Comme d’autres métiers de l’artisanat, celui de mécanicien peine à recruter. Les raisons de cette désaffection sont multiples.
Le Luxembourg, pays où l’automobile est reine? Vu les dernières statistiques établies par Eurostat qui font état de 675 voitures pour 1 000 habitants – dans l’Union européenne, seule l’Italie en compte plus –, la réponse est sans conteste un grand oui. Pourtant, tout n’est pas rose pour le secteur automobile qui doit non seulement répondre aux défis environnementaux, faire face aux difficultés d’approvisionnement et à la concurrence, mais aussi se pencher sur son attractivité. Car le constat est là, sans appel : les métiers de l’automobile, comme ceux de mécaniciens ou mécatroniciens, ne trouvent plus preneurs.
«Au Luxembourg, au 4e trimestre 2024, 16 % des garagistes nous ont dit que la pénurie de main-d’œuvre a freiné leurs activités», regrette la Chambre des métiers, qui recensait, en 2023, 270 garagistes dans le pays pour 6 100 salariés. Ignacio Ramunni, chef d’atelier du garage Chlecq à Esch-sur-Alzette, est désappointé : «Nous avions mis un an à trouver un mécanicien et, pour des raisons personnelles, il a dû s’en aller. Là, ça fait trois mois qu’on en cherche un autre, il n’y a pas grand monde qui vient se présenter.»
Gusty Dos Santos, conseiller dans ce secteur à l’Adem, ne va pas jusqu’à parler de pénurie, le métier n’étant pas répertorié comme tel par l’Agence pour le développement de l’emploi, mais il admet que comme «dans quasiment tous les métiers artisanaux», le manque de main-d’œuvre est bien réel. Les chiffres, bien qu’encore approximatifs pour 2024, sont parlants : «Ces 12 derniers mois», reprend-il, «41 embauches ont été faites sur un total de quelque 300 offres». Un manque qu’il explique en partie par la complexité du marché, en constante évolution. «Je suppose qu’après les moteurs hybrides puis électriques, dans les prochaines années, on aura encore beaucoup plus de changements, d’alternatives écologiques. Et ça risque encore de compliquer le métier de mécanicien.»
Un nombre d’abandons élevés
Si l’on regarde justement du côté des formations, de prime abord, le métier semble attractif. «L’intérêt des jeunes pour le métier est grand, comme en témoigne le total des inscriptions en certificat de capacité professionnelle (CCP), en diplômes d’aptitude professionnelle (DAP) et de technicien (DT) qui s’élève à 249», indique la Chambre des métiers. «Pour l’année scolaire 2024/2025, on a recensé 122 nouvelles inscriptions, poursuit-elle. Le nouveau brevet de maîtrise, « mécatronicien d’automobile », rencontre aussi le succès avec 27 inscrits».
Toutefois, nuance la Chambre, «le nombre d’abandons au bout de la première année est assez élevé», ce qu’elle explique par le fait que c’est «un métier très exigeant». Et une fois leur diplôme en poche, il arrive que ces jeunes n’aient plus envie de faire carrière dans le secteur. Gusty Dos Santos confirme : «Effectivement, beaucoup viennent s’inscrire (NDLR : à l’Adem), mais ne veulent pas travailler dans ce domaine-là. On a donc déjà une partie du contingent qui ne sera pas affectée à un garage.» Le chef d’atelier Ignacio Ramunni opine : «Ça fait plus ou moins un an et demi, qu’on n’a plus d’apprentis.»
«C’est un beau métier»
En plus, comme l’explique encore le conseiller de l’Adem, ce qui est particulier au métier de mécanicien, c’est qu’il n’est pas «transversal». Pour illustrer ses propos, il propose une comparaison. «Avec un léger encadrement ou une formation, un charpentier pourrait être aussi bien affecté dans une menuiserie. Mais on ne peut pas prendre une personne qui exerce tel ou tel métier, l’encadrer et lui donner une formation complémentaire pour qu’elle soit apte à travailler en tant que mécanicien.» On ne devient pas mécanicien du jour au lendemain, «ça prend trois à quatre ans», justifie Gusty Dos Santos.
«C’est un métier qui ne fait plus forcément rêver», soupire Ignacio Ramunni. Pourtant, «sans parler des horaires, qui sont bons généralement dans les ateliers, on est utiles. On dépanne les gens, on a l’impression de servir à quelque chose. À la fin de la journée, il y a une évolution, une voiture qui roule, qui est réparée, un client satisfait», dit-il en s’animant. «C’est quand même un beau métier, je trouve», conclut le chef d’atelier.