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L’ultime humiliation d’Hillary Clinton, la mal aimée


Hillary Clinton a encaissé tous les coups politiques durant des décennies et s'en est toujours relevée plus forte. Cette fois, le peuple américain l'a mise à terre, écrasée par Donald Trump. (illustration AFP)

Battue en 2008 par Barack Obama. Probablement anéantie aujourd’hui après avoir subi l’humiliation d’une déroute face au novice en politique Donald Trump, Hillary Clinton restera la femme d’une ambition jamais assouvie.

En février dernier, un journaliste lui demanda si elle avait toujours dit la vérité aux Américains. « J’ai toujours essayé », lui répondit la candidate démocrate à la Maison Blanche. D’autres personnalités politiques moins précautionneuses auraient répondu d’un « oui » sans équivoque. Mais Hillary Clinton, avocate de formation, pèse chaque mot pour ne jamais être prise en défaut. Son effort de sincérité passe, pour ses contempteurs, pour de la duplicité.

Et cette duplicité, malgré ses mille efforts de rédemption, malgré l’appui de toute la planète démocrate et du président Barack Obama, a coûté mardi aux démocrates la Maison Blanche, dans une répudiation historique qui a fait trembler le monde entier.

Trop ambitieuse

Avec le recul, il semble facile de remonter le fil de cette défiance, qui en trois décennies de vie publique n’a fait qu’enfler.

Ce fut d’abord la méfiance des habitants de l’Arkansas dans les années 1970, quand son mari Bill était gouverneur et que la Première dame s’entêtait à garder son nom de jeune fille, Rodham, et à poursuivre sa carrière d’avocate. Aimait-elle vraiment son mari ? Que cachait cette femme du Midwest, un peu hippie ?

Finalement, elle adopta le nom de Clinton. Mais déjà, cette femme trop moderne, trop ambitieuse détonnait dans la société conservatrice du Sud américain. « C’est l’un des dangers de la vie publique : on ne peut pas vivre sa vie en se conformant à l’image que s’en font les autres », philosophait-elle.

Dérangeante

Puis son mari s’est lancé dans la course à la Maison Blanche et, là encore, la brillante femme dont il était si fier – promettant « deux pour le prix d’un » aux électeurs – s’est révélée tantôt un atout, tantôt un boulet.

Un atout quand elle défendit son mari, accusé d’adultère en 1992, et un boulet quand elle sembla se moquer des femmes au foyer en déclarant qu’elle préférait travailler que rester à la maison à faire des petits gâteaux.

Une fois à Washington, la nouvelle Première dame dérange encore. Conseillère la plus influente de Bill Clinton, elle s’installe dans l’aile réservée au président et ses aides les plus proches. Les autres First ladies restaient cantonnées à l’East Wing.

Hillary Clinton éblouit ses interlocuteurs quant elle s’attaque à la réforme du système de santé. Elle connaît ses dossiers, travaille dur, impressionne même les républicains du Congrès. Mais au fil des mois, la réforme s’englue, la machinerie trop complexe s’effondre. Les ennemis des Clinton commencent à évoquer la personnalité inflexible et cassante d’ « Hillary ». Cet échec cuisant sera son premier grand traumatisme politique.

L’avalanche d’affaires, plus ou moins montées en épingles par le « vaste complot de droite » que Hillary Clinton dénonce alors, envenime aussi les relations de la Première dame avec la presse. Elle défend bec et ongle sa vie privée, un comportement que les journalistes estiment suspicieux.

A jamais impopulaire

La Première dame est inaudible ou raillée quand elle réfléchit à haute voix sur le sens de l’action politique. Les Américains reconnaissent son intelligence et sa ténacité. Mais toujours, les unes de magazine se demandent: « qui est la vraie Hillary ? »

Dans un retournement historiquement, le pic de sa popularité intervient à la fin de l’année 1998, quand elle doit subir l’humiliation publique de l’affaire Monica Lewinsky. Ce sera la dernière fois que les Américains compatiront avec elle.

Le balancier de l’impopularité devait bientôt revenir. Elle vote en 2002 pour autoriser la guerre d’Irak. Un jeune collègue du nom de Barack Obama voit une ouverture, se présente aux primaires démocrates de 2008 sous la bannière du changement, et relègue sa puissante rivale au rang des politiciens à l’ancienne. Celle qui était trop moderne dans l’Arkansas des années 1980 est devenue un vestige d’un autre temps, symbole de l’establishment.

En la nommant ensuite chef de la diplomatie, Barack Obama redore le blason d’Hillary Clinton, qui consolide son image de femme d’État et complète le CV le plus long de l’histoire politique américaine récente.

Ses amis ont témoigné de sa sincérité. Son équipe de campagne a produit quantité de vidéos, émouvantes et drôles. Mais rien n’y a fait. Les Américains ont tourné la page des Clinton.

Le Quotidien/AFP