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Luc Frieden devant le Parlement européen : «Aucun défi ne saura résister à notre effort commun»


Pour le Premier ministre, l'Europe doit rester fidèle à ses valeurs, aujourd'hui soumises à des pressions inédites. (Photo AFP)

Luc Frieden s’est exprimé mardi matin devant le Parlement européen réuni en séance plénière à Strasbourg. Il a rappelé le chemin parcouru par l’Europe grâce à l’UE et les défis qu’elle allait encore devoir surmonter dans les années à venir.

«Des générations n’auraient pu s’imaginer ce moment – un premier ministre luxembourgeois s’adressant sur le sol français, dans une ville jadis allemande, aux représentants élus de vingt-sept pays européens, unis par des traités et des institutions.» Ce mardi 7 octobre, Luc Frieden était à Strasbourg pour s’adresser aux députés du Parlement européen dans le cadre d’une série de débats. Pour l’occasion, le Premier ministre a commencé par rappeler l’histoire mouvementée du continent «déchiré par des guerres et divisions», mais qui a su se transformer «en succès de paix et d’entente» après des résultats «improbables de l’histoire» devenus «réalité».

«Le Luxembourg en est la preuve, affirme Luc Frieden. Tout au long du dernier millénaire, mon pays a subi les agitations et bouleversements originaires d’autres pays. Mais depuis la création de l’Union européenne, nous avons vécu une période inédite de paix et de prospérité.» Si le Premier ministre a tenu à rappeler le chemin parcouru, c’est parce que celui-ci est encore loin d’être achevé. Ces dernières années, de nouveaux défis sont apparus pour le continent européen. Turbulences internationales, évolution technologique, décalages économiques, bouleversements climatiques, mouvements migratoires… l’Europe doit trouver sa place pour y répondre efficacement.

Retrouver l’adhésion au projet européen

Pour y arriver, l’Europe doit rester fidèle à ses valeurs qui sont aujourd’hui soumises à des pressions inédites. «Il est primordial que nous retrouvions notre adhésion au projet européen.» Et c’est avant tout le droit international que l’Europe se doit de défendre. «À l’occasion du deuxième anniversaire de ces épouvantables attaques terroristes contre Israël, le 7 octobre, je tiens à réitérer mon appel à la libération immédiate et inconditionnelle des otages. C’est une question d’humanité, de décence.» Rappelant que le Luxembourg avait reconnu la Palestine lors de son intervention à l’ONU, il a réitéré sa volonté d’arriver à une solution à deux États.

Pour le chef du gouvernement, l’adhésion de nouveaux pays à l’UE est également primordiale afin de ne pas se faire damer le pion par d’autres puissances. «C’est une question de choix stratégique. En laissant des États dans la salle d’attente trop longtemps, nous les rejetons.» Luc Frieden souhaite donc un calendrier plus clair sur l’élargissement. «Par exemple, il est temps de conclure les négociations et de décider de l’adhésion du Monténégro l’année prochaine.» Le Premier ministre a réaffirmé dans le même temps son soutien à l’Ukraine. «Car une Ukraine sûre et souveraine signifie une Europe sûre et souveraine.»

«Faire preuve d’audace et de courage»

La défense du continent est d’ailleurs une autre préoccupation de Luc Frieden. Celle-ci doit s’appuyer sur les forces de chacun des États-membres et leur spécialisation. «Si nous bâtissons sur nos forces respectives, la somme de nos efforts peut être bien supérieure. Par exemple, l’expertise mondiale du Luxembourg dans les systèmes satellitaires sécurisés peut contribuer à la sécurité de l’Europe dans son ensemble», indique le Premier ministre en faisant référence au projet IRIS².

«Plus près de chez nous, nous devons également nous prémunir contre ceux qui remettent en cause nos valeurs.» Si l’idéal démocratique est actuellement attaqué, les démocraties ont prouvé par le passé qu’elles donnaient des résultats. «Nous, le Conseil comme le Parlement et la Commission, devons honorer nos engagements pour les citoyens, dans les petits comme les grands États-membres.» Le Premier ministre souhaite en finir avec cette Europe par cercle concentrique, avec son noyau décidant si les autres peuvent les rejoindre. «Nous devons faire preuve d’audace et de courage.»

Mais la force de l’Europe passera aussi par sa compétitivité. L’économie est la base du bien-être des habitants et de nos systèmes sociaux. Pour la stimuler, Luc Frieden a évoqué l’un de ses combats au Grand-Duché : la réduction de la charge administrative, que l’Europe doit d’appliquer pareillement. «Les propositions Omnibus constituent une première étape importante, mais nous manquons d’urgence et d’ambition. Elles doivent être appliquées rapidement et de manière exhaustive.» Là encore, le Premier ministre souhaite un cap clair pour ne pas perdre de temps. Pour renforcer le marché unique, «moteur de l’économie européenne», l’UE doit aussi limiter les entraves frontalières. «Par exemple, les restrictions territoriales de livraison, qui coûtent 14 milliards d’euros par an, ou les différences dans les règles de protection des consommateurs, qui dissuadent surtout les petites et moyennes entreprises d’opérer au-delà des frontières.»

Une tâche «lourde» mais «encourageante»

Ces entraves menacent aussi l’espace Schengen, «une conquête historique à laquelle le Luxembourg a donné son nom», qui incarne «la paix en Europe». Luc Frieden a rappelé son opposition à la fermeture des frontières intérieures de l’Europe. «Si l’on peut comprendre le recours temporaire à des contrôles, ceux-ci ne peuvent être une solution durable.» Pour le Luxembourg, le contrôle de l’immigration ne peut se faire «qu’aux frontières extérieures de l’Europe» dans une politique «alliant cœur et raison». À ce titre, le droit d’asile doit être préservé.

Ce sont donc de grands défis qui attendent l’Europe. «Certains sont un rappel que rien n’est acquis à jamais. D’autres se présentent pour la première fois à notre génération.» Et l’Europe ne pourra y répondre que grâce à ses valeurs et son unité. «Un seul pays – peu importe lequel – ne saura surmonter ces défis, alors qu’aucun défi ne saura résister à notre effort commun.» Une tâche commune qui revient tant au Conseil qu’au Parlement ou à la Commission. «Elle est lourde, certes. Mais aussi encourageante puisqu’elle fait de nous les maîtres de notre propre destin.»