La Chambre des salariés s’est pliée à son exercice annuel en présentant son Panorama social. Il montre des courbes préoccupantes : le risque de pauvreté s’accentue et le Luxembourg bat des records.
Personne ne pourra reprocher à la Chambre des salariés d’avoir manqué de tirer la sonnette d’alarme. Hier encore, comme un exercice répétitif depuis une décennie, elle a alerté sur les dangers d’une richesse toujours plus inégalement répartie qui risque, à terme, de «nuire à la cohésion sociale», comme le souligne la présidente de la CSL, Nora Back. Et encore, les données concernent l’année 2020, donc l’impact de la crise sanitaire n’est pas entièrement mesuré, ni celui de la guerre en Ukraine.
Si près de la moitié des familles nombreuses et des familles monoparentales éprouvent des difficultés à boucler leurs fins de mois, ils sont 28,6 % sur l’ensemble de la population à se retrouver dans la même situation en 2020. Le Luxembourg ne se retrouve pas trop mal classé (4e position pour cet indicateur), comparativement à la Grèce, à l’autre extrémité, où neuf ménages sur dix ont des difficultés à joindre les deux bouts.
De fortes inégalités de revenus
Plus proche du Grand-Duché, la Grande Région livre aussi quelques données que l’université du Luxembourg a exploitées dans un chapitre spécial et qui livre un comparatif socio-économique assez inédit. La Sarre, la Rhénanie-Palatinat, la Wallonie et la Lorraine sont les quatre régions considérées dans cette étude où le Luxembourg caracole, en général, tout en haut du classement. En matière d’inégalités de revenus, il détient aussi la première position.
La situation se dégrade dans le pays, «malgré un dynamisme économique inégalé en Europe», observe Nora Back. Le Luxembourg ne parvient pas «à réduire ni à juguler ses dérives inégalitaires», poursuit-elle.
À l’inverse, les autres régions frontalières parviennent à limiter la casse et restent globalement à des niveaux de pauvreté et d’inégalités inférieurs à ceux connus au Grand-Duché, analyse l’université du Luxembourg. En 2020, les épiceries sociales du pays ont accueilli plus de 10 300 personnes, alors que les offices sociaux distribuaient plus d’un million d’euros d’aide alimentaire. La tendance est à la baisse en 2021, mais les conséquences d’une inflation galopante risquent une nouvelle fois d’inverser la courbe.
Reste que la première source d’inégalités provient de la répartition primaire des revenus entre les personnes détentrices du capital et les individus qui n’ont pour seuls revenus que ceux provenant de leur travail, relève le Panorama social.
Le chômage des jeunes, un phénomène préoccupant
Il faut cependant noter que ces inégalités ne se sont pas renforcées en 2020, elles se sont stabilisées. Pour le premier semestre 2021, une hausse est déjà inscrite qui concerne les personnes sans emploi, les femmes et les personnes à faible niveau d’éducation.
Selon le Panorama social de la Chambre des salariés, les aides étatiques ont aidé à freiner la progression, mais ont touché une faible proportion de la population.
Si le Luxembourg affiche le plus bas niveau de chômage depuis plus de dix ans, le taux reste trois fois plus élevé pour les 15-24 ans. Un phénomène préoccupant, comme l’est aussi le chômage de longue durée qui touche 34,2 % des demandeurs d’emploi, selon les chiffres fournis par l’Adem en décembre 2021. Autre observation : 86 % des demandeurs d’emploi à capacité réduite ou ayant un handicap ne trouvent pas d’emploi depuis plus de douze mois.
Pauvreté laborieuse
Si les chômeurs constituent le groupe qui présente le plus grand risque de sombrer dans la pauvreté, le fait d’avoir un emploi ne prémunit pas contre ce risque. D’ailleurs, le Luxembourg détient le taux de pauvreté au travail le plus élevé de la zone euro. Cette «pauvreté laborieuse» est en progression constante depuis 2020.
Quant au bien-être et à la santé des salariés, les tendances sont mauvaises, indique la Chambre des salariés. Elle note une hausse des conflits entre vie professionnelle et vie privée, une augmentation du risque de burn out, donc une forte baisse du niveau du bien-être, de la motivation et de la satisfaction au travail.