André est accusé de s’être introduit à plusieurs reprises au domicile de ses parents alors qu’il n’en avait plus le droit. Il n’aurait pas hésité à défoncer la porte pour entrer.
Pas facile de devoir témoigner contre son propre fils. Un père et une mère en ont fait l’expérience jeudi matin face à la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. André, 32 ans, est accusé d’avoir violé une mesure d’expulsion du domicile parental mise en place le 25 janvier 2022 à trois reprises, les 27, 29 et 30 janvier 2022.
«Ce n’est pas un mauvais garçon, mais quand il a bu, il fait des choses…», avance timidement son père. «Il doit suivre un traitement pour régler son problème avec l’alcool.» Quant aux faits reprochés à son fils, il ne s’en souvient plus, ou plutôt il n’y a pas vraiment assisté. «Je dormais. Quand je suis arrivé en bas, tout s’était déjà passé. Je prends des somnifères.» «Elles sont fortes vos pilules !», constate le président de la chambre correctionnelle. Puis, plus bas, derrière son masque, il marmonne : «Il dormait. Il dormait !»
La maman du prévenu ne sera pas plus loquace. «J’avais eu un accident, je prenais des médicaments à l’époque», se justifie-t-elle. La porte d’entrée de la maison que le trentenaire aurait défoncée pour entrer au sein du domicile «s’ouvrait d’un coup de pied» depuis une précédente dispute. «Vous ne voulez pas l’enfoncer face au tribunal ? Vous voulez lui pardonner ?», interroge le juge. «Vos déclarations à la police étaient tout autres. Vous avez dit que vos deux fils avaient cassé la porte le 27 janvier.» La femme se tait, contrairement à son fils.
André parle. «À l’époque, mon père avait demandé à mon petit frère de quitter la maison après une dispute. Il faisait froid. Je n’allais pas le laisser seul. Je l’ai emmené chez ma copine», explique-t-il sans mentionner la mesure d’expulsion. «On est revenus chez nos parents parce que mon frère voulait voir son enfant. On s’est installés dans la cabane au fond du jardin», poursuit André. Sa maman leur aurait «donné de la viande et du riz pour manger» dans l’abri de jardin. «On avait acheté du vin dans un contenant en plastique. On l’avait posé sur le réchaud avant de s’endormir.» Le plastique a fondu et quand il s’est réveillé, André aurait trouvé «de la fumée blanche partout» et son «frère inconscient au sol».
Pour sauver son frère
Ni une ni deux, le jeune homme se serait précipité à l’intérieur de la maison pour chercher de l’eau afin de sauver son frère avant de s’évanouir au beau milieu de la cuisine, où son père l’a trouvé. C’est la seule et unique fois qu’il est entré dans la maison, jure-t-il, et la porte, cassée depuis longtemps, était «bloquée avec des sacs de riz». Le récit est décousu et ne correspondrait pas aux constatations de la police appelée sur place par les parents, selon la représentante du parquet. Le prévenu se serait vu notifier puis rappeler à plusieurs reprises la mesure d’éloignement avant d’être finalement arrêté le 30 janvier 2022.
Le casier judiciaire d’André est «impressionnant», selon le président de la chambre correctionnelle. Le jeune homme cumule des condamnations pour coups et blessures et menaces. «J’ai déjà fait quelques conneries. J’ai grandi à Esch-sur-Alzette. La violence y est grande. (…) Il faut se faire respecter», lance André qui explique vouloir reprendre sa vie en main depuis la naissance de sa fille, il y a un mois, deux jours après sa sortie de détention préventive. La représentante du parquet l’entend d’une autre oreille. Elle a demandé au tribunal de retenir la violation de domicile et a requis une peine de 18 mois de prison ferme à l’encontre du prévenu.
Son avocate a rappelé qu’il contestait les violations de domicile des 27 et 29 janvier 2022 qui lui sont reprochées ainsi que le fait d’avoir défoncé la porte pour entrer au domicile familial. «Le 30 janvier 2022, il a agi dans l’urgence. Son frère aurait pu être en danger. Il a paniqué et son premier réflexe a été d’entrer dans la maison», explique-t-elle. La prison serait «un retour en arrière» pour celui qui «veut assumer son rôle de père». Elle a prié le tribunal de ne pas condamner André à une peine de prison, mais plutôt à une amende.
Le président a demandé à André s’il accepterait de faire du travail d’intérêt général au lieu de la prison. «Oui», a répondu faiblement le jeune homme qui paraissait sonné par le réquisitoire du parquet.
Le prononcé est fixé au 9 mars.