La Fédération des artisans et la Chambre des métiers sonnent l’alerte. Le niveau d’activité dans le secteur de la construction ne cesse de se dégrader. Un paquet de mesures ciblées doit éviter une «catastrophe».
Les récentes annonces à propos de la révision de la loi sur le bail à loyer et la lutte renforcée contre la spéculation foncière constitueraient la goutte qui a fait déborder le vase. Plus que jamais, le secteur de la construction se trouverait dos au mur, après avoir déjà été plombé par la pandémie, l’explosion des coûts et la hausse des taux d’intérêt.
«Début 2022, les perspectives étaient assez bonnes. On s’attendait à une certaine accalmie de la situation après les deux années de crise sanitaire. Puis le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine est venu tout chambouler», retrace Paul Nathan, le vice-président de la Chambre des métiers.
Au lieu d’une relance postcovid, le secteur, qui compte 4 000 entreprises et 60 000 salariés, redoute aujourd’hui un affaissement à partir de juin 2023 aux multiples conséquences (chômage, faillites, etc.). Il serait désormais urgent de contrer cette tendance négative. «Il faut agir maintenant pour éviter une catastrophe dans le secteur de la construction», clame Paul Nathan.
Fédération des artisans et Chambre des métiers ont remis, hier matin, un catalogue de six mesures au ministre du Logement, Henri Kox, afin d’éviter le pire. «Nous devons nous attendre à une dégradation massive de la situation économique dans les mois à venir», met en garde le représentant du camp artisanal.
L’État appelé à acheter des logements en stock
Le constat dressé par Roland Kuhn, le vice-président de la Fédération des artisans, sur les projets de construction est sans appel : «La vente tend à zéro.» «Lors de la deuxième partie de l’année 2023, les entreprises de construction vont manquer de travail. Cette situation risque de perdurer encore en 2024. Les mesures que nous proposons doivent redynamiser l’investissement privé dans le logement. Nous pensons qu’à partir de 2025, la tendance deviendra à nouveau plus positive», développe ce chef d’une entreprise de construction.
Le paradoxe est que le Luxembourg connaît une importante pénurie de logements. Selon les dernières prévisions du secteur, il est à craindre que le nombre de logements achevés passe, en 2023, de 3 800 à 2 300 unités. «Ce manque de 1 500 logements ne pourra plus jamais être rattrapé. Cela aura des répercussions négatives à la fois pour les résidents qui cherchent un logement et pour les quelque 12 000 nouveaux arrivants qui viennent travailler au Luxembourg et qui doivent être logés», résume Roland Kuhn.
Pour l’instant, le secteur de la construction se trouverait dans un cercle vicieux. Les récentes initiatives du ministre Kox auraient non seulement «fait fuir les investisseurs», mais la hausse des taux d’intérêt, censée tacler l’inflation, provoquée, elle, par la guerre en Ukraine, ralentirait en outre sensiblement les ventes de logements.
Les commandes, qui remplissent habituellement les carnets sur une durée de sept mois et demi, ont déjà chuté dans un tiers des entreprises de construction à un volume correspondant à un travail assuré de moins de trois mois.
Kox veut présenter des mesures fin février
Pour inverser la tendance, la Fédération des artisans et la Chambre des métiers revendiquent, hormis des adaptations limitées à 12 mois du cadre fiscal, que le gouvernement use du fonds spécial créé pour le développement du logement pour «acquérir des logements achevés, mais non vendus sur le marché privé». «Ce serait le moment d’augmenter rapidement et à un prix correct le parc de logements détenus par l’État», plaide Roland Kuhn.
Selon les représentants du secteur, le ministre du Logement compte présenter fin février un paquet de mesures pour permettre au marché du logement de rebondir au vu du contexte très tendu. Tous les indicateurs clés (voir ci-dessous) sont en chute libre. «Il faut éviter à tout prix que l’on ne construise plus de logements», alerte Roland Kuhn.
Les «mesures d’urgence» à prendre pour 2023
ENREGISTREMENT Abolition des frais d’enregistrement sur les constructions déjà achevées. En principe, une taxe de 7 % est perçue sur la seule valeur du terrain. Pour l’achat d’un logement déjà achevé, la même taxe est perçue sur la valeur globale de l’objet, avec à la clé des frais d’enregistrement bien plus salés.
FONDS SPÉCIAL Recours par l’État au Fonds spécial de soutien au développement du logement pour acquérir des projets de construction privés mis en suspens. Cela pourrait être opéré par le biais d’appels d’offres, à l’instar des projets d’envergure pour l’installation de panneaux photovoltaïques.
TVA Retour temporaire à une TVA de 3 % sur la création de logements locatifs neufs (17 % actuellement) et doublement du plafond maximal sur lequel s’applique ce taux super-réduit, qui passerait de 50 000 euros à 100 000 euros.
CRÉDIT D’IMPÔT Augmentation du crédit d’impôt sur les actes notariaux de 20 000 euros à 30 000 euros.
AMORTISSEMENT Mise entre parenthèses de la limitation de l’amortissement accéléré sur les logements locatifs et reconsidération de la baisse de ce même amortissement accéléré de 4 % à 2 %.