Pour Jean-Marie Vesque (domaine Cep d’or, à Hëttermillen), les vendanges devraient vraiment débuter d’ici une dizaine de jours. Le vigneron explique pourquoi le travail sera plus méticuleux que jamais avec le raisin de cette année.
Comment s’annoncent les vendanges ? La situation n’a pas l’air simple, avec des vignes à la fois touchées par le gel et les brûlures du soleil…
Jean-Marie Vesque : Effectivement, c’est très hétérogène… Surtout sur les cépages bourguignons (NDLR : les pinots, l’auxerrois…). Mais je reviens de mes vignes de Remich, exposées à l’ouest, qui ont été touchées à 40 % par le gel. Eh bien, cela ne se présente pas si mal! Il y a très peu de raisins grillés par le soleil, au contraire des vignes tournées vers le sud où il y a eu beaucoup de dégâts. Ceci dit, il faudra impérativement réaliser deux passages dans chaque vigne pour bien éliminer tous les mauvais raisins. Les vendangeurs vont devoir travailler de manière très méticuleuse et précise. Ce sera impératif.
Un des risques serait de vouloir trop presser les raisins
La qualité du travail à la vigne sera-t-elle à ce point décisive ?
Ce sera l’alpha et l’oméga de ce millésime. On verra quels seront les vignerons qui sont prêts à faire ce travail et qui le maîtrisent. Parce que ce ne sera pas une question de mauvaise qualité : tout est là pour faire du bon vin. Mais il ne faudra pas espérer de grosses quantités. Un des plus grands risques serait de vouloir trop presser les raisins pour en retirer un maximum de jus. Ce serait une très grosse erreur.
Moins de raisins au pressoir, est-ce que cela signifie des vendanges plus courtes ?
Non, pas du tout! Il y aura moins de raisins (qu’en 2018) mais beaucoup plus de travail et de stress parce qu’il faudra être très précis. Cette année est complètement différente de 2018, où tous les raisins étaient parfaitement sains et prêts à être vendangés au même moment.
Moins de raisins, plus de travail… Économiquement, ce ne sera pas une bonne année…
Il est certain que, pour nous, les coûts seront plus élevés puisque les frais fixes restent les mêmes. Mais avec la concurrence qu’il y a sur le marché, nous ne pouvons pas nous permettre de récupérer ces coûts sur le prix de la bouteille.
Pour quelle raison faudra-t-il être doux avec le pressoir ?
Il y a deux types de maturité pour les raisins : la maturité physiologique et la maturité phénolique. Or cette année, les deux seront difficiles à coordonner. Concrètement, à cause de la sécheresse, les baies sont pleines de chair et vides de jus, donc trop les presser amènerait un excès de phénols, qui donnent de l’amertume au vin. Lors d’une année normale, il faut 1,3 kilo de raisins pour obtenir 1 litre de vin. Cette fois, pour ne pas trop les extraire, je lancerai des pressurages plus légers et j’en aurai besoin d’environ 1,5 kilo. Comme les phénols peuvent également provenir de raisins gâtés, gérer les amertumes sera le grand défi de cette année. Laisser les vins sur lies pourra également aider à limiter ces amertumes.
Moins de vins rouges cette année
Cette situation sera sûrement compliquée pour élaborer les vins rouges ?
Oui, il faudra faire au plus court pour les fermentations. L’an passé, j’ai utilisé de la neige carbonique pendant trois ou quatre jours sur le pinot noir, avant le levurage, pour exprimer au maximum le fruité et les arômes mais là, ce sera complètement impossible puisque les grappes ne sont pas homogènes. Les macérations seront courtes, 36 ou 48 heures tout au plus. Et je réserverai surtout ces moûts pour faire du vin de base pour les crémants rosés. Il y aura moins de vins rouges cette année.
Quand pensez-vous débuter les vendanges ?
Sans doute mercredi ou jeudi, mais uniquement pour le Fiederwäissen : les gens l’attendent! Mais pour le reste, je pense que les vendanges débuteront le lundi 23 septembre. Les vendangeurs arriveront le samedi. Mais j’ai vu que l’on prévoyait de fortes chaleurs la semaine prochaine, alors peut-être que nous commencerons quelques jours avant.
Quoiqu’il en soit, il n’est pas question d’envisager des vendanges tardives, comme ça a été le cas l’année dernière…
Non, mais ce n’est pas grave. Ce ne sont pas des bouteilles qui se vendent comme des petits pains! En 2018, l’année était parfaite pour ça et on a un stock qui tiendra quelques années encore… J’espère jusqu’à la prochaine opportunité d’en refaire!
Entretien avec Erwan Nonet