Le Conseil d’État estime qu’inscrire l’IVG dans la Constitution permettrait de «garantir une protection juridique plus pérenne de ce droit fondamental». Il s’agit d’un pas majeur pour la proposition introduite par déi Lénk, mais une modification de la loi suprême n’est pas acquise.
Au Luxembourg, l’IVG peut être effectuée jusqu’à 12 semaines de grossesse. Ces derniers mois, des efforts ont été faits pour renforcer l’autonomie des femmes. Un projet de loi prévoit ainsi de supprimer le délai de réflexion de trois jours actuellement imposé entre la consultation légale et la réalisation de l’avortement. Le texte se trouve dans la dernière ligne droite et devrait pouvoir être soumis dès cette année au vote des députés.
Selon déi Lénk, le cadre légal en vigueur n’est pas suffisant. En mai 2024, le parti d’opposition a pris l’initiative pour ancrer le droit à l’IVG dans la Constitution. Elle était notamment motivée par la révocation, en 2022, par la Cour suprême des États-Unis du droit à l’avortement au niveau fédéral. Marc Baum, l’auteur de la proposition de révision de la loi suprême, ajoute que «dans certains pays européens, le droit de recours à l’IVG et le droit de recours à la contraception sont restreints et/ou se maintiennent seulement grâce à une mince majorité, et l’exemple américain montre que rien n’est acquis à jamais».
«Il nous semble donc important, pour marquer clairement que le Luxembourg a la ferme intention de sauvegarder la dignité et l’autonomie des femmes aujourd’hui comme à l’avenir, d’inscrire le droit à l’IVG ainsi que le droit à la contraception dans la Constitution», argumente-t-il, en renvoyant vers la France, où le droit à l’IVG a été constitutionnalisé.
Le Conseil d’État partage cette argumentation. Dans leur avis, adopté mardi à l’unanimité, les Sages estiment «qu’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution permettrait de garantir une protection juridique plus pérenne faisant obstacle à des régressions sur ce droit fondamental, telles que celles observées récemment dans certains États, d’autant plus que le droit à l’interruption volontaire de grossesse n’est qu’insuffisamment protégé en droit international».
La Haute Corporation estime en outre que l’ancrage du droit à l’IVG et à la contraception dans la Constitution offre «une plus grande stabilité de ces droits». En effet, pour changer la loi suprême, une majorité des deux tiers est requise (40 députés sur 60) à la Chambre, alors qu’une simple modification de la loi portant sur l’IVG ne nécessite qu’une majorité simple (au minimum 31 élus).
Dans une première réaction, déi Lénk se félicite que sa proposition «franchit (…) une étape importante dans la procédure, après que de nombreux acteurs de la société civile se sont déjà prononcés en faveur de la modification constitutionnelle proposée».
Le feu vert du Conseil d’État ne garantit pas une révision de la Constitution. Le gouvernement ne s’est pas encore positionné sur la proposition de déi Lénk. En fin de compte, la balle se trouve dans le camp des députés. Une majorité des deux tiers doit se dégager, avec le concours d’élus de la majorité CSV-DP (35 élus). Le cas échéant, le Luxembourg deviendrait, après la France, le deuxième pays à inscrire les droits à l’IVG et à la contraception dans sa Constitution.
Jusqu’à présent, la ministre de la Santé, Martine Deprez, s’est opposée à un changement de la loi suprême sur ce point. Elle renvoie vers l’accord de coalition, qui ne comporte aucune référence à une telle modification constitutionnelle.
De son côté, déi Lénk compte continuer d’échanger avec les acteurs politiques et ceux de la société civile «afin de générer le plus large soutien possible pour la modification constitutionnelle».