Le rapport de la Cour des comptes relatif au financement des tests covid à grande échelle (LST) rejoint les critiques émises à l’époque par les chrétiens-sociaux. Franz Fayot minimise, le CSV explose.
Le rapport de la Cour des comptes confirme ce qui avait été dénoncé dans les procédures en cours», déclare sobrement Jean-Luc Dourson, le patron de Bionext, le laboratoire d’analyses médicales qui conteste l’attribution du marché du Large Scale Testing (LST, tests à grande échelle) aux Laboratoires réunis, sélectionnés sans procédure de soumission préalable, sans aucun appel d’offres ni cahier des charges.
Si Jean-Luc Dourson juge prématuré de commenter les conclusions de la Cour des comptes, c’est parce qu’il attend d’abord que les députés rendent leur rapport, qui pourrait, le cas échéant, déboucher sur la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. «Le processus est en cours d’instruction à la Chambre des députés et deux rapporteurs ont été nommés», rappelle-t-il.
L’analyse du rapport de la Cour des comptes est à peine entamée que déjà naissent les premières tensions. Le groupe CSV a fermement éreinté le président de la commission de l’Exécution budgétaire, Franz Fayot (LSAP), pour ses déclarations tendant à minimiser fortement les critiques de la Cour des comptes à l’égard du LST. Au contraire, le CSV les juge «sérieuses».
Le président de la Chambre, Claude Wiseler, qui était alors député de l’opposition, avait émis des doutes en mai 2020 sur les raisons pour lesquelles le gouvernement avait mandaté le Luxembourg Institute of Health (LIH) pour s’occuper des tests covid à grande échelle alors qu’il s’agit d’un organisme public de recherche biomédicale et non pas d’un laboratoire d’analyses médicales. Le LIH s’était alors associé aux Laboratoires réunis via une procédure négociée.
De quoi faire bondir Bionext. «Malgré des réunions bihebdomadaires entre la direction de la Santé et les laboratoires d’analyses médicales dès le 12 mars 2020, à aucun moment, le projet LST n’a été communiqué aux autres acteurs. Il aurait été tout à fait possible d’impliquer l’ensemble des laboratoires privés et publics dans ce projet dès le mois de mars 2020 d’autant que Bionext avait justement proposé à la ministre de la Santé dès le 3 mars 2020 de réaliser une campagne de dépistage de la population asymptomatique ciblée afin d’identifier les chaines de diffusion de l’infection, ce qui revient à dire que Bionext avait proposé au gouvernement luxembourgeois de réaliser un Large Scale Testing. L’idée a visiblement été retenue, mais Bionext a été délibérément écarté», argumente le laboratoire dans son assignation contre l’État.
Aucun rapport n’a été rédigé justifiant la décision d’attribuer le marché aux Laboratoires réunis, comme l’exige la Commission européenne. Pour les deuxième et troisième phases, un appel d’offres européen aurait dû être réalisé, ce qui était également possible en termes de délais. Il n’y avait aucun contrôle des dépenses et aucune procédure de contrôle des coûts. Dans la deuxième phase, le laboratoire choisi a reçu une compensation pour les «dépenses fixes» sans qu’on puisse savoir ni comprendre à quoi correspondent réellement ces coûts fixes. Tous ces reproches émanent du rapport de la Cour des comptes et, pour le CSV, il est inacceptable de payer simplement des factures sans reçus ni contrôles.
Pas d’explication satisfaisante
«La Cour des comptes révèle des fautes graves qui vont bien au-delà des petites erreurs qu’évoque Franz Fayot», s’insurge la vice-présidente de la commission de l’Exécution budgétaire, Stéphanie Weydert (CSV). La députée n’a pas digéré non plus les commentaires de Franz Fayot concernant le manque de compétences des ministères en matière d’appels d’offres publics, estimant que «seuls quelques ministères peuvent le faire». Pour le CSV, c’est là aussi inacceptable et c’est une gifle pour les fonctionnaires de tous les ministères et administrations qui doivent quotidiennement faire face à des réglementations complexes.
«Pendant la crise du Covid-19, le groupe parlementaire CSV a constamment remis en question l’approche du gouvernement concernant l’appel d’offres LST et n’a reçu aucune explication satisfaisante. Nous voyons nos critiques confirmées», relève Stéphanie Weydert. Elle rappelle également à Franz Fayot qu’en tant que président de la commission de l’Exécution budgétaire, il ne lui appartenait pas de relativiser, voire de banaliser et de discréditer, le rapport de la Cour des comptes. Il doit rester neutre.