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Lutter contre le braconnage avec les techniques de… l’armée !


Les techniques sont notamment expérimentées au Kenya (Photo d'illustration : AP).)

Arrêter les braconniers avant qu’ils aient le temps de s’en prendre aux lions, aux éléphants ou aux tigres grâce à des techniques de renseignement inspirées de l’armée : c’est le pari de l’ONG Ifaw, testé au Kenya et répété en Inde.

Ce programme a été lancé en 2015 par le Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw) avec le Service kényan de la Faune (KWS) et concerne l’aire de conservation Tsavo, celle du Loita avec le parc Mara et la zone Amboseli-Kilimandjaro avec le parc national d’Amboseli. Il est « né du constat qu’il y avait une mine d’informations collectées par les rangers » chargés de la protection de la faune sauvage, mais que ces données « n’étaient pas centralisées, analysées et ne permettaient pas de dégager des tendances ou des méthodes » de braconnage, indique Céline Sissler-Bienvenu, directrice d’Ifaw pour la France et l’Afrique francophone.

De plus, le visage du braconnage a changé ces dernières années. Des réseaux criminels, lourdement armés, ont remplacé un braconnage de subsistance. 20 000 à 30 000 éléphants sont tués pour leur ivoire chaque année, selon WWF, et des rangers risquent leur vie. « Sur le terrain, c’est une guerre », résume Céline Sissler-Bienvenu. Comment la gagner ? Ifaw fait le pari d’avoir l’approche « la plus prédictive possible pour stopper le braconnage avant qu’il n’ait lieu », explique Faye Cuevas, vice-présidente de l’ONG. L’idée est de croiser un maximum d’informations récoltées par la police, la population locale, des ONG, l’organisation internationale de coopération policière Interpol, des satellites, pour comprendre où, quand et comment les braconniers peuvent agir et démanteler les réseaux.

Les données analysées par des spécialistes

Les informations récoltées sont analysées par des spécialistes basés à Nairobi et leurs conclusions sont transmises aux agents sur le terrain. Pour commencer, les membres du programme ont épluché les procès verbaux et les informations collectées par le KWS et qui dormaient dans des classeurs. Si l’argent est une source de motivation pour les braconniers, « nous nous sommes rendus compte que des spots potentiels de braconnage chevauchent des zones de conflit » entre les hommes et la faune sauvage, dit Céline Sissler-Bienvenu. Récolter et traiter des données n’a pas de secret pour Faye Cuevas, qui supervise ce projet. Pendant 19 ans, elle a servi dans l’armée américaine, dont plus de la moitié dans des services de renseignement dans la lutte contre le terrorisme et elle a travaillé avec les forces spéciales pour des opérations de guerre dans des zones insurrectionnelles ou de soutien à des populations civiles.

Viser le « zéro braconnage »

Ifaw s’appuie donc sur les rangers mais aussi sur les Masaï et leur fine connaissance du terrain. Le programme se nomme d’ailleurs TenBoma ou « dix maisons » en swahili. Si tous ne coopèrent pas, « beaucoup sont motivés car ils veulent préserver leur façon de vivre traditionnelle » basé sur le pastoralisme et le nomadisme. Ifaw veut leur montrer les avantages qu’ils vont tirer de la préservation de la faune sauvage, avec par exemple des bourses scolaires pour les jeunes qui peuvent devenir rangers, ou des aides pour agrandir leurs troupeaux. L’idée est de créer « un lien de confiance », insiste Céline Sissler-Bienvenu, sinon « les communautés ne donneraient pas les informations qu’elles ont ». « Le but est d’avoir zéro braconnage », annonce Faye Cuevas. Un objectif presque atteint puisque depuis que le programme a été déployé, un seul cas a été relevé dans les zones couvertes quand un éléphant a été braconné dans l’écosystème d’Amboseli en novembre, assure Ifaw. TenBoma n’est pas destiné à être mis en oeuvre seulement au Kenya et en Tanzanie. Il est appliqué depuis 2017 dans l’Etat du Kerala, dans le sud de l’Inde, en partenariat avec Wildlife Trust of India, dans le but de protéger en particulier les tigres et les éléphants.

AFP