Claire Denis met face à face, pour la première fois, deux acteurs poids lourds : Vincent Lindon et Juliette Binoche. Une rencontre qui fait des étincelles.
Deux acteurs intenses et passionnés, réunis pour la première fois : Vincent Lindon et Juliette Binoche sont deux fauves en cage, déchirés par l’amour, dans le dernier film de Claire Denis. Du premier, la réalisatrice française de 76 ans, qui a décroché à Berlin l’Ours d’argent de la meilleure mise en scène avec ce film, puis le Grand Prix à Cannes trois mois après pour Des étoiles à midi, aime la «capacité à laisser entrevoir sa douleur, ses craintes». À propos de la seconde, elle loue «la puissance émotionnelle».
La rencontre de ces deux interprètes, habitués chacun de la réalisatrice mais qui ne s’étaient jamais donné la réplique, fait des étincelles. Le film raconte l’histoire de Jean (Vincent Lindon), ancien rugbyman et taulard, qui aime passionnément sa compagne, Sarah (Juliette Binoche), journaliste à Radio France internationale. Leur huis clos amoureux, dans un petit appartement parisien, est perturbé par la réapparition de François (Grégoire Colin), ancien amant de Sarah et ami de Jean. Entre les deux hommes, Sarah va hésiter, mentir, céder. Au risque de tout perdre.
Pas de place pour la légèreté
Ce drame, qui se perd parfois dans des apartés, est une nouvelle adaptation d’un récit de Christine Angot (Le Tournant de la vie), une proche de Claire Denis. Mais contrairement à leur dernière collaboration, Un beau soleil intérieur, il ne fait aucune place à la légèreté. «Ce n’est pas comme une histoire d’adultère, c’est plus que ça!», a expliqué Claire Denis. «Dans la vie, c’est comme ça : il y a le passé qui revient et parfois ça fait mal.»
«On décrit les hommes comme des humains qui ne peuvent pas résister à leurs pulsions sexuelles parce qu’ils sont hommes, mais les femmes non plus ne peuvent pas résister», a ajouté la réalisatrice. Vincent Lindon incarne cette masculinité et est aussi «un acteur qui s’ouvre, qui a confiance», souligne-t-elle, tandis que Juliette Binoche est «super féminine» et en même temps, porte en elle «une puissance» : «C’est un canon physique et émotionnel.»
Dans la vie, c’est comme ça : il y a le passé qui revient et parfois ça fait mal!
Un mélange qui a fait ses preuves sur le plateau, notamment pour le tournage de l’une des scènes les plus fortes du film, celle de la rupture, des heures de prises de vue nocturnes dans l’appartement dont l’équipe est ressortie exsangue. «Claire avait envie qu’on arrive comme des fauves, je crois, enfin, c’est ce que je me raconte», explique Vincent Lindon. «On avait un rendez-vous avec elle, Juliette Binoche et moi, comme deux personnes qui ont fait un parcours pendant 35 ans et puis, tout d’un coup, vont jouer ensemble», poursuit-il.
Tension et intensité
Comme acteurs, «on a envie de tout donner, on souffre comme des chiens errants et abandonnés qui arrivent à une maison de campagne, on ne sait pas par où», décrit Vincent Lindon. «Au début, on ne peut même pas les approcher, il faut mettre des écuelles, et puis vous revenez deux heures après et ils ont pris confiance. Les acteurs et les actrices, c’est un peu des animaux!»
De son côté, Juliette Binoche avoue avoir dû «s’adapter» face à un acteur qui «aime bien improviser» et lui faisait «perdre (ses) repères. Il a une énergie, un besoin de se rassurer qui fait que ça mobilise une attention que je n’avais jamais vraiment vécue sur un plateau». «Il y a une telle intensité, une telle tension entre ces personnages du fait de cet amour qui vient tout ébranler, que ces conflits étaient nécessaires pour tendre les situations à jouer, je suppose. On s’en est servi, l’un comme l’autre», poursuit Juliette Binoche, qui incarnera prochainement Coco Chanel dans une série Apple TV.
Avec amour et acharnement, de Claire Denis.