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[Football] Luc Holtz, brutal baisser de rideau


En sifflant définitivement la fin du règne de Luc Holtz, la FLF tourne une page majuscule de l'histoire du football national. (Photo Gerry Schmit)

La FLF a annoncé qu’elle se séparerait de son entraîneur au terme de son contrat, en fin d’année. Le terrible mois de juin aura été de trop et on est à peine surpris. Pourtant, quel tremblement de terre…

Luc Holtz aura été un grand sélectionneur. Pour savoir s’il aura été un TRÈS grand sélectionneur, il faudra attendre de pouvoir comparer ses succès et manquements à l’aune de celui de son ou de ses successeurs des prochaines années.

D’ici-là, ses admirateurs pourront se rappeler que personne n’est jamais resté aussi longtemps en poste au pays (14 ans, 11 mois et 6 jours à l’annonce par la FLF, hier, de sa non-reconduction à l’issue de la fin de la prochaine campagne) ni n’a autant fait évoluer cette équipe toute proche de se qualifier pour l’Euro-2024.

Ses détracteurs rappelleront, eux, cette certitude facile qu’ils ont que le pays serait bien plus avancé aujourd’hui avec quelqu’un d’autre à sa tête et que l’ancien coach d’Etzella n’a fait, finalement, que de capitaliser sur une génération dorée issue du CFN (en oubliant de préciser que Holtz a aussi été à l’origine des réflexions sur l’individualisation du travail effectué à Mondercange et donc qu’il a bien contribué à forger certains des stars actuelles). Qui a raison? Pour l’instant, tout le monde et personne à la fois.

Des mini-crises à répétition

Mais il est certain qu’en sifflant définitivement la fin de ce long règne, ce mercredi, la FLF tourne une page majuscule de l’histoire du football national. Et un Brian Madjo, tout fraîchement intronisé chez les Rout Léiwen à 16 ans, fait partie d’une génération quasiment née avec l’arrivée de Holtz aux affaires internationales et qui n’a depuis connu que lui. C’est dire l’ampleur de l’onde de choc.

Aujourd’hui, les mérites sportifs incontestables de l’ancien coach d’Etzella (33 victoires notamment, assortis de 29 matches nuls qui ont tous contribué à faire grimper l’un des plus petits pays du monde dans le top 100) ont eu tendance à se dissoudre derrière les affaires. Gerson Rodrigues, dans une version lancinante et pour des problématiques sans cesse renouvelées, les frères Thill, Tim Hall, mais aussi Maxime Chanot, avec qui il a rompu avec pertes et fracas il y a quelques mois quand ce dernier a stigmatisé «l’amateurisme» du staff, martelant que, désormais, il y avait «un scandale par rassemblement»… ont été autant d’épisodes troublants qui ont contribué à brouiller l’image du technicien. Et ce dernier n’a pas survécu à ce terrifiant mois de juin, entre mise à l’écart d’un membre de la presse nationale et mauvaise gestion de la convocation d’un Gerson Rodrigues condamné en appel pour violences conjugales, notamment.

Il est sans doute facile d’observer de loin (et de commenter) la gestion de tels égos quand on n’a pas mis les mains dans le cambouis, mais l’accumulation commençait effectivement à prendre des proportions dérangeantes.

FLF : l’art des situations curieuses

Pourtant, aujourd’hui, il demeure l’idée que Luc Holtz sert avant tout de fusible. Le coup de semonce politique aux dérapages du mois dernier (Paul Philipp et son sélectionneur avaient semblé un temps remettre ouvertement en cause la liberté de presse et avaient surtout très mal communiqué à destination d’une société civile ébranlée par le peu de considération manifestée envers les victimes de violences conjugales) devait fatalement avoir des répercussions.

Pour une fédération fragilisée, il était urgent de marquer le coup. Entre une démission de son président et une non-reconduction du sélectionneur, la FLF a apparemment choisi. Holtz n’a pourtant rien fait d’autre que ce qui lui était autorisé par sa hiérarchie et que, dès lors, on peut parler de sacrifice nécessaire pour apaiser les tensions.

Ce mercredi, les mots dans le communiqué fédéral avaient un poids. Et ils ont tordu la réalité à la convenance du CA. «Le CA a pris la décision de ne pas renouveler», y lit-on «après une analyse approfondie de la situation sportive actuelle». Alors que, justement, cette équipe semblait retrouver un peu de charisme. Alors que le pays se demande si un exploit n’est pas envisageable dans un groupe serré derrière une Allemagne qui fera sûrement le plein de points. La FLF a l’art de se mettre dans des situations curieuses : que dira-t-on si Holtz, au terme de son contrat, non renouvelé, orchestre un truc fou et ramène ses gars au barrage du Mondial?

Et si Holtz anticipait?

Est-on, de toute façon, sûr et certain que Luc Holtz, par orgueil, ne choisira pas d’anticiper? On le sait certes sensible aux chiffres et à la perspective qu’il a de laisser une trace difficilement effaçable de l’histoire de son sport en atteignant au moins les 150 matches à la tête de cette équipe. Mais lors de sa dernière conférence de presse de juin, après le match nul contre l’Irlande, le technicien, visiblement ébranlé par ces dix jours étouffants, avait dit que son épouse autant que sa mère avaient souffert de la situation et qu’il devrait «faire le point en famille».

A-t-il totalement subi ce choix de la FLF ou l’a-t-il négocié, sachant que cette dernière ne peut pas forcément se permettre, financièrement parlant, de «couper» le contrat de son homme fort et d’aligner six mois de salaires restant dus? Il faudrait alors trouver un successeur dans l’urgence. Et urgence il y a, quoiqu’il en soit : les Rout Léiwen auront des barrages de Ligue des nations à disputer, en mars 2026. Sacré dépucelage pour le successeur du sélectionneur ayant connu le plus de succès dans ce petit pays.