Avec 36 romans et 173 millions d’exemplaires vendus dans le monde, le romancier Ken Follett est tenu pour «l’un des plus importants romanciers de notre temps». Ce qu’il confirme avec Le Crépuscule et l’Aube, «prequel» de sa trilogie Les Piliers de la Terre. Un roman XXL, et pas seulement par son poids!
D’abord, il y a l’objet. En main, c’est du lourd : près de 900 pages et quasiment un kilo! Ensuite, l’information diffusée par l’éditeur : ce livre qu’on a en main a bénéficié, jeudi, d’une sortie mondiale quasi simultanée. C’est bien le moins quand paraît le nouveau roman du romancier gallois Ken Follett, 71 ans, 36 romans au compteur traduits en 33 langues, 173 millions d’exemplaires vendus dans le monde!
Et c’est l’un des événements de cette fin d’été littéraire, au joli titre : Le Crépuscule et l’Aube. Une fois encore, Ken Follett a appliqué son credo qu’au hasard de ses rencontres avec les journalistes il résume ainsi : «Je n’écris que pour le lecteur, en pensant à ce qui lui fera tourner la page.» Voilà qui est dit… Avec Ken Follett, un auteur qui n’envisage pas la retraite («parce que je n’aime pas le golf!»), c’est l’épopée format XXL. Aventures, amour, haine, alliances et trahisons à tous les étages…
Il a connu le succès avec la sortie du premier volume d’une trilogie, Les Piliers de la Terre, c’était en 1989 (l’année suivante pour la VF), et 27 millions d’exemplaires vendus à ce jour. Le romancier est un auteur tout-terrain : il est venu dans le monde des lettres avec des romans policiers puis a écrit des romans historiques. Les Piliers de la Terre, puis Un monde sans fin (2008) et Une colonne de feu (2017), les trois tomes couvrant une période allant de 1123 à 1620.
L’Angleterre autour de l’an 1000
Avec le nouvel et très attendu Crépuscule et l’Aube (trois ans de travail entre la recherche et l’écriture), il reste dans le même domaine, propose un «prequel» (autrement appelé «antépisode») qui, lui, couvre la période 997-1007. Et il en précise la genèse : «Mes romans tirent souvent leur origine d’une question. Dans ce cas-ci, je me demandais comment Kingsbridge, sur laquelle j’avais écrit trois longs romans, avait commencé, comment elle était passée d’un hameau à une ville.»
Il poursuit : «Ça m’a mené à une période de l’histoire anglaise, autour de l’an 1000, où les Anglos-Saxons régnaient malgré des conquêtes par les Vikings, alors que les Normands attendaient leur tour. J’ai pensé alors que la juxtaposition de ces deux idées, la naissance de Kingsbridge et la rivalité entre trois groupes puissants, serait intéressante.»
En avant-propos, le romancier gallois écrit encore : «Avec le déclin de l’Empire romain, la Grande-Bretagne régressa. Tandis que les villas romaines s’effondraient, les Anglais construisaient des habitations de bois d’une seule pièce, sans cheminée. La technologie de la céramique romaine – essentielle pour la conservation des aliments – sombra presque intégralement dans l’oubli. L’analphabétisme regagna du terrain. Certains qualifient cette période du haut Moyen Âge d’âge des Ténèbres; pendant 500 ans, les progrès furent terriblement lents. Et puis, enfin, les choses commencèrent à changer…».
«Si le passé était brutal, nous devons le dire»
Ainsi, donc, en 997, les Anglais doivent lutter contre des Vikings qui menacent d’envahir leur pays. Pas d’État de droit, c’est le règne du chaos… C’est le crépuscule, il y aura l’aube dans une période de tumultes où le destin de trois personnages va s’entremêler. Ainsi, le jeune Edgar construit des bateaux, sa maison va être détruite lors d’un raid viking.
Ragna est une jeune noble normande; insoumise, elle se marie par amour avec l’Anglais Wilwulf, mais les coutumes de son pays d’adoption diffèrent scandaleusement des siennes. Quant à Aldred, moine idéaliste, il rêve de transformer sa modeste abbaye en un centre d’érudition de renommée mondiale. Chacun d’eux s’opposera au péril de sa vie à l’évêque Wynstan, prêt à tout pour accroître sa richesse et renforcer sa domination.
Le Crépuscule et l’Aube, c’est la grande épopée d’avant les cathédrales. Tout y est avec Ken Follett, présenté par son éditeur français comme «l’un des plus importants romanciers de notre temps» : la vie, la mort, l’amour, l’ambition, l’héroïsme, la trahison… Il y a l’Angleterre et la Normandie, là où avec la célèbre tapisserie de Bayeux il aurait eu l’inspiration pour ce roman. Il y a, bien sûr, les Vikings qui, selon Ken Follett, n’étaient pas que de braves et costauds gaillards blonds.
Et dans ces pages virevoltantes, ce sont aussi les balbutiements du système judiciaire ou encore l’acquisition du savoir dans les abbayes. Ultime confidence de Ken Follett : «Avec ce livre, je souhaitais confronter les choses épouvantables. Pondre des romans historiques qui enjolivent le passé ne m’intéresse guère. Si le passé était brutal, nous devons le dire…».
De notre correspondant à Paris, Serge Bressan
Le Crépuscule et l’Aube, de Ken Follett. Robert Laffont.
Une trilogie essentielle
Les Piliers de la Terre (1990)
Après avoir obtenu un diplôme en philosophie à l’University College de Londres, été journaliste puis éditeur, il publie trois livres sous le pseudo de Simon Myles puis, en 1975, le premier sous son nom – c’est The Shakeout.
Il rencontre le succès avec Les Piliers de la Terre, premier tome de la trilogie éponyme. L’action court sur la période 1123-1140 en Angleterre et tourne autour de la construction d’une cathédrale par le prieur du village de Kingsbridge. Tout commence avec le naufrage de la Blanche-Nef en 1120, qui laisse la couronne d’Angleterre sans héritier. S’ensuivent la guerre civile et l’assassinat de l’archevêque Thomas Becket.
Au fil des pages, les tensions se multiplient entre la monarchie et l’Église convoitant le pouvoir, et les rivalités familiales et amoureuses entre des personnages. Le roman est nourri des recherches sur l’histoire du royaume d’Angleterre et le développement de l’architecture gothique.
Un monde sans fin (2008)
Deuxième tome de la série Les Piliers de la Terre. Première parution en Grande-Bretagne, le 4 octobre 2007 sous le titre World without End. Précision alors de Ken Follett : «Même si Un monde sans fin fait suite aux Piliers de la Terre, il peut être lu indépendamment.» En effet, les références aux Piliers… sont brèves.
L’action court ici de 1327 à 1361. Au début, on est avec quatre enfants témoins dans la forêt anglaise du meurtre de deux soldats au service de la reine par un chevalier. Celui-ci enterre ensuite une lettre dont le contenu pourrait mettre en danger la couronne d’Angleterre. Cette tuerie lie à jamais le sort des quatre bambins…
Le roman a été adapté sous forme d’un jeu de société en 2009 par Michael Rieneck et Stefan Stadler. Il y aura, en 2012, également Un monde sans fin, un feuilleton télévisé réalisé par Michael Caton-Jones (réalisateur, entre autres, de Basic Instinct 2 en 2006), soit huit épisodes de 45 minutes chacun.
Une colonne de feu (2017)
Troisième et dernier tome de la série. Un roman qui court de 1558 à 1620 dans trois lieux : l’Angleterre, Paris et Séville. Au milieu du XVIe siècle en Angleterre, catholiques et protestants se déchirent, alors que le monde change radicalement. À Kingsbridge, quatre siècles après la construction de la première cathédrale gothique du pays, Ned Willard et Margery Fitzgerald sont deux jeunes amoureux, dont les familles adoptent des attitudes opposées dans ce conflit.
L’accession d’Élisabeth Ire au trône met le feu à toute l’Europe. Les complots pour destituer la jeune souveraine se multiplient, notamment en France où la séduisante Marie Stuart – considérée comme l’héritière légitime du royaume anglais et issue de la redoutable famille française de Guise – attend son heure. Pour déjouer ces machinations, Élisabeth constitue alors les premiers services secrets du pays et Ned devient l’un des espions de la reine…
S. B.