Alors que le marché de l’énergie connaît plusieurs crises et doit faire face à de nouvelles mutations, les professionnels du secteur, regroupés sous l’égide du GEML, ont tenu à faire le point et à donner leur vision de l’avenir.
De la crise sanitaire à la guerre en Ukraine, l’économie mondiale connaît des troubles en cascade depuis quelques années. Des tourments n’épargnant pas le secteur de l’énergie qui doit en plus s’adapter aux évolutions du marché. Le Groupement pétrolier luxembourgois (GPL) a donc organisé hier, à la Chambre de commerce, une conférence de presse pour revenir sur l’actualité au sein de sa branche.
Et c’est d’abord un changement de nom que le GPL, qui devient le Groupement énergies mobilité Luxembourg (GEML), a voulu mettre en avant. Une nouvelle dénomination qui doit renvoyer à des notions plus modernes et plus en adéquation avec le marché actuel. Car si le pétrole reste toujours incontournable, il voit sa part décliner année après année. Une première petite modification qui annonce de plus grosses mutations dans les années à venir pour ces professionnels.
Un secteur dominé par le diesel
Mais le GEML a d’abord voulu faire un point sur la situation actuelle. Représentant deux tiers de la consommation finale d’énergie au Luxembourg, le secteur pétrolier continue de peser lourd sur le marché de l’énergie malgré une place accrue de la biomasse ou de la cogénération. Le secteur pétrolier reste quant à lui toujours dominé par le diesel qui représente 55 % du marché total, même si sa part est en baisse depuis quelques années au profit de l’essence.
Mais le milieu a connu de nombreux bouleversements ces dernières années, à commencer par la crise du Covid-19. Celle-ci a eu un impact important sur les volumes des ventes de produits pétroliers au Luxembourg, comme ceux du diesel qui ont baissé de 21 % entre 2019 et 2020. Car si les acteurs ont su rapidement s’adapter, et qu’une bonne coordination avec les pouvoirs publics a permis de garantir l’ouverture de stations-services, ils n’ont pu échapper à la baisse de la demande et à l’augmentation des coûts de transport et de distribution.
De la pandémie à la guerre
À peine sorti de la pandémie, c’est la guerre en Ukraine qui a pris le relais et perturbé à son tour les marchés mondiaux, aggravant une volatilité des prix déjà constatée depuis octobre 2021. La guerre en Ukraine a ainsi accentué les difficultés en approvisionnement à la suite des sanctions contre la Russie. Conséquence de tous ces bouleversements : le baril de brent a augmenté de 71, 1 % entre avril 2019 et octobre 2022.
Mais si les prix se sont envolés depuis le début du conflit, le GEML affirme que les professionnels luxembourgeois n’en profitent pas tant que ça. «Ici au Luxembourg, plus les prix augmentent, moins les marges augmentent», explique Romain Hoffmann, président du GEML. Les accises restent en effet constantes tandis que la TVA connaît elle aussi une hausse. «Et il y a aussi des commissions sur les achats par carte bancaire. Avant on payait 1 % sur 1 euro, aujourd’hui c’est 1 % sur 2 euros. Nos coûts augmentent aussi.»
«Les meilleures années sont révolues»
À cette situation s’ajoute la concurrence des voisins européens où le carburant est pour la première fois moins cher qu’au Luxembourg. Si le Grand-Duché avait mis en place un rabais de 7,5 centimes à la pompe, celui-ci est désormais révolu et ne rivalisait pas avec les interventions des autres pays européens. «Jusqu’en mai, on observait une augmentation des ventes au Luxembourg. Ensuite, les prix sont devenus plus attractifs en Allemagne de mai à août, puis en France d’août à septembre.»
Dans l’Hexagone, une subvention de 30 centimes est effectivement entrée en vigueur au 1er septembre et devrait descendre à 10 centimes mi-novembre. «En plus de 20 ans dans ce secteur, c’est la première fois que je vois tous les jours des prix plus bas en France qu’au Luxembourg», admet Romain Hoffmann. Résultat : en 2022, les ventes de produits pétroliers ont diminué de 35% à 45% dans les stations situées près de la frontière.
Est-ce pour autant la fin du tourisme à la pompe? «Les meilleures années sont révolues.» Et ce n’est pas la baisse de la TVA d’un point de pourcentage qui va changer les choses. «C’est une goutte d’eau dans un océan», commente Paul Kaiser, administrateur délégué de Petro-Center.
1 milliard de dollar pour réduire les gaz à effet de serre
Mais le GEML a aussi voulu donner ses positions sur la politique climatique et la transition énergétique. L’association rappelle qu’elle soutient les objectifs climatiques de 2030 et souhaite accompagner la décarbonisation de l’industrie. Des initiatives ont déjà été prises comme l’Oil and Gas Climate Initiative (OGCI). Les groupes pétroliers membres ont souscrit aux accords de Paris et se sont donné un budget de 1 milliard de dollars pour développer des projets de réduction de gaz à effet de serre.
Les ventes d’alcool et tabac toujours dynamiques
Avec la fin des ventes de voitures thermiques dans l’Union européenne d’ici à 2035, l’avenir est aussi à l’électromobilité. Le GEML reconnaît qu’il possède un grand potentiel pour «certains types de mobilité» et fait partie «des solutions pour décarboniser les énergies de transport». Mais si le secteur commence à se placer sur ce marché, le GEML note des freins au développement comme la capacité insuffisante du réseau électrique. «Le Grand-Duché souhaite baisser les ventes de carburants de 55 % d’ici à 2030», rappelle Romain Hoffmann. «Une bonne partie se fera sur le transport routier.»
Des questions se posent donc sur l’avenir des 232 stations-services du Luxembourg. Certaines sont condamnées à fermer, affectant les 3 600 emplois du secteur. À lui de trouver de développer de nouvelles sources de revenus comme les bornes de recharge. «La question se pose aussi de nos boutiques qui deviennent de vraies supérettes de proximité.» Et bénéficient des ventes de tabac et d’alcool qui, contrairement aux carburants, restent toujours plus intéressantes au Luxembourg.
Le taux d’inflation dans le secteur du pétrole en général, ne sera pas en effervescent pour les pays du tiers monde.