Coincé entre le Belarus et la Moldavie, Luc Holtz analyse l’échec en Ligue des nations. Et parle déjà de l’avenir…
Quels sont les sentiments qui vous animent ?
Luc Holtz : De la déception plus que des regrets. Parce que le Belarus était mieux préparé que nous. Les joueurs me semblaient plus frais, mieux aux duels. Ils nous étaient franchement supérieurs, avec plus de maturité. Nous, on a été tributaires du calendrier, du fait que certains ont joué dimanche ou sont arrivés tard. On a eu trois jours maximum pour préparer ce match, cela a eu son influence. J’ai encore regardé les 60 premières minutes de notre match face au Belarus, mais aussi celles contre la Moldavie et il y avait une vraie différence de rythme. De trois ou quatre niveaux.
La pression a-t-elle joué un rôle ?
C’est sûr et certain. Même si on ne veut pas se l’avouer. Il n’y a vraiment que quand ils ont mis le 0-2 qu’on a semblé se dire qu’on n’avait plus rien à perdre. Après, on peut tout imaginer. Que se serait-il passé si… Et si, et si, et si… La vérité, c’est qu’il nous manquait un petit quelque chose sur cette rencontre. De la fraîcheur, de la lucidité…
On vous pose quand même la question : c’est fini, pour la qualification ?
Je viens de voir le but moldave, à la 77e minute, contre Saint-Marin… Et j’aurais tendance à dire qu’en football chaque match doit être joué. Disons qu’il nous reste… 1% de chances. On ne sait jamais, des trucs bizarres sont déjà arrivés. De notre côté, il faut seulement qu’on évacue la déception, qu’on se remobilise et qu’on se prépare pour bien finir cette campagne, même si au niveau physique et mental, on n’est pas au mieux.
N’avez-vous pas procédé à trop de changements de postes, jeudi soir, contre le Belarus, pour être totalement efficaces sur toutes les zones du terrain ?
On m’a déjà aussi fait la remarque que certains joueurs sont meilleurs chez nous qu’en clubs…
Mais c’est un fait que certains ne jouent pas à leurs postes de prédilection. Notamment Danel Sinani et Olivier Thill, excentrés contre nature…
Mais je ne suis pas dupe. Je sais bien que ces garçons sont des joueurs axiaux, mais je ne peux pas jouer avec trois numéros 10. C’est notre problème en ce moment : même au niveau des numéros 6, on a beaucoup de joueurs qui préfèrent l’axe. Ce sont tous des centraux. J’ai d’ailleurs passé le message à notre académie (NDLR : le CFN de Mondercange) et je leur ai demandé la chose suivante : il nous faut des joueurs de couloir, on n’en a pas assez.
Problème de génération ou de formation ?
Bonne question, j’y pense beaucoup. Je ne sais pas si c’est un souci culturel, mais ça me travaille. C’est pareil en Allemagne, il y a peu d’ailiers. Comme en France par exemple où ils forment des Mbappé, des Dembélé, des joueurs explosifs et véloces capables de faire des différences en un contre un. Chez nous, on manque de ce type de joueurs. Alors est-ce que c’est la société luxembourgeoise qui le veut ? Est-ce qu’on s’habitue vite à la gestion et au petit rythme de l’axe du terrain ? On a très peu de joueurs qui ont une vraie pointe de vitesse.
Cela sera-t-il un facteur limitatif fort des prochaines années pour ce groupe ?
Cela va forcément restreindre nos organisations. Un Dan (Da Mota) peut jouer sur ses qualités de vitesse, de puissance, d’explosivité, mais il commence à avoir un certain âge. Même un Stefano Bensi se sent plus attiré par l’axe. J’avais prévu Vincent (Thill) dans un couloir, mais lui aussi repique pour laisser l’espace à l’arrière latéral.
Il reste Gerson Rodrigues, que vous n’avez pas retenu pour ce double rendez-vous…
Lui, oui, sait être explosif. Mais sur ses premières touches, il est souvent à l’arrêt. C’est l’un des enseignements du match face au Belarus : sur toutes nos premières touches, on est à l’arrêt. Et la balle l’est aussi. Alors que les transitions offensives nécessitent de l’explosivité ! Pour moi, le foot reste un sport de courses quand même !
Comment effacer la déception ?
Qu’est-ce que vous voulez faire ? C’est le temps qui effacera ça. On a un match ce dimanche, qu’il faut préparer en injectant du sang neuf. Moi, en tout cas, j’ai donné ce message qu’on a laissé passer notre chance et qu’elle ne reviendra pas. On a échoué dans ce moment particulier, mais la France aussi, il y a deux ans, a perdu en finale de la Coupe d’Europe et la voilà championne du monde. Il faut en tirer des enseignements, s’en servir pour rebondir. Mentalement, jeudi soir, on n’y était pas. Si cette occasion se représente, on aura derrière nous cette expérience et on saura ce qu’il faut faire et ne pas faire. Ou mieux faire.
Ce dimanche soir s’achèvera une campagne, même si une nouvelle recommence dès le début du mois de mars prochain. Certains garçons vous ont-ils fait part de leur souhait d’arrêter la sélection ?
On verra bien dimanche, mais non, on ne m’a rien dit. Qui pourrait arrêter ? Quels sont ceux qui pourraient avoir l’âge ? Mario (Mutsch), Auré (Joachim) ou Dan (Da Mota) ? Personne n’a émis ce souhait. Maintenant, cela dépendra aussi peut-être de leur temps de jeu en club et de la façon dont le mental suit…
Entretien avec Julien Mollereau