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Luxembourg : « A quiet place » pas si tranquille, ce mardi soir au Grand Théâtre


A Quiet place, opéra éclectique der Bernstein, c'est ce mardi soir uniquement au Grand-théâtre de la Ville ! (Photo : Jost Milde).

En cette année du centenaire de la naissance de Leonard Bernstein, le Grand Théâtre de Luxembourg présente, ce mardi soir seulement, A Quiet Place.

Leonard Bernstein est l’un de ces noms qui titillent les yeux et les oreilles des mélomanes et autres amateurs de spectacle. Né en 1918, ce natif du Massachusetts issu d’une famille d’origine ukrainienne a composé, entre la fin des années 30 et la fin des années 80 des dizaines et des dizaines d’œuvres. Un répertoire, surtout, d’un étonnant éclectisme.
A Quiet Place, écrit avec le librettiste Stephen Wadsworth, est un opéra surprenant. Le récit commence lors d’un enterrement. Celui de Dinah. Sam, son veuf, est entouré par les proches et amis de celle qui a été sa femme pendant plusieurs décennies. Mais manquent à l’appel Dede et Junior, la fille et le fils du couple.
Les deux vivent ensemble au Québec avec François. Ce dernier a eu une relation amoureuse avec le second, mais est désormais marié avec la première. Un gendre que Sam n’a jamais rencontré. Pour couronner le tout, Junior souffre de troubles psychologiques. Voilà le tableau. Le reste du récit tournera autour des relations entre le père et ses deux enfants. Une relation complexe, interrompue depuis de longues années. Seule la mort de Dinah a réussi à les rassembler.

Une histoire de gens normaux

Une histoire de gens normaux, loin des rois, des nobles ou des bohèmes. «C’est une histoire de personnes ordinaires et c’est écrit dans un langage très simple. Ce qui fait que tout le monde peut s’identifier avec ces personnages, d’une manière ou d’une autre. Quelque part, c’est un opéra sur nous, car cette histoire est universelle», explique la metteure en scène de cette production, Orpha Phelan. Après l’enterrement, Sam repense à sa vie, ses relations avec sa femme, ses enfants… Il fait le point sur ses erreurs et repense à sa jeunesse, dans les années 50. Celle-là même que Bernstein a racontée dans Trouble in Tahiti. D’où l’utilisation par les auteurs de flash-back et la reprise, dans A Quiet Place, de morceaux de l’opéra de 1952.

Avec l’orchestre philharmonique Zuidnederland

Résultat, le style de cette œuvre est absolument unique. «Il m’est impossible de trouver une définition au style musical d’A Quiet Place», reconnaît, sans détour, le chef d’orchestre Karel Deseure qui dirigera ce mardi soir l’orchestre philharmonique Zuidnederland au Grand Théâtre de Luxembourg. Tout juste se risque-t-il à dire : «Comme toujours avec Bernstein, c’est… assez éclectique!»
Bien sûr, la musique suit le sens du récit. Ainsi, elle passe d’une ambiance plutôt sombre, lors de l’enterrement initial, à un style beaucoup plus léger, jazzy même, lors du flash-back qui replonge le récit dans les années 50. Et si le style de cette partie, qui reprend Trouble in Tahiti, est en rupture par rapport au reste d’A Quiet Place, «on sent, en ce qui concerne la musique, une grande relation entre les deux œuvres», reprend le chef d’orchestre. Il s’explique : «Bernstein a pris comme matériel musical de base, pour A Quiet Place, un accord, avec un triton dedans – comme dans West Side Story – qui provient de Trouble in Tahiti!» Ce qui donne, à l’arrivée, «un mélange de jazz et de musique, disons, contemporaine dans son langage mais pas atonale», le tout avec beaucoup de changements de mesure, des changements de tempo, etc. «Ce qui est bien avec A Quiet Place, c’est que quels que soient vos goûts musicaux, vous trouverez quelque chose qui vous plaira», résume de son côté Orpha Phelan.

L’une des plus belles œuvres du répertoire
Pour la metteure en scène, A Quiet Place propose ainsi «des morceaux très sophistiqués et complexes, puis d’autres très directs et faciles d’accès». Elle poursuit : «Je pense que c’est parce que le compositeur et le librettiste ont travaillé main dans la main. Il n’y a rien de superficiel dans cette œuvre.» Elle ajoute : «Pour moi, c’est l’une des plus belles œuvres du répertoire, les morceaux devraient être des standards…»
Difficile, dans ce sens, de comprendre pourquoi elle est restée méconnue. D’ailleurs, malgré les célébrations organisées autour de la naissance de Bernstein, cette production de l’Opera Zuid est la seule montée dans toute l’Europe à cette occasion.
«C’est peut-être parce qu’au moment de sa création, certains sujets abordés étaient encore considérés très limites, dérangeants. C’était très radical pour l’époque», pense Orpha Phelan. Mais ces sujets – inceste, abus, homosexualité – semblent mieux acceptés aujourd’hui. «Nous avons déjà fait quatre représentations, reprend Karel Deseure, et les quatre fois, le public était enthousiaste», assure-t-il. «Plusieurs personnes nous ont dit qu’elles étaient très émues. Qu’au niveau de l’émotion, c’est fort, comme un opéra de Puccini.»

Pablo Chimienti