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« Like a Jazz Machine » 2017 : un excellent grand cru [vidéos]


Le pianiste franco-serbe Bojan Z a subjugué le public. (photo Gérard Beckers)

La 6e édition du festival de jazz international Like a Jazz Machine au centre culturel Opderschmelz à Dudelange (25-28 mai) est déjà du passé. Ce fut un excellent grand cru.

La programmation fut exemplaire, l’organisation parfaite, l’ambiance chaleureuse et le public nombreux (rejoint par beaucoup d’organisateurs de festival de jazz européens et la presse étrangère) dès le début du jeudi.

Et cela déjà pendant le concert d’un artiste en résidence luxembourgeois, le claviériste Jérôme Klein. Avec ses deux incontournables amis, Pol Belardy au vibraphone et au synthé-basse et le très percutant Nils Engel, ils servirent un electro-jazz constitué d’un subtil mélange de Tortoise et d’Air, et incluant parfois des relents techno et même rock, mais où l’esprit du jazz ne fut jamais loin.

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Le claviériste luxembourgeois Jérôme Klein. (photo Gerard Beckers)

Car les jazzmen luxembourgeois ne furent pas en reste, quoique pas si nombreux. Puisque le public put apprécier le jour d’après les trois «lascars» précités, et cette fois-ci pour la présentation du nouvel opus de Pol Belardi, à la basse électrique, et en quintet avec David Fettman au saxophone alto et Riaz Khabirpour à la guitare électrique. Et ceci dans un projet ambitieux, «Creation/Evolution», autour de la création de l’univers, du big bang à l’apparition de la vie, sous forme de plancton, voire de dinosaures. Peut-être un des temps forts de vendredi.

Un autre trio luxembourgeois, Dock in Absolute, réunissant un pianiste classique, Jean-Philippe Koch, et deux jazzmen, David Kintziger à la basse électrique et Michel Meis à la batterie, et de nouveau un CD Release, laissa une bonne impression le samedi. Dimanche, au pianiste Michel Reis de fasciner dans un quartet japonais par un jazz plutôt fougueux.

Des temps forts, il y en a eu beaucoup. D’abord jeudi, avec un autre artiste en résidence, le pianiste franco-serbe Bojan Z. Ce dernier sut littéralement subjuguer le public fin connaisseur avec notamment un maître de la trompette, Pantelis Stoikos, sa sonorité envoûtante, et les rythmes syncopés des Balkans. Mais également avec un Claudio Puntin plus sobre mais terriblement efficace aux différentes clarinettes, et en contrepoint, et comme guest star, le Sarde Paolo Fresu avec un phrasé soyeux au bugle, voire à la trompette toute en sourdine.

Mais il y eut ce soir-là aussi d’autres projets intéressants, tel celui issu de la collaboration du célèbre guitariste franco-vietnamien Nguyên Lê, avec sa dextérité et son jeu si particulier, et du chanteur traditionnel Ngo Hong Quang. Et un voyage musical à travers le Vietnam, en retrouvant, entre autres, de nouveau Paolo Fresu au bugle, mais également un tabla indien et un koto japonais.

Néanmoins la plus grande énergie condensée propulsée fut celle d’un trio survitaminé autour du saxophoniste Shabaka Hutchings, rescapé du groupe Sons of Kermet. Accompagné d’un synthé-basse, qui sut y inclure un grain de Philip Glass, et d’un batteur aux rythmes complexes davantage trance, leur musique fut l’émanation d’une attitude hip-hop et techno, mariée au souffle et à l’esprit de jazz libertaire du saxophoniste ténor.

Vendredi, certains auront vraisemblablement adoré, après l’excellent trio du pianiste finlandais Aki Rissanen, le jazz de chambre tout en finesse du trio de la célèbre compositrice de jazz Carla Bley, au piano. Celle-ci était entourée de ses comparses naturels, Steve Swallow, et son jeu soyeux à la basse électrique, et Andy Sheppard, et son timbre somptueux aux saxophones ténor et soprano. À la clé, Andando el Tiempo , de 2015.

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Carla Bley. (photo Gerard Beckers)

Pour d’autres, un des temps forts de la soirée aura été le space jazz déjanté et libertaire très seventies du groupe Supersonic. Une sorte de mini big band autour du saxophoniste ténor et alto Thomas de Pourquery, avec des clins d’œil espiègles à Sun Ra, voire Pharoah Sanders. Un nouveau Magma?

Samedi, ce fut le véritable tour de force. D’abord, avec la prestation phénoménale d’un grand seigneur du piano jazz allemand, Joachim Kühn, bien épaulé par Chris Jennings à la contrebasse et Eric Schaefer à la batterie. Et Beauty & Truth comme programme, dans lequel figura une formidable réinterprétation de The End des Doors.

Mais il y eut aussi un moment magique, et une exclusivité dudelangeoise, la coopération magistrale du trio avec un autre grand seigneur du jazz, Enrico Rava au bugle, et entre autres leur formidable Blues for Pablo , de Gil Evans.

Joachim Kühn et Enrico Rava. (photo Gerard Beckers)

Joachim Kühn et Enrico Rava. (photo Gerard Beckers)

S’ensuivit, preuve que le jazz servi à Dudelange est multiforme, le projet Continuum du pianiste suisse Nik Bärtsch. Un jazz minimaliste et contemplatif puisant, avec deux batteries et une clarinette contrebasse, dans la musique répétitive d’un Steve Reich, avec en extension une section de cordes. La fin de cette soirée fut réservée à l’electro-jazz agréable à l’écoute du quartet du trompettiste suisse Erik Truffaz.

Serge Lecoyer

http://jazzmachine.lu Les concerts de la première journée du festival sont visibles sur le site d’ARTE.