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Luxembourg : 23 ans requis pour viol et séquestration


Face à des faits d'une exceptionnelle gravité, le parquet a proposé un réquisitoire exceptionnel aussi (Photo d'illustration : Editpress).

Le parquet reproche au trentenaire d’avoir violé à trois reprises sa compagne. Le couple s’était rencontré à l’Office social de la côte d’Eich fin août 2016.

«Est-ce que Monsieur a compris que c’est lui le prévenu dans une affaire de viol?», avait demandé la parquetière au prévenu jeudi en fin d’audience. Pendant plus de quatre heures et demie, la 13e chambre criminelle avait entendu le trentenaire poursuivi pour avoir frappé, harcelé et violé à trois reprises sa compagne entre fin 2016 et mai 2017.

Mais à entendre ses déclarations à la barre, c’est tout le contraire qui s’était passé : c’est elle qui le frappait, c’est elle qui le menaçait et c’est elle qui le violait… Tous deux s’étaient rencontrés fin août 2016 à l’Office social de la côte d’Eich. Ils avaient fini par devenir colocataires, puis un couple.

«Je n’ai aucune raison de mettre en doute les déclarations de Madame!», a coupé court, vendredi matin, la représentante du parquet. Au cours de son réquisitoire, elle a balayé les arguments avancés quelques minutes plus tôt par la défense. Estimant que tout le dossier est basé sur le témoignage de la quadragénaire qui se présente comme victime, cette dernière avait demandé l’acquittement. «L’attitude de Madame est contraire par rapport aux faits dont elle prétend être la victime», avait plaidé Me Philippe Stroesser.

« Les femmes et leur bourreau »

«Malgré le cauchemar des 10 et 11 janvier 2017, où, selon Madame, on parle de viol et de séquestration, elle a repris la relation avec lui et elle lui a aussi régulièrement confié sa fille.» Enfin elle n’avait déposé sa plainte que fin avril. Un argument que le parquet ne partage pas : «C’est un phénomène connu que des femmes victimes de violences conjugales ou de viols retournent voir leur bourreau!»

D’après le parquet, il n’y a pas de doute que ce qu’a raconté la plaignante correspond bien à la vérité. Le fait qu’il n’y ait pas de témoins pour cette affaire serait la problématique des affaires de viol : «Généralement un violeur ne choisit pas la place publique.»
Pour les faits de janvier, comme il aurait pris le soin de fermer la porte de la chambre à coucher à clé, elle n’aurait eu aucune possibilité de s’échapper : «Il l’a étranglée. Il l’a violentée jusqu’à ce qu’elle lui dise « Fais de moi ce que tu veux!»
Toujours d’après le parquet, si elle n’avait pas cherché à se faire établir un certificat par un gynécologue, c’est parce que ce n’est que bien plus tard qu’elle aurait compris la nécessité de se prévaloir de preuves. C’est le 27 avril qu’elle s’est présentée la première fois au commissariat de police. On lui donne alors un rendez-vous pour le 12 mai. «Malheureusement le 10 mai, il s’est de nouveau introduit dans son logement…»

Condamné et recherché en Finlande…

Pour les faits de harcèlement, la représentante du parquet se rapporte à prudence de justice : «Je suis persuadée qu’il l’a harcelée, mais les explications livrées n’étaient pas très concrètes.»
«On parle de trois viols à des époques différentes, de coups et blessures et d’une séquestration. Vu ses antécédents judiciaires, il n’y a pas beaucoup de raisons de rester en dessous de la peine maximale de 25 ans, a enfin récapitulé la parquetière. Je requière 23 ans de réclusion.»

Au cours de l’instruction, il s’était avéré que le prévenu originaire d’Irak était arrivé en 2013 au Grand-Duché, deux jours avant qu’on ne prononce contre lui une peine de prison de trois ans en Finlande. L’identité du prévenu qui a déclaré face aux juges être né à Bagdad en 1982 est loin d’être claire. Le nom sous lequel il a obtenu son autorisation de séjour en Finlande n’est pas le même que celui qu’il avait quand il a atterri dans le viseur des autorités luxembourgeoises. Recherché en Finlande, il avait tenté de refaire sa vie sous une autre identité. Depuis son arrestation en 2017, l’homme, dont le casier renseigne 12 condamnations en Finlande (dont une pour viol), se trouve en détention préventive à Schrassig.

La chambre criminelle rendra son jugement le 14 février. Dans cette affaire, il y a eu trois constitutions de parties civiles. Par le biais de son avocat, Me Michel Foetz, la plaignante réclame 165 000 euros de dommages et intérêts ainsi que 25 000 euros pour sa fille mineure. La fille aînée, quant à elle, demande l’euro symbolique.

Fabienne Armborst