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Luxembourg LGBTIQ+ Panel : «Les personnes LGBTIQ+ sont expertes de leurs expériences»


Sandy Artuso et Enrica Pianaro sont les cofondatrices de l’ASBL LEQGF, qu’elles ont lancée en août 2020. (Photo : julien garroy)

Depuis le début de l’année, l’ASBL LEQGF organise des groupes de discussion dans le cadre de son «Luxembourg LGBTIQ+ Panel». L’objectif est de récolter des données sur l’expérience des personnes LGBT au Luxembourg.

Respectivement docteure en lettres spécialisée dans la narratologie et les études sur le genre et sociologue spécialisée en études de genre, Sandy Artuso et Enrica Pianaro sont les cofondatrices du Laboratoire d’études queer, sur le genre et les féminismes (LEQGF). L’idée de créer une telle ASBL leur est venue d’un constat : celui du manque de développement – voire de l’absence – d’études sur le genre, sur le féminisme et sur la thématique LGBTIQ+ au Luxembourg.

Depuis le mois d’août 2020, leur ASBL promeut donc ces gender studies, tout en les faisant sortir du cadre purement académique, à travers la transmission de savoirs et la production de données. Concrètement, le LEQGF organise des conférences, produit de petites publications, travaille sur le terrain et répond à des missions externes. Et son gros projet de recherche actuel et prioritaire, c’est le «Luxembourg LGBTIQ+ Panel».

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le « Luxembourg LGBTIQ+ Panel » ?

Enrica Pianaro : Nous avons pris le nom de « panel » en référence au monde anglophone. Là-bas, un expert panel rassemble des personnes pour qu’elles parlent en tant qu’expertes sur un sujet. Et nous, nous partons du principe que les personnes LGBTIQ+ sont expertes de leur vie, de leur vécu et de leurs expériences. Nous voulons donc les rencontrer pour qu’elles nous parlent de leur vie. Nous les considérons comme des sources de connaissances à partir desquelles nous pouvons acquérir de nouveaux savoirs sur la situation au Luxembourg et développer des choses.

Comment cela prend-il forme ?

Sandy Artuso : Cela se décline en focus groups. Ce sont des groupes de discussion thématiques qui ont lieu dans différents lieux et sur différents sujets. C’est comme un entretien collectif. Entre trois et huit personnes peuvent participer. L’idée, c’est de faire parler ces personnes collectivement, de les faire échanger pour qu’elles partagent des expériences et fassent connaître certaines situations que l’on n’entendrait peut-être pas lors d’un entretien individuel d’ailleurs. Ils durent 1 h 30 maximum. C’est dense, mais ça laisse assez de temps pour que tout le monde puisse s’exprimer.

Quel est votre rôle lors de ces groupes de discussion ?

Enrica Pianaro : Nous sommes là en tant que facilitatrices pour lancer la discussion ou la diriger. Nous pouvons guider, poser des questions et faire également en sorte de ne pas oublier la structure et le sujet. Nous ne partageons pas nos expériences comme les personnes qui participent au groupe, nous n’interférons pas non plus. Et nous faisons un enregistrement de chaque groupe.

À quoi servent ces enregistrements ?

Enrica Pianaro : Nous en faisons des retranscriptions partielles. Toutes les données sont anonymisées bien sûr. C’est fait dans les règles de la recherche scientifique. Les personnes nous signent un papier.

Qu’allez-vous faire avec ces retranscriptions ?

Enrica Pianaro : À partir du panel et des groupes, nous allons faire notre analyse. Les retranscriptions ne seront pas publiées telles quelles. L’idée, c’est de produire des résumés sur une ou deux pages pour chaque groupe afin de reprendre les éléments ou les résultats principaux. Et à la fin de l’étude, en décembre 2025, nous publierons un rapport global.

Sandy Artuso : Les résumés d’une ou deux pages servent à partager des outils ou des données avec les acteurs sur le terrain, qui ont besoin de données qui n’existent pas encore au Luxembourg. Cela leur permet d’avoir déjà quelque chose dans la main pour faire leur travail.

Nous les considérons comme des sources de connaissances

Vous avez de nombreux partenaires. En quoi cela était-il important pour vous ?

Enrica Pianaro : C’est intéressant pour nous d’avoir toute une panoplie de structures partenaires. Par partenaire, on entend une structure, une organisation, une association qui nous aide à accueillir un focus group. Ils nous mettent à disposition une salle, des boissons ou quelque chose à grignoter. Et nous aident aussi à faire de la pub. On essaie toujours de choisir les thématiques en fonction des partenaires. Par exemple, nous avons comme partenaire le Gero, le centre de compétences sur les questions d’âge. Avec lui, nous allons organiser un focus group sur la question des seniors LGBTIQ+ en mars 2025.

Sandy Artuso : C’est aussi pour ne pas rester à un seul endroit ou dans une seule ville. C’est important de se déplacer un peu pour rencontrer les gens qui ne sont pas nécessairement dans la capitale ou à Esch. Là aussi, c’était l’intérêt de travailler avec des partenaires qui nous amènent des personnes LGBTIQ+ ne faisant pas forcément partie des réseaux classiques.

Les focus groups s’adressent aux habitants du Luxembourg, mais également aux frontaliers. Pourquoi ?

Enrica Pianaro : Si on regarde les statistiques sur les personnes qui travaillent au Luxembourg, il y a une grande part de frontaliers et frontalières qui viennent tous les jours enrichir le pays. Donc pour nous, il était clair que nous n’allions pas les exclure sous prétexte que ces personnes travaillent seulement au Luxembourg. Elles se déplacent ici tous les jours, elles profitent des transports en commun, de la vie nocturne, des magasins. D’une façon ou d’une autre, elles participent à la vie du Luxembourg. Elles vont donc toucher quelques-unes de nos thématiques des focus groups.

Vous avez commencé les focus groups en mars. Quel bilan en tirez-vous jusqu’ici ?

Enrica Pianaro : Je suis très satisfaite parce que notre intervention devient secondaire et c’est ce que j’espérais. Je suis aussi satisfaite de tout ce que nous pouvons tirer de ce que disent les personnes. Il y a beaucoup de contenu, les gens ont partagé beaucoup d’informations.

Sandy Artuso : Oui, il y a eu beaucoup de partage. Et surtout, les interactions étaient très intéressantes. Comme l’a dit Enrica, nous ne devons pas beaucoup intervenir. Quand les gens commencent à parler, nous devons les guider un peu, puis nous avons une très belle discussion… J’étais plutôt surprise de la qualité des contenus.

C’était une crainte que vous aviez, que les gens ne se livrent pas beaucoup ?

Sandy Artuso : Oui, moi j’avais un peu peur de ça. J’ai l’impression qu’au Luxembourg, quand on parle d’enquête, les gens s’imaginent un sondage ou un questionnaire en ligne. Et ça, c’était mon souci au début quand nous avons choisi la méthodologie, qu’il y ait peut-être une certaine réticence à venir et à participer.

La seule chose pour laquelle nous devons peut-être un peu encourager les gens, c’est quand ils ont l’impression de ne pas être des experts. Alors que l’idée du panel, c’est de leur dire : « c’est toi l’expert de cette situation actuellement, parce que tu l’es ». Les gens ne se pensent pas légitimes. Mais une fois que nous parlons avec eux, ils comprennent et se lancent.

Où voulez-vous amener ce projet dans le futur ?

Enrica Pianaro : Un grand volet de la discussion, c’est justement de comprendre les attentes des personnes, leur vision du futur et leurs souhaits à l’avenir. L’idée, c’est que nos partenaires, à partir de cette étude, développent des formations, des outils en se servant des données que nous allons produire.

Les prochains rendez-vous

21 septembre : Communes inclusives (en français)

16 octobre : Queer women in/from the LGBTIQ+ community (en anglais)

24 octobre : Frontaliers et frontalières queers (en français)

Plus d’informations et inscription sur lgbtpanel.lu et sur les réseaux sociaux de l’association

Un commentaire

  1. Patrick Hurst

    Les personnes concernées expertes, c’est une préconisation aussi pour les personnes handicapées, mais hélas, les institutions officielles (associations conventionnées et Ministères) ne veulent pas entendre de cette oreille!

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