L’Adem a annoncé, mardi, que le taux de chômage s’établissait désormais à 5,3 %. Une statistique forcément incomplète, puisqu’elle ne concerne que les résidents, alors que 46 % des actifs sont frontaliers.
Pour la boutade, on constate régulièrement que le Grand-Duché est le pays qui a le taux de consommateurs de pastis le plus élevé au monde. C’est oublier que la boisson se vend essentiellement aux pompes, à un public qui repart avec le précieux élixir derrière la frontière… Qu’en est-il pour d’autres indicateurs plus importants? L’Adem a annoncé, mardi, que le taux de chômage s’établissait désormais à 5,3 %, avec une baisse de 6,1 % des demandeurs d’emplois sur un an.
Mais c’est oublier que le marché de l’emploi grand-ducal est composé à 46 % de travailleurs frontaliers. «Quand on parle de 14 773 demandeurs d’emploi disponibles au 31 octobre, on évoque les résidents, confirme Jean Ries, chef du service statistiques à l’Adem. La règle internationale est que l’on calcule le taux de chômage par rapport à la population résidente. Même si pour le Luxembourg, on passe du coup un peu à côté de la réalité.»
Une approche difficile
Problème, comment déterminer la réalité? Il faudrait calculer un taux de chômage «du marché de l’emploi luxembourgeois», et non plus seulement du Luxembourg. «Le travail est quasiment impossible, précise Jean Ries. Le taux de chômage se calcule par rapport à une population active de référence, c’est-à-dire à l’ensemble des personnes en âge de travailler qui sont disponibles… Comment déterminer cette population de référence dans la Grande Région? Comment dire « celui-ci cherche au Luxembourg, celui-ci, non? » Le taux de chômage des résidents reste un indicateur de la santé économique du marché, faute d’évaluations précises.»
En vue de la réforme de l’indemnisation chômage qui se prépare au niveau européen, l’Adem travaille toutefois sur des projections. Le Luxembourg va devoir indemniser les travailleurs frontaliers qui perdent leur emploi, alors qu’aujourd’hui ce sont les pays voisins qui assument cette charge, au-delà d’un délai de trois mois.
Multiplier les chômeurs par deux ?
«Il faut que l’on arrive à anticiper le travail supplémentaire que cela va demander à l’Adem, précise Jean Ries. Nous avons fait le calcul suivant : parmi les 14 773 chômeurs résidents, 7 821 sont indemnisés aujourd’hui (NDLR : les autres sont en fin de droits ou en mesure de réintégration, etc.). Si les frontaliers représentent presque 50 % des actifs, il nous faut multiplier ce chiffre par deux. Soit environ 16 000 chômeurs à indemniser.»
En juin, le ministre du Travail, Nicolas Schmit, avait évoqué le chiffre de «26 000, voire près de 30 000» dossiers supplémentaires. Il avait ajouté : «Nous gérons actuellement 16 000 demandeurs d’emploi, en avoir 10 000 de plus serait un saut quantitatif impossible à réaliser dans les deux ans.»
On imagine qu’il se basait sur le nombre total de demandeurs d’emploi, et non pas sur le nombre de personnes indemnisées. En faisant la même opération qui consiste à multiplier l’indicateur disponible par deux.
Hubert Gamelon