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LSAP : « Il faut faire les Asselborn de demain »


En janvier, Franz Fayot (à droite) était l'auteur, avec neuf autres «jeunes» du parti, d'une lettre ouverte appelant à un renouvellement de génération (Photo : Alain rischard).

Le LSAP devrait être de la prochaine coalition. Mais les socialistes ont encore vu leurs résultats s’éroder aux législatives. La fronde couve et les voix s’élèvent pour exiger un renouvellement de génération.

Dimanche, les anciens ont bel et bien sauvé la mise au LSAP. Jean Asselborn est le candidat le mieux élu du pays, avec plus de 40 000 suffrages sur son nom personnel. Mars Di Bartolomeo, Dan Kersch et même Alex Bodry ont réalisé des scores enviables dans le Sud, limitant ainsi la casse.
Mais le LSAP poursuit son déclin électoral entamé il y a 30 ans. Il a encaissé de cuisants revers aux communales de 2017 et n’a plus que dix députés à l’issue de ces législatives.
Cela suffit toutefois à reconduire la coalition actuelle avec le DP et déi gréng. Mais pas à faire le bonheur des militants. «Dans le Sud, on a l’impression que la base n’est plus entendue, que les dirigeants du parti vivent dans une bulle», déplore un membre encarté depuis une trentaine d’années. «On mène les mêmes politiques depuis des décennies. Mais la population change et elle n’est plus composée par une écrasante majorité d’ouvriers. Peut-être qu’à Esch, on a fait trop de social», juge encore ce militant pourtant bien ancré à gauche, en se référant à la perte de la Métropole du fer aux communales.
«Le vrai danger est devant nous, prévient-il. Il faut absolument faire monter une nouvelle équipe, c’est une question de survie car les anciens ne seront plus tous de la partie dans cinq ans.»
«C’est notre dernier sursis», renchérit Franz Fayot. Le député sortant n’a pas été réélu dimanche, arrivé troisième sur la liste du LSAP dans le Centre, où le parti a perdu un siège. Il devrait cependant retrouver son poste à la faveur de l’entrée d’Étienne Schneider au gouvernement.

Des jeunes et des femmes
En janvier dernier, Franz Fayot était l’auteur, avec neuf autres «jeunes» du parti, d’une lettre ouverte appelant à un renouvellement de génération. «Sans jeunes, le LSAP n’a pas d’avenir. Sans femmes non plus», écrivaient notamment les signataires, plaidant aussi pour un retour aux fondamentaux socialistes.
À quelques exceptions notables comme Dan Biancalana dans le Sud, peu de jeunes ont été élus dimanche. Et aucune femme ! Ce qui fait du LSAP le seul des quatre grands partis à ne pas envoyer directement de représentante au Krautmaart. Pour des socialistes, ça la fiche mal.
«Dans l’ensemble, le résultat est mauvais», dit Franz Fayot. «Il y a un problème avec le système électoral et nous subissons le même sort que tous les partis socialistes en Europe, nous n’arrivons plus à convaincre», constate le député qui reconnaît qu’il y aussi, et peut-être surtout, «des facteurs maison». «Il y a une lassitude des électeurs par rapport à ceux qui sont en place, ils pensent que nous sommes devenus un parti de vieux messieurs qui collent à leur siège», raille-t-il. «Il n’y a pas de renouvellement car il y a ceux qui sont là depuis longtemps et que tout le monde connaît et puis il y a les jeunes à qui on ne laisse pas assez la chance de réussir pour se faire un nom. Le parti manque de volontarisme dans l’élevage de talents», grince le député dans l’attente d’un sursaut : «Il faut faire monter des jeunes pour en faire les Asselborn de demain.»

Des têtes à faire tomber
Dans un reportage diffusé jeudi par RTL, Sammy Wagner, échevin et patron de la section LSAP de Steinfort, ne dit pas autre chose. En janvier, il était l’un des signataires de la lettre appelant au changement. Aujourd’hui, il réclame des têtes : «Yves Cruchten est secrétaire général depuis 2010. Claude Haagen (président du parti) depuis 2014. Et depuis, nous avons perdu toutes les élections. À chaque fois, ils ont dit qu’ils allaient réformer le parti. Cela a bien été engagé mais dans les faits, rien n’a changé.»
Pour leur part, les Jeunesses socialistes aspirent à voir le LSAP s’imposer dans des postes où il portera des valeurs de gauche, comme la réduction du temps de travail.
«Nous devons retrouver des ministères qui font partie de l’ADN socialiste comme la Culture et l’Éducation nationale», pense également Franz Fayot. «Il faut faire très attention à ce que le programme de coalition ne soit pas trop libéral. Nous avons cette image car il y a eu une succession de ministres socialistes à l’Économie. Il faut remettre cela en question», affirme-t-il, visant sans le dire l’ambition d’Étienne Schneider de rempiler à son poste.

Un sans-faute obligatoire
Et si les négociations de coalition accouchaient malgré tout d’un projet trop libéral? «Il faut avoir l’agilité intellectuelle de ne pas y aller si ça ne colle pas», tranche Franz Fayot. L’hypothèse ravirait sans doute le CSV, accroché à l’idée d’un revirement de la base socialiste pour reconquérir le pouvoir. Mais elle paraît peu probable. Et sans doute Franz Fayot ne l’envisage-t-il pas vraiment. «Il faut que les socialistes fassent un sans-faute dans ce gouvernement. Les cinq ans à venir sont une chance pour le LSAP mais comportent aussi de gros risques si nous ne nous renouvelons pas», conclut le député qui, à 46 ans, a fait preuve de patience jusqu’à présent.
«Le LSAP doit tirer les leçons. Il faut des messages et des slogans qui touchent directement les gens, pas des textes compliqués que personne ne lit», dit encore le vieux militant du Sud déjà interrogé. «Mais ce qu’il faut avant tout, ce sont de nouveaux visages», répète-t-il avec insistance.
Tout le monde est donc d’accord sur le diagnostic et le remède.

Fabien Grasser