Toujours pas de trace du plan de lutte nationale promis par le ministre Max Hahn. À bout de patience, les deux partis d’opposition ont soumis coup sur coup leur propre plans d’action.
Les chiffres sont connus et ne cessent de se détériorer. La semaine écoulée, le Statec a alerté qu’en 2024, 20 % de la population était confrontée à la pauvreté et à l’exclusion sociale, soit 130 000 personnes.
À la base, le taux de risque de pauvreté pointe à 18,1 %. En déduisant les dépenses courantes – en tête les frais de logement – ce taux augmente à 26,1 %. Les moins de 18 ans (24,1 %) et les ménages monoparentaux (32 %) sont les plus menacés par la pauvreté. Une personne sur sept fait partie des travailleurs pauvres.
Pour déi gréng, ces chiffres représentent la «face cachée» du riche Luxembourg. «Depuis des années, le gouvernement martèle qu’une forte économie doit primer sur l’État social. Or cette équation ne fonctionne pas. La croissance économique n’assure ni sécurité sociale, ni logement abordable, ni revenus équitables, ni égalité des chances», fustige le parti, qui a présenté hier matin un plan d’action comprenant 20 propositions.
Le LSAP mise sur un paquet de mesures plus complet encore. «La pauvreté n’est pas une fatalité, mais une injustice (…). Les personnes en situation de pauvreté n’ont pas besoin de charité – elles ont besoin de perspectives justes et concrètes. Et offrir ces perspectives est avant tout une question de volonté politique», a souligné jeudi dernier le premier parti d’opposition.
Les deux formations – toutes les deux membres du gouvernement tricolore, au pouvoir de 2013 à 2023 – taclent en priorité le ministre de la Famille, Max Hahn, un membre de leur ancien partenaire de coalition DP.
Son plan d’action national contre la pauvreté se fait attendre depuis près de deux ans. Lors de sa déclaration sur l’état de la Nation, à la mi-mai, le Premier ministre, Luc Frieden (CSV), avait annoncé que le plan, qui doit être mis sur la table avant la fin de cette année, allait reposer sur une «stratégie cohérente est essentielle» offrant aux personnes en situation de précarité un «soutien réel et concret».
Le camp socialiste mise sur un plan pour agir dans cinq domaines : le logement, la précarité financière, la pauvreté des enfants, le sans-abrisme et l’accueil digne des migrants.
En plus du logement et de la pauvreté des enfants, déi gréng voient deux autres priorités : une vie digne pour les seniors et de «fortes structures» pour la cohésion sociale.
L’importance de la prévention
Les deux partis se rejoignent sur plusieurs mesures à prendre : imposer un quota aux communes pour réaliser du logement abordable et social, la mobilisation de terrains et de logements vides, l’introduction d’un kit de naissance gratuit pour les familles défavorisées ou encore l’augmentation et la revalorisation du salaire minimum (100 euros net pour le LSAP), du revenu minimum garanti (Revis) et de la pension minimale, inférieure au revenu pour vivre décemment (2 530 euros brut contre 3 700 euros, selon le Statec).
Parmi les propositions plus novatrices figurent, du côté du LSAP, le lancement d’un programme national de construction de logements sociaux et la mise en place de davantage d’écoles à journée continue. Chez déi gréng, relevons la création de centres régionaux pour l’inclusion sociale et professionnelle ou de structures d’hébergement décentralisées pour les sans-abri.
D’une manière plus globale, il importerait de donner la priorité à la prévention, afin d’éviter que les gens tombent dans le surendettement, le sans-abrisme et l’isolation sociale.
Le gouvernement compte débloquer 3,3 milliards d’euros
Le Parti socialiste fustige le fait qu’«aucune trace» financière du plan de lutte contre la pauvreté ne figure dans le budget de l’État pour 2026. «Cela nous inquiète profondément – pour le LSAP, c’est même irresponsable», est-il souligné dans un communiqué.
Lors de la présentation du projet de budget, le ministre des Finances, Gilles Roth, avait levé du moins une partie du voile sur les enveloppes consacrées à la lutte contre la pauvreté.
«Les dépenses pour le bien-être vont se chiffrer l’année prochaine à 4,9 milliards d’euros, soit 5,2 % du PIB, dont 3,3 milliards d’euros pour la lutte contre la pauvreté», avançait début octobre le ministre CSV.