Accueil | A la Une | L’Inspection du travail fait sa révolution

L’Inspection du travail fait sa révolution


«L'ITM doit être plus efficace et plus active sur le terrain», assène le ministre du Travail Nicolas Schmit, ici en compagnie du directeur de l'ITM, Marco Boly. (photo Didier Sylvestre)

Lancée en 2015, la réforme «de fond en comble» de l’Inspection du travail et des mines (ITM) bat son plein. Des effectifs renforcés et une formation spécifique doivent lui permettre de gagner en efficacité et notamment de mieux lutter contre le nombre élevé des accidents du travail au Grand-Duché.

«Immobilisme», «gestion désastreuse», «inefficacité», «critiques justifiées»… Les mots du ministre du Travail ont été durs, mercredi, à l’égard du fonctionnement passé de l’Inspection du Travail et des Mines (ITM). À l’heure de présenter le rapport 2015 de ce service public, Nicolas Schmit entendait ainsi mieux souligner l’ampleur de la restructuration initiée l’an passé, et toujours en cours, sous la houlette du directeur de l’ITM, Marco Boly.

À l’instar de la modernisation toute récente de l’Agence pour le développement de l’emploi (ADEM), dont l’image était devenue elle aussi «catastrophique», l’ITM est entrée en révolution. Le message du ministre du Travail, Nicolas Schmit, est clair : «On ne veut pas une ITM qui ne dérange pas, mais une ITM qui soit active et visible sur le terrain, et qui sanctionne lorsque c’est nécessaire. Il s’agit de réformer l’ITM de fond en comble.»

À commencer par le renforcement de moyens qui n’ont pas suivi l’explosion économique du pays. Entre 1947 et 1990, les effectifs de l’ITM sont ainsi restés scotchés à une vingtaine d’agents, avant de grimper à 95 en 2015. «C’est encore clairement insuffisant», tranche Nicolas Schmit. L’objectif est de doubler les forces et d’atteindre «au moins 200 agents» d’ici dix ans.

Nombreux départs à la retraite

Une tâche d’autant plus ardue que de nombreux départs à la retraite auront lieu prochainement. «Cette problématique de la pyramide des âges du personnel de l’ITM est le fruit d’une politique de gestion désastreuse ces 15 dernières années», assène le ministre du Travail.

Face à cette hémorragie annoncée – le nombre d’inspecteurs du travail a déjà chuté de 63 à 52 entre 2014 et 2015 -, pas moins de 36 agents sont en cours de recrutement «à brève échéance». Outre le vivier classique de la fonction publique, l’ITM entend attirer des agents de l’armée et des employés de l’État via l’ADEM.

Second chantier amorcé l’an passé : l’amélioration de la formation. Peu préparés à la spécificité de leur métier, les inspecteurs du travail ne sont aujourd’hui pas suffisamment armés pour gérer des situations souvent complexes à la fois techniquement et humainement. Une «académie de savoir» est ainsi en cours de création pour assurer à ces fonctionnaires une bonne formation initiale et continue.

«Tous les candidats ayant réussi l’examen-concours de l’Etat ne sont pas prédestinés à devenir inspecteur du travail», note l’ITM dans son rapport 2015.

Corollaire de ce plan de formation : l’instauration d’une véritable carrière des inspecteurs, afin de «rendre le métier plus attractif». «Il est plus facile d’aller travailler dans d’autres administrations aujourd’hui», relève Claude Santini, conseiller de direction adjoint.

Centralisation des appels

De nombreux autres chantiers ont été lancés en 2015 afin de moderniser l’ITM et de gagner en efficacité. Les appels, courriers et mails ont été centralisés vers un «Help Call Center» unique, qui rencontre «un très grand succès», permettant aux inspecteurs de se concentrer davantage sur les contrôles sur le terrain.

Aussi, les horaires d’accueil aux guichets ont été étendus à 6 heures par jour contre 1 heure 30 auparavant. L’informatisation des services a été développée et le site internet a été rénové (avec notamment une Foire aux Questions étoffée).

Sur le plan interne, un nouvel organigramme a été établi, intégrant davantage de «management», et un décloisonnement a été opéré entre les départements «droit du travail» et «sécurité et santé au travail».

Symbole du dépoussiérage engagé : une réorganisation des locaux de Strassen a abouti à la suppression d’un tiers de «vieilles archives»…
Pour le directeur Marco Boly, il s’agit bien de donner vie à ce que doit être «l’administration du futur», au service des citoyens.

Sylvain Amiotte

« Trop d’accidents du travail au Luxembourg »

«Le Luxembourg n’est pas le champion de la prévention des accidents du travail.» Derrière cet euphémisme, le ministre Nicolas Schmit a profité mercredi de la présentation du rapport annuel de l’ITM pour monter au créneau, pointant notamment le secteur de la construction, qui concentre près de la moitié des accidents graves  : «La situation est dramatique. Ces accidents résultent souvent de négligences graves et manifestes, ce n’est pas acceptable.»

Nicolas Schmit estime que le renforcement en cours des moyens de l’ITM (lire ci-contre) permettra d’augmenter enfin le nombre de contrôles sur le terrain («il n’y en a pas assez aujourd’hui»). Aussi, une cellule spéciale a été créée récemment au sein de l’ITM pour mieux évaluer les risques et les causes d’accidents.

Le ministre appelle à «une prise de conscience» des entreprises et des salariés et propose aux fédérations patronales la création d’une «Semaine de la sécurité dans la construction».

Avec 11 morts et 27 000 accidents du travail reconnus en 2015 (un chiffre qui ne baisse pas), ainsi que près de 1200 victimes d’une lésion permanente chaque année, le Luxembourg pointe dans le peloton de tête des pays européens les moins sûrs au travail.

«Les accidents du travail ne sont pas une fatalité humaine. Ils peuvent être évités et l’objectif est bien de parvenir à zéro accident», a appuyé le directeur de l’ITM, Marco Boly.

Parmi les actions envisagées, le ministre du Travail souhaite que le Délégué à lé sécurité (travailleur désigné au sein des entreprises) soit «mieux formé». Aussi, Nicolas Schmit appelle à davantage de sanctions envers les entreprises qui ont connu des accidents graves par négligence : «Il est possible de les exclure pendant une période de tous les marchés publics.»