La Chambre des députés a approuvé le 31 mai 1949 le traité de l’Atlantique Nord. Les débats menés il y a 75 ans furent marqués par le traumatisme de deux guerres mondiales.
Alors que l’OTAN fête ces jours-ci son 75e anniversaire, il est intéressant de se replonger dans le contexte politique de l’époque. Le fait que le Luxembourg ait figuré parmi les 12 membres fondateurs de l’Alliance atlantique n’était pas une évidence en soi, mais à la fin du compte, une très large majorité de la Chambre des députés (46 oui, 5 non) a approuvé le traité fondateur, signé le 4 avril 1949 à Washington.
Les trois grands partis (Parti chrétien-social, Parti ouvrier socialiste et Groupement démocratique) étaient unanimes sur la question. Seuls les élus du Parti communiste ont mené campagne pour éviter l’adhésion à une alliance, visant à «lutter contre le communisme» et l’Union soviétique, ce qui risquait, aux yeux du député Jean Steichen, d’entraîner le Grand-Duché dans une guerre contre la Russie. «L’existence même du pacte atlantique n’est pas, et de loin, un facteur de paix. Il attise la psychose de guerre dans le monde.»
Les communistes farouchement opposés
L’élu communiste citait lors du débat une source du ministère des Affaires étrangères américain avançant que «la Belgique, le Luxembourg et la Hollande ont peu de valeur militaire réelle en cas d’une grande offensive russe, sauf en tant qu’avant-poste de 165 000 soldats qui pourraient ralentir quelque peu le rythme de l’avance soviétique, gagnant ainsi du temps pour une contre-offensive ultérieure». «On est donc tout juste bon pour envoyer nos garçons comme chair à canon (au front). Il s’agit du plan de ceux qui commandent le pacte atlantique», s’offusquait Jean Steichen.
«On entend le présenter comme un acte à caractère offensif, dirigé contre une puissance déterminée, allant entraîner le pays ou plutôt tous les signataires de ce pacte vers une guerre inévitable. Il sera aisé de réfuter cette allégation qui n’a d’ailleurs pu naître que chez des hommes qui font abstraction des réalités», avait préventivement souligné le député chrétien-social Fernand Loesch, nommé rapporteur du projet de loi pour ratifier le traité.
«On nous dit que (le pacte) est dirigé contre l’Allemagne qui n’y est pas désignée, que la Russie n’est plus un agresseur et qu’elle n’attaque pas délibérément un autre pays. Il est difficile, même de définir d’avance celui qui, sans se soucier de l’humanité et des conséquences d’une guerre, veut en déclencher une, mais il est certain que si un pacte pareil avait existé en 1939, la guerre n’aurait pas eu lieu», renchérissait Michel Rasquin pour le compte du camp socialiste, pourtant sceptique sur la course à l’armement relancée quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
«Nous souscrirons au pacte de plein cœur, car nous estimons qu’il est une garantie pour la paix européenne et peut-être pour la paix mondiale. En tout cas, les pays (signataires) constituent une force formidable qui pèsera certainement dans la balance lorsqu’il s’agira de paix ou de la guerre», soulignait de son côté Roger Wolter, membre du groupe libéral.
«Jamais l’agression, exclusivement la défense»
«De nos jours, la sécurité internationale se réalise surtout par des mesures préventives contre la guerre. Pour garder nos libertés, pour nous garantir contre toute attaque pouvant porter atteinte à notre intégrité territoriale ou à notre indépendance politique, nous devons être prêts à assumer les obligations qui résultent de la participation à un système de défense collective susceptible de faire entrevoir dès à présent à tout agresseur éventuel le prix qu’il devrait payer pour son agression», clamait vers la fin du débat le ministre des Affaires étrangères Joseph Bech. Il voyait néanmoins la contribution du Grand-Duché «plutôt de nature économique». «En tout cas, quelles que soient les précautions que l’on prendra, le but visé ne sera jamais l’agression, mais exclusivement la défense», ajoutait-il.
La conclusion appartient au rapporteur Fernand Loesch : «Le traité de l’Atlantique Nord fournira au Grand-Duché un supplément de sécurité et contient toutes les dispositions nécessaires pour la sauvegarde de son indépendance et de la liberté de ses sujets.»
«L’article 5 ne prévoit pas une entrée en guerre automatique»
Au moment de valider le traité, les responsables politiques, tout comme le Conseil d’État, se sont largement intéressés au fameux article 5, stipulant qu’«une attaque contre l’une ou plusieurs des parties contractantes (…), déclenchera le mécanisme de l’assistance mutuelle (…)». «Toutefois, le traité ne contient pas de clause d’entrée en guerre automatique», s’empressait de préciser le ministre Joseph Bech dans une dépêche adressée le 29 avril 1949 à la Haute Corporation.
«D’un côté, les Parties contractantes ont donc l’assurance de ne pas être entraînées sans cause suffisante dans un conflit armé; de l’autre côté, elles ont la certitude qu’en cas de véritable agression elles bénéficieront de l’aide immédiate des autres Puissances signataires», en tête les États-Unis, soulignaient les Sages de leur côté. L’engagement pris par Washington «d’intervenir immédiatement en cas de conflit européen, est de nature à rassurer les peuples de l’Europe et à leur inspirer confiance (…)», poursuivaient-ils. «Cet engagement découragera tout agresseur éventuel en lui faisant comprendre qu’il se trouvera (…) non pas face à un seul adversaire ou d’adversaires isolés, mais vis-à-vis d’une collectivité de peuples dont le nombre et les moyens de défense seront puissants.»
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