Face au manque de logements abordables et autonomes pour personnes handicapées, le gouvernement lance un appel à projets et joue les entremetteurs auprès des acteurs du secteur.
«Qu’est-ce qui arrivera quand on ne sera plus là ? Quand je rencontre les parents d’une personne handicapée, c’est toujours cette question qui revient», raconte Max Hahn.
Le ministre de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil se montre déterminé à faire bouger les lignes sur le front du logement pour les personnes à besoins spécifiques qui souhaitent vivre leur vie de la manière la plus autonome possible.
Alors que l’accès à un logement à la fois abordable et accessible ressemble au parcours du combattant, les personnes en situation de handicap sont trop souvent contraintes de rester au domicile parental ou dans des structures d’hébergement.
Bien loin de leur droit, inscrit dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH), de choisir elles-mêmes l’endroit où elles veulent vivre, avec qui, et comment.
D’où la volonté du gouvernement de promouvoir et soutenir davantage les logements abordables et autonomes. Une offre qui existe déjà au Luxembourg, avec un nombre de places disponibles malheureusement dérisoire par rapport aux besoins.
Deux ministères au service des acteurs de terrain
Le concept de ces résidences gérées par une poignée d’associations consiste à assister les habitants en leur proposant une série de services selon le degré d’autonomie de chacun tout en respectant leur espace et leur vie privée.
«Notre idée est de réunir des partenaires, communes et associations ayant de l’expertise dans ces domaines, susceptibles de travailler ensemble avec le soutien de nos services, pour augmenter l’offre de logements abordables autonomes», a expliqué Max Hahn, épaulé par le ministre du Logement, Claude Meisch, face à une assemblée d’environ 80 professionnels du secteur et acteurs publics, lundi soir à la Coque.
74 places à l’APEMH
L’APEMH a présenté ses logements en «autonomie sécurisée» à Bertrange et Vianden : des appartements incluant un service d’accompagnement disponible jour et nuit avec quelqu’un sur place.
«Une permanence reste ouverte et si nos encadrants doivent entrer dans l’espace privé des résidents, c’est à un horaire programmé avec eux à l’avance», a indiqué la délégation.
Avec ses logements autonomes à Diekirch, Bertrange, Wormeldange, Niederkorn, Belvaux, Dudelange, Vianden, et bientôt Hoscheid-Dickt, l’APEMH cumulera 74 places en 2026.
«Je me rends chaque jour à la permanence»
Steve Fettes occupe l’un de ces appartements en colocation avec un ami. Chacun a sa propre chambre et un endroit calme à lui, tandis que la cuisine et la salle d’eau sont partagées.
«Je me rends chaque jour à la permanence, pour traduire des courriers, gérer mes factures ou avoir de l’aide pour m’organiser», a décrit le jeune homme au micro. Le personnel de l’APEMH lui rend visite une fois par semaine, pour identifier avec lui où il a besoin de soutien.

La Fondation Kräizbierg gère, elle aussi, quelques logements autonomes à Gasperich depuis 1996. Un projet mené à l’époque avec le Fonds du logement, qui permet à 12 personnes handicapées de mener une vie plus indépendante.
À leur demande uniquement, une assistance peut être mise en place pour les soins, l’hygiène ou les démarches administratives. Leurs témoignages diffusés sur écran illustrent les bénéfices de ce mode de vie.
«C’est ça, la liberté»
«J’organise ma vie librement, je m’intègre dans la société et participe à la vie sociale. J’ai aussi une intimité qui serait impossible en foyer, tout en ayant mes soins de base», se réjouit Guy.
Véronique, qui a dû attendre longtemps pour obtenir cette place, ressent une reconnaissance sociale : «Avant, j’étais gênée de montrer qui j’étais». Jaky, elle, se dit heureuse de pouvoir vivre avec son partenaire : «C’est ça, la liberté.»
«Cet appel à projets est une bonne piste»
Rigobert Rink n’a pas manqué une miette de la présentation. Lui-même lourdement handicapé, il vit dans un foyer de la Fondation Kräizbierg depuis 23 ans.
«Cet appel à projets des ministères, c’est vraiment une bonne piste, car beaucoup de personnes à besoins spécifiques veulent pouvoir vivre de manière plus autonome», souligne-t-il à la sortie.
Maintenant que les premiers contacts ont été établis entre les différents acteurs, une session de questions-réponses avec les services des deux ministères est programmée le 9 décembre, avant un premier tour de candidatures qui se clôturera le 1er mai 2026. Pour toute information, écrivez à info@fm.etat.lu
«Nous allons nous lancer, c’est l’avenir»
Claude Schmit
Vice-président, Fondation Autisme Luxembourg
«J’ai été surpris dans le bon sens par les solutions qui nous ont été présentées par les ministères. Normalement, ce sont des dossiers très compliqués à monter. Maintenant, on doit voir en détail ce qui est réalisable pour nous, en savoir plus sur le volet technique et, surtout, sur le statut de bailleur social, qui n’est pas notre métier. Notre domaine à nous, c’est l’autisme, donc on a tout à apprendre ! En tout cas, on ressent une volonté politique d’avancer.»
«Nous allons nous lancer dans ce genre de projet, car c’est l’avenir. Dans l’autisme, il y a des personnes lourdement handicapées, d’autres plus légèrement. Ici, on parle des gens qui ont un certain degré d’autonomie et ça correspond bien à la tendance qu’on observe ces dernières années : une augmentation des cas d’autisme avec handicap léger. Des gens qui font de grandes études universitaires, mais qui ont réellement besoin d’un accompagnement dans la vie quotidienne. Ces logements autonomes sont une réponse.»
«Difficile de trouver des partenaires»
Charles Berrang
Chef du service Logement, Ville de Differdange
«À Differdange, on fait déjà beaucoup en matière de logement abordable, mais on a encore très peu de logements dédiés. La plupart de nos logements abordables sont tous publics, donc on peut gérer ce parc nous-mêmes, car il ne nécessite pas un suivi spécialisé et quotidien. Pour aller plus loin, comme ici avec le concept de logement autonome pour personne handicapée, on aurait besoin de s’appuyer sur un partenaire parce qu’on ne veut pas s’inventer des compétences qu’on n’a pas. Cependant, c’est difficile d’en trouver.»
«Les associations avec lesquelles nous échangeons méconnaissent complètement le logement abordable, tout comme les droits et devoirs d’un bailleur social. Alors, forcément, elles appréhendent d’assurer ce rôle. C’est ce qu’on observe sur le terrain. Je pense qu’il y a un important travail d’information et de sensibilisation à mener. D’où l’utilité de ce genre de rencontre.»