Dans les mois et années à venir, l’effectif et le matériel de l’armée grand-ducale vont être renforcés. L’OTAN réclame au Luxembourg de passer à un échelon de défense supérieur.
Le calme règne sur les hauteurs de Diekirch. Le cadre idyllique du Herrenberg est cependant trompeur. À deux heures de vol du Centre militaire Grand-Duc-Jean, la guerre fait rage. L’agression russe de l’Ukraine est venue rappeler l’urgence et l’importance de renforcer les moyens de défense en Europe.
En début de semaine dernière, le ministre François Bausch avait expliqué pourquoi il est «irréaliste et irréalisable» que le Grand-Duché augmente son effort de défense à 2 % de son PIB, seuil fixé par l’OTAN. «Nous nous devons néanmoins d’être un allié crédible et fiable», souligne deux jours plus tard le chef d’état-major, Steve Thull, en marge d’une visite de presse au Herrenberg.
De nouveaux drones
bientôt mis en service
Le budget de défense du Luxembourg va passer de 464 millions d’euros en 2022 (0,65 % du PIB) à 558 millions d’euros en 2024 (0,72 %). «Le défi majeur est d’investir dans des projets sensés. Il ne sert à rien de jeter l’argent par les fenêtres», clame le chef d’état-major. L’OTAN a aujourd’hui endossé ce principe et fixe des objectifs ciblés dans le «Blue Book» remis aux alliés. Chacun des 30 États membres doit remplir des efforts de défense précis. Le processus de planification de défense de l’OTAN (NDPP) cherche non seulement à «partager le fardeau», mais aussi à assurer l’interopérabilité du matériel et des soldats.
En 2012, l’OTAN a demandé au Luxembourg de fournir deux compagnies de reconnaissance. En 2016, est venue s’ajouter la demande de constituer un peloton de drones tactiques. Les deux entités sont actuellement déployées au Mali où les drones de type «Puma» surveillent les entraînements militaires au sol. Les soldats montent à bord de deux types de véhicules blindés : les «Hummer» et les «PRV», mieux connus sous le nom «Dingo». «Ces deux types de véhicules ne sont plus adaptés aux besoins. Le châssis des Dingo est encore en ordre, mais l’équipement technique est vétuste», explique le colonel Pascal Ballinger. Un budget de 367 millions d’euros est déjà débloqué pour doter l’armée de 80 nouveaux véhicules blindés (CLRV).
Le «Blue Book 2020» de l’OTAN requiert du Luxembourg la constitution d’un bataillon de reconnaissance, qui sera mis sur pied avec la Belgique à l’horizon de 2028. L’armée ne devra non seulement recruter entre 100 et 150 soldats supplémentaires, mais aussi se doter de matériel d’armement «plus lourd». «Le retour de l’OTAN à une stratégie de défense collective nous amène à monter d’un échelon», relate le colonel Ballinger. Un accord bilatéral doit être signé mi-2023. Il s’agira ensuite de commander le matériel, dont une quarantaine de véhicules, à livrer au mieux pour 2027.
En parallèle, l’armée va lancer au 1er juillet, 6 mois plus tôt que prévu, un nouveau peloton de drones doté de quatre engins de reconnaissance de type «Integrator», plus grands et plus performants que les drones de type «Puma». Le système est conçu d’une rampe de lancement et d’un dispositif «skyhook» qui permet de capter le drone à l’aide d’une corde élastique. Le commandement et l’entretien des drones se fait à partir de deux conteneurs. Le peloton va être intégré à une brigade de l’armée allemande.
La durée de service va passer de 3 à 4 ans
«On entre dans une phase de consolidation. Les domaines dans lesquels on est engagé seront étendus. Il ne sera toutefois pas possible de lancer de nouveaux programmes», indique le général Thull. La taille réduite de l’armée rend les soldats très polyvalents. «Le risque existe cependant de finir à faire beaucoup sans vraiment être performant.» D’où la décision de continuer à miser sur la reconnaissance, des capacités de transport aérien (A400M, MRTT) ainsi que la cyberdéfense et l’espace (satellites LuxGovSat et LUXEOsys).
Pour réussir à passer ce nouveau cap, l’armée mise sur des possibilités de carrières plus attrayantes. Une réforme de la loi va augmenter la durée de service de 3 à 4 ans. L’armée pourra alors aussi s’ouvrir aux détenteurs d’un diplôme de fin d’études.
Le support apporté à l’Ukraine
Le gouvernement ne communique plus sur le détail des armes livrées aux forces ukrainiennes, ceci pour des raisons «tactiques et sécuritaires». Les livraisons seraient toutefois «substantielles».
Le 28 février, le ministre de la Défense, François Bausch, avait encore officiellement annoncé que le Luxembourg allait fournir 100 armes antichars de type NLAW à l’Ukraine. Il s’agit d’une arme qui est simple d’usage. «Avec un minimum d’entraînement, la probabilité de frapper un char est assez importante», note le colonel Ballinger. Les armes fournies ont donc certainement contribué à la destruction de chars russes.
Par ailleurs, le Grand-Duché a livré des véhicules 4×4 et 15 tentes militaires. Des capacités de transports (A400M, Cargolux) et de ravitaillement en vols (MRTT) sont également mis à la disposition des alliés.
En parallèle, ce sont 6 soldats luxembourgeois qui sont déployés en Lituanie où ils assurent un soutien logistique à la «présence avancée renforcée» de l’OTAN.