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[Littérature] Sylvain Tesson en quête du merveilleux


Cette fois, Sylvain Tesson a pris le bateau. Un voilier, avec deux amis, Benoît Lettéron et Arnaud Humann. (Photo : thomas goisque)

Il a traversé les steppes de Russie, vu la panthère des neiges dans les montagnes du Tibet. Puis il est parti en voilier sur l’arc atlantique. De retour sur terre, Sylvain Tesson a écrit Avec les fées. Encore un best-seller, alors que l’écrivain est au cœur d’une polémique.

La question est posée, implacable : «Après quoi court Sylvain Tesson ?». Il a commencé, enfant, en grimpant dans les arbres et en y installant une cabane. Plus tard, au sortir de l’adolescence, il a fait le tour du monde à vélo. Plus tard encore, on le trouvera dans les steppes de Sibérie, traversant les steppes à moto sur la route des batailles de Napoléon. On l’apercevra encore grimpant des façades parisiennes ou un chalet à Chamonix – il chuta, se fracassa. Il s’est reconstruit en marchant sur les chemins noirs de France avant de filer, une fois encore, à l’approche de la panthère des neiges au Tibet. Et le voilà de retour avec un nouveau livre, à peine paru et déjà en tête des ventes : Avec les fées.

Cette fois, il a pris le bateau. Un voilier, avec deux amis, Benoît Lettéron et Arnaud Humann. Lui qui avait écrit un Petit traité sur l’immensité du monde (2005) a décidé de suivre l’arc atlantique, qu’on appelle aussi «arc féérique». Il dit : «Les promontoires de Galice, Bretagne, Cornouailles, du pays de Galles, de l’île de Man, de l’Irlande et de l’Écosse dessinaient un arc. Par voie de mer, à bord d’un voilier, j’allais relier les miettes du déchiquetage. Sur cette courbe, on était certain de capter le surgissement du merveilleux. Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d’y voir. Je partais».

J’étais allé à la recherche du roi Arthur, j’ai trouvé Leroy Merlin…

Encore Tesson : «Même si elle a perdu le combat au XXIe siècle, la fée incarne encore le refus d’un monde immonde gouverné par la stupidité des machines et la méchanceté des masses». Ainsi, qu’on ne s’y méprenne pas : les fées, chez Tesson, ce ne sont pas ces petites créatures en tutu. Non, pour lui, ce sont ici et maintenant, là et ailleurs, ces surgissements du merveilleux, un peu comme ces mots du poète Joë Bousquet dans Lettres à une jeune fille : «Emplissez-vous de cette certitude : tout ce qui existe, tout, est comme un chant endormi et n’attend que le passage d’un regard assez pur pour se ranimer».

Avec ses compagnons d’aventure dans le port de Gijón, Tesson monte à bord d’un voilier de quinze mètres. Humann et Lettéron préparent l’appareillage. «Nous naviguerions vers le nord, passant en revue les promontoires où de vieilles présences attestaient chaque soir des adieux du soleil». Entre les trois, un accord : Tesson pourra, quand il le souhaitera, descendre à terre pour marcher ou cheminer à vélo pendant un, deux, voire trois jours. Ainsi, l’auteur d’Avec les fées s’offrira en Bretagne deux escapades entre mouettes et ajoncs, ce qui lui fera dire et écrire : «J’étais allé à la recherche du roi Arthur, j’ai trouvé Leroy Merlin…». Sentiment de «désabusion», comme l’avait chanté un poète.

De l’Angleterre aux îles Shetland

Un soir, au large de la fin de terre bretonne, Tesson note : «Définition du féérique : tout spectacle aperçu depuis un poste de vigie. Son accès devait être suffisamment difficile pour qu’on fût le seul à le contempler. La fée : ce qui se mérite dans l’ordre de la beauté». S’ensuivent alors des échappées en tout autant de chapitre en Angleterre, au pays de Galles, en Irlande, à l’île de Man, en Écosse et aussi, là-haut, tout là-haut, aux îles Shetland, avant le retour à Saint-Malo.

«Un soir, un trois-mâts suédois passa travers bâbord. Sur la coque, en lettres noires : « Sailing for Jesus ». Moi, c’était pour les fées. Elles existaient, puisque le soleil se lève chaque matin sur la mer. Elles existaient quand on cheminait vers elles. Elles existaient quand on travaillait à les faire apparaître. Où seraient-elles ce soir?» Au fil des pages, on a accompagné Sylvain Tesson, lui qui, à l’image d’un Blaise Cendrars ou d’un Nicolas Bouvier, sait écrire la mer mauve, la tourbe en flammes, les rochers ronds, les menhirs ou encore les falaises déchiquetées. Oui, le voyage fut beau.

Avec les fées, de Sylvain Tesson. Les Équateurs.