Un père dit avoir voulu donner une leçon de vie à son beau-fils. Le jeune homme a interprété différemment le message sous forme de coups et a prévenu la police.
Il existe autant de perceptions de ce qu’est la violence qu’il existe de sensibilités et d’expériences. Elle peut être perçue comme une menace et causer des traumatismes, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce qui pour les uns peut passer pour un jeu ou une pichenette peut être ressenti comme une véritable agression ou un danger pour l’autre.
C’est ce qui s’est passé le soir du réveillon de Noël 2021 dans une famille de Capellen. Un beau-père excédé par son beau-fils a voulu lui donner une leçon, sauf que le beau-fils s’est défendu en appelant la police. Rémy, le beau-père, comparaissait pour coups et blessures volontaires sur un membre de la famille ou une personne vulnérable face à la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
«Nous avons fait un excellent repas. Salman a refusé de prendre place à table avec nous. Il a tourné autour de nous. Ça m’a énervé», admet le prévenu. Salima, son épouse, confirme : «Mon mari aime bien que nous mangions tous ensemble, mais mon fils ne voulait pas manger.»
Finalement, Salman s’installe à table. «Il s’attendait à ce que je le serve et je me suis effectivement emporté. Il a alors formé un poing en disant : « Viens, je te tape. » Je suis judoka, cela ne m’a pas fait peur.»
«Mon fils s’est fâché. Il faisait des gestes avec les bras. Mon mari a réagi», se souvient Salima. Rémy reconnaît avoir mis trois coups dans le ventre à Salman. «J’ai esquissé les coups pour lui montrer que je pouvais l’atteindre, pour lui montrer ce qui pouvait lui arriver s’il faisait cela à l’extérieur», poursuit le prévenu, qui affirme ne pas avoir mis de force dans ses gestes.
Avant cela, alors que la famille mangeait une fondue bourguignonne, Rémy se serait saisi de l’assiette de Salman et en aurait répandu le contenu au sol et au visage de Salman. «Après deux ans de confinement, c’était devenu difficile pour mon mari, justifie la mère de famille. Il ne comprend pas toujours que mes deux fils ont des retards mentaux, même s’il a toujours accepté mes enfants comme ils sont.»
Salman a 30 ans, son frère, 25 ans. Salman et Rémy s’évitent depuis les faits. «Pour Salman, c’était il y a longtemps. Il ne voulait pas venir au tribunal», explique sa maman.
«Je me suis levé et je suis parti»
À la barre, le jeune homme paraît impressionné. Il regarde un policier présent dans la salle d’audience avec inquiétude. «Je ne me suis pas défendu. Je n’ai pas frappé en retour», explique-t-il à la présidente. «Je n’ai pas mangé toute la viande», ajoute-t-il, et, pour éviter le conflit, «je me suis levé et je suis parti».
À la police, qu’il a appelée lui-même le soir des faits, le jeune homme aurait dit, lit la présidente, que «c’est déjà arrivé qu’il me frappe et, la dernière fois, c’était la semaine dernière, il m’a donné une gifle».
Le prévenu se justifie en affirmant que le jeune homme pouvait parfois se montrer agressif envers sa famille et cela l’inquiète. «Que Salman s’emporte contre quelqu’un n’est pas un cas unique. Il fait des grands gestes, se prend pour un karatéka, décrit le prévenu. Ma main a touché son ventre, mais je n’appelle pas cela porter un coup.»
Depuis les faits de Noël dernier, Rémy demande «à sa mère d’intervenir dès que Salman commence à (l’)agresser». «Cela ne va pas améliorer la paix dans le couple», lance la présidente de la chambre correctionnelle.
La magistrate avait, plus tôt déjà, tenté de lui expliquer qu’il ne fallait pas sous-estimer la portée de ses actes dans l’esprit de Salman. «S’il a appelé la police, c’est que, pour lui, ce qui est arrivé est grave. Il n’a pas compris ce qui lui arrivait», développe la présidente.
Le représentant du ministère public est du même avis. «Vous jouez sur les mots», indique-t-il au prévenu. Vous n’en avez pas moins porté des coups.» Si le fait en soi «n’est pas très grave», la victime présente un retard mental et a affirmé que ce n’était pas la première fois que le prévenu levait la main sur elle. «Je vous ai cité ici pour m’assurer que tout va bien au sein de votre famille, poursuit-il dans son réquisitoire. Les coups, qu’ils soient portés avec force ou pas, sont inacceptables.»
Il estime que «les faits résultent à suffisance du dossier répressif» et requiert une peine de prison minimale et une amende appropriée à l’encontre de Rémy. Il ne s’oppose pas à un sursis total ou à du travail d’intérêt général. L’avocate du prévenu n’ayant pu plaider en sa faveur faute de temps, le procès reprendra le 13 mai.