Conchita Wurst vers 14 h.
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