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Luxembourg : grand ménage au commissariat de la gare


Un jeune policier, contraint par son supérieur de falsifier un rapport, a dénoncé les faits. Tout part d’un passage à tabac en règle.  (Photo : fabrizio pizzolante)

Le commissariat de la gare à Luxembourg est certainement en train de vivre la fin d’une époque peu glorieuse où des policiers se permettaient de tabasser et de falsifier des rapports.

Il a fallu attendre qu’un jeune policier dénonce des faits d’une extrême gravité, commis au commissariat de la gare de Luxembourg, pour que tout un système nauséabond s’écroule, ce qui a fini par conduire quatre policiers derrière les barreaux, en préventive à Sanem depuis plus d’un mois.

C’est le Wort qui a révélé les faits fin juillet, relatant comment trois policiers ont salement tabassé dans sa cellule de dégrisement un ressortissant capverdien interpellé alcoolisé durant la nuit du Marathon ING le 20 mai dernier. L’enquête qui a suivi la dénonciation des faits a révélé que les trois policiers avaient pris le relais dès que leurs deux jeunes collègues avaient ramené celui qu’il convient désormais d’appeler la victime. Ils avaient un compte à régler avec elle et en ont profité pour la passer à tabac.

Le jeune policier, âgé de 22 ans, qui venait de commencer à la gare depuis trois semaines, est invité à rester en dehors de la cellule. C’est à lui, cependant, que revenait la tâche de rédiger le rapport de la soirée et, à ce moment-là, un grand malaise s’installe. Son supérieur lui demande de maquiller la vérité. Il est angoissé mais s’exécute, il connaît les méthodes de la maison, qui l’impressionnent, à l’opposé de l’enseignement dispensé à l’école de police.

Une zone de non-droit

Le jeune fonctionnaire qui a obéi aux ordres malgré lui, de peur de représailles, ne tient pas longtemps à la gare et est affecté dans un autre commissariat où il se confie à ses supérieurs. Ces derniers l’encouragent vivement à dénoncer les faits et le jeune policier s’exécute, heureux de pouvoir libérer sa conscience. L’Inspection générale de la police (IGP) prend les choses en main, le parquet poursuit, les trois policiers impliqués dans les violences commises en cellule sont placés en détention provisoire par le juge d’instruction et le commissaire en chef les a rejoints pour falsification.

Les différents interrogatoires ont révélé l’existence d’une zone de non-droit au sein de ce commissariat qui n’a pas les missions les plus simples à remplir dans un quartier à haut risque, où se mêlent drogue et prostitution. Cela n’excuse pas les méthodes mises en place à commencer, selon nos informations, par un «système de mérite» très spécial. Lorsque les jeunes policiers commençaient, ils démarraient avec moins dix points et devaient mériter le respect de leurs collègues par des actes de bravoure, dont il faudra encore livrer le détail.

Lorsque le quota des points était atteint, les jeunes fonctionnaires pouvaient saluer les chefs et aller boire le café avec eux. Cela paraît invraisemblable, mais confirmé par les interrogatoires menés par l’IGP avec les actuels et anciens policiers en poste à la gare. Les «anciens» étaient impressionnants, tombés eux aussi dans les pratiques douteuses héritées depuis plus de dix ans, peut-être davantage, dans ce commissariat qui ne dispose pas de caméras, une exception dans le pays, et qui ne s’explique pas.

Obéir et se taire

La direction régionale tombe des nues. Elle dit tout ignorer des méthodes de travail des policiers de la gare. Ces derniers, frustrés d’être ainsi mis sur la sellette par l’IGP, ont présenté des arrêts maladie pour certains, de longue durée même, au point de déposer leur arme de service le temps de soigner ce qui s’apparente à une série de burn-out.

Les députés Laurent Mosar et Léon Gloden (CSV) ont sauté sur l’occasion pour poser une question parlementaire urgente, constatant que le commissariat a été contraint de fermer ses portes par manque d’effectif. Sur les 30 fonctionnaires en poste, onze sont hors circuit. Quatre sont en prison, un autre suspendu pour détention de cannabis et les autres en maladie. Le commissariat n’est plus opérationnel et le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox, dispose d’une semaine pour répondre à la question, reconnue urgente, des députés.

En attendant, les quatre policiers restent en détention, leur demande de remise en liberté ayant été refusée au vu de la gravité des faits. Parmi les infractions retenues, celle d’acte de torture relève d’un fait criminel. Il s’avère qu’un seul policier a frappé à plusieurs reprises la personne interpellée alors que les deux autres assistaient à la scène en spectateurs passifs. Ils n’avaient rien à voir avec l’interpellation, mais semblaient contents d’avoir l’individu dans leurs murs, à qui ils avaient déclaré la guerre, selon l’exploitation des courriels et des échanges WhatsApp dont certains détails nous ont été rapportés. Il y avait donc préméditation et l’IGP cherche à savoir pourquoi. Elle ne lâche rien dans ce dossier qui permet de faire le ménage dans ce commissariat qui abritait un certain nombre de flics ripoux. Ils harcelaient les jeunes recrues, tenues d’obéir et de se taire.

L’une d’entre elles a eu le courage de les dénoncer.

3 plusieurs commentaires

  1. Voici certainement la raison du manque de sécurité à la gare, commissariat en crise, qu’ils fassent leurs boulots ou démissionnes !
    Pourtant ils arrivent à trouver de l’effectif pour envoyer une voiture avec 3 policiers a ma porte cette semaine pour une amende impayée !!! Quand faut récupérer l’argent il y’a. Du monde bien sûr.

  2. THOMMES Jan-Antoine

    Début des années 80, j’ai subi un traitement similaire. Un passage piéton à la Place de Paris était en panne. Le feu rouge ne passa plus au vert. J’ai donc traversé avec d’autres personnes le passage en rouge. Arrivant en face, un policier m’a arrêté. Coup de poing dans la nuque, devant témoins. A la suite je marchais avec un autre policier au commissariat rue Glesener. Là on essaya de me provoquer, afin que je serais tabassé. J’ai intelligemment résisté, après 3 heures je fus libéré. L’enquête mené par la suite se perd dans les tiroirs. J’étais un des premier à dénoncer les brutalités policières au Luxembourg. Les articles parus par suite de ces affaires sont toujours dans mes mains.

  3. Je trouve les résultats de cette enquête plutôt mince. Je suis surpris qu’on ne parle pas d’argent dans cette affaire.