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L’IVG dans la Constitution : «Le droit de naître est négligé»


Définir l’IVG comme droit fondamental? «Il faut se demander si ce n’est pas une minorité militante qui l’exige», écrit «Vie naissante» dans son avis sur la proposition du député Marc Baum. (Photo : archives lq/hervé montaigu)

L’Œuvre pour la protection de la vie naissante estime que l’introduction d’un «droit» à l’IVG dans la loi suprême est d’une «gravité exceptionnelle». Le débat sur le terme «droit» ou «liberté» continue.

La proposition de révision de la Constitution introduite par le député Marc Baum (déi Lénk) est formulée ainsi : «Le droit à l’interruption volontaire de grossesse ainsi que le droit à la contraception sont garantis. La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce l’accès libre et effectif à ces droits».

Le débat sur la terminologie exacte est lancé depuis lundi. Carole Hartmann, députée et présidente du DP, a suggéré de remplacer «droit» par «liberté». Un argument repris mercredi par Luc Frieden, dans son rôle de président du CSV. Il plaide pour donner à l’avortement le statut d’une «liberté» qui resterait couverte par un cadre légal.

Avec le compromis proposé par le CSV, la majorité des deux tiers, nécessaire pour inscrire l’IVG dans la Constitution, semble toutefois devenir plus réaliste. La question de savoir si les députés s’accordent sur le terme «droit» ou «liberté» importe toutefois guère aux yeux de l’Œuvre pour la protection de la vie naissante (ou «Vie naissante»), qui, à côté du cardinal Jean-Claude Hollerich, fait partie des rares voix à s’opposer avec fermeté à la constitutionnalisation de l’IVG.

«Il ne s’agit pas d’un acte de santé banal»

«Comme la proposition (…) escamote l’être humain non encore né, rappelons qu’objectivement tout avortement signifie son élimination. Le droit de naître est complètement négligé», s’indigne l’association dans un communiqué diffusé hier, et accompagné de son avis sur le texte en cours de discussion. «Il ne s’agit donc pas d’un acte médical normal ou d’un acte de santé banal», renchérit «Vie naissante». Inscrire dans la Constitution un droit à l’IVG serait «d’une gravité exceptionnelle» et reviendrait à «nier» la «dignité de la vie humaine».

«Au Luxembourg, la majorité de la population est sans doute favorable à une dépénalisation plus ou moins large de l’avortement. Mais définir l’IVG comme droit fondamental? Il faut se demander si ce n’est pas une minorité militante qui l’exige! La constitutionnalisation d’un tel droit est loin de faire consensus. Par l’inscription de l’IVG dans la Constitution, la relation de confiance entre gouvernants et une bonne partie des gouvernés sera ébranlée», avance encore l’association.

Elle renvoie notamment vers le faible nombre de signatures récoltées (558 soutiens), au printemps 2024, par la pétition réclamant l’inscription de l’avortement dans la loi suprême. «L’accès à l’avortement en milieu hospitalier dans le délai légal de 12 semaines de grossesse est de fait autorisé et ne rencontre pratiquement pas d’obstacle depuis 1978 : jamais depuis plus de 50 ans, il n’y a eu ni plainte d’un côté ni poursuite judiciaire de l’autre», ajoute «Vie naissante». D’autres avancées sont mises en avant : l’abolition de l’obligation d’une consultation psychosociale et du délai de réflexion avant de pouvoir pratiquer un avortement.

Aucun parti et aucun député n’auraient aujourd’hui signalé «la moindre volonté de rendre illégale la pratique de l’avortement». «Le “péril“ évoqué dans la proposition de révision constitutionnelle, et étonnamment répercuté par le Conseil d’État, n’est nullement en vue. (…) Tirer le principal argument d’une spéculation sur le très long terme est une entreprise pour le moins hasardeuse et peu consistante», fait remarquer l’association dans son avis.

Au-delà de la friction sociétale redoutée, «Vie naissante» voit d’autres «risques concrets» liés à l’inscription d’un droit à l’IVG dans la Constitution. À commencer par une «pression sociale et psychologique accrue» sur les femmes enceintes. Leur entourage qui recommanderait la «solution» de l’avortement pourrait «s’appuyer confortablement» sur la loi suprême. L’IVG finirait par «apparaître comme un bienfait».

«L’IVG est une tolérance légale»

Faire de l’avortement un «droit fondamental» risquerait aussi de mener la Cour constitutionnelle à abolir le délai légal. «L’avortement serait alors autorisé pendant les neuf mois de gestation!», s’indigne «Vie naissante», sans mentionner que la proposition de Marc Baum précise que «la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce l’accès libre et effectif» au droit à l’IVG. On revient ici à l’interprétation des termes finalement retenus.

À l’image du cardinal et de Luc Frieden, l’association craint en outre que les «médecins qui, pour des raisons éthiques ou confessionnelles, refusent de pratiquer l’avortement y pourront être contraints par l’État».

«Si, comme cela s’annonce, le Parlement adopte la proposition de Marc Baum, Vie naissante réclame urgemment l’inscription parallèle du droit à la vie dans la Constitution. Car, la loi existante (…) « garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie« », souligne un communiqué. En même temps, l’avis précise que «l’IVG est une tolérance légale, une dérogation au droit de la vie», qui est inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.