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Lièvres bruns : opération recensement


Le lièvre brun, ou lièvre d’Europe, voit son habitat naturel se réduire. (Photo : editpress)

Depuis 2024, l’Aktion Hues recense les lièvres au Grand-Duché. Une démarche citoyenne pour faire face au déclin de l’espèce.

À l’approche de Pâques, quelqu’un manque à l’appel. Mais où est donc passé le lièvre? Présent dans les steppes, les prairies et les friches, ce petit mammifère brun se fait de plus en plus rare depuis plusieurs années au Grand-Duché.

Afin de recenser la population de lièvres dans le pays, le Mouvement écologique et l’Oekozenter Pafendall ont formé une action citoyenne : l’Aktion Hues. «C’est une action participative. Via l’application iNaturalist, les gens peuvent prendre en photo ou simplement indiquer les lièvres qu’ils aperçoivent pour ensuite partager leurs observations avec la communauté et participer au recensement», explique Claire Wolff, responsable biodiversité du Mouvement écologique (Méco).

Pour l’association, il s’agit d’une contribution citoyenne, mais aussi d’une démarche scientifique. «Une communauté de scientifiques est aussi présente sur l’application. Une fois les photos validées par les utilisateurs, les données sont envoyées au musée national d’Histoire naturelle du Luxembourg pour intégrer une base de données nationale», détaille Claire Wolff.

La représentante du Méco pointe l’absence de recensement national et scientifique de l’animal aux grandes oreilles. À titre d’exemple, le lièvre est peu présent dans le nord et dans l’est du pays. Le mouvement compte ainsi sur les données recueillies par les utilisateurs de iNaturalist pour confirmer ces résultats.

Un habitat perturbé

Une menace plane sur l’habitat naturel du lièvre : l’expansion de l’agriculture intensive. «Les grands plateaux vides, les prairies coupées et l’augmentation des champs agricoles font partie des raisons du déclin», s’alarme Claire Wolff. En effet, le lièvre a besoin de cachettes, lui qui adore vivre dans des bandes d’herbes hautes le long des chemins ou dans les haies. «Notre paysage manque de coins en friche, donc l’espèce se retrouve menacée», proteste-t-elle. Avec le temps, le lièvre s’est adapté au changement de son milieu naturel. Mais le Mouvement écologique rappelle que l’animal doit bénéficier d’une alimentation diversifiée, d’endroits à l’abri pour se cacher et pour protéger ses petits, les levrauts.

Les premiers constats de l’Aktion Hues illustrent bien ces problèmes. Des images montrent que des lièvres ont déjà été observés dans les jardins de particuliers. L’un a même élu domicile à l’aéroport du Findel! Soit ces populations sont en recherche de nourriture, soit elles sont perturbées par l’urbanisation. Dans les deux cas, leur habitat se retrouve bouleversé.

Selon Claire Wolff, la situation est devenue critique, affectant l’environnement de l’animal. «Le lièvre est un indicateur. De nombreux animaux utilisent les mêmes habitats et les mêmes lieux que lui, donc, eux aussi, peuvent se retrouver menacés», décrypte-t-elle. Toutefois, la responsable biodiversité du Méco tient à nuancer. «L’agriculture est indispensable aujourd’hui, il faut continuer de cultiver les champs, mais, dans ce cas, il faut adopter une agriculture plus raisonnable», tranche-t-elle.

Claire Wolff, responsable biodiversité au Mouvement écologique. Photo : claude piscitelli

Une chasse à surveiller

L’agriculture n’est pas l’unique facteur de régression de l’espèce. La chasse est aussi mise en cause. Pour Claire Wolff, il serait préférable que la chasse au lièvre d’Europe soit arrêtée «pour une, voire deux années». Le temps que les populations puissent se développer et reprendre du territoire. La pratique doit également reposer sur un avis scientifique, afin de décider si la chasse a une incidence sur la diminution du nombre de ces animaux. «Il faut se baser sur les données et effectuer un monitoring scientifique», suggère-t-elle.

Au niveau mondial, il faut s’intéresser aux résultats de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) pour comprendre la situation. Dans sa fiche consacrée au lièvre d’Europe, l’UICN place depuis 2018 le mammifère sur sa liste rouge. Il y est indiqué que sa population est en déclin en raison du développement des aires urbaines, de l’agriculture et de l’aquaculture. Le réseau environnemental dresse plusieurs préconisations : recherche, surveillance et protection des terres et des eaux.

Par ailleurs, Claire Wolff indique que depuis les années 1950, le nombre de lièvres abattus est en baisse. D’après les chiffres de l’administration de la Nature et des Forêts, en 2023 on dénombrait 13 000 lièvres au début des années 1950, avant que la courbe ne chute à 300 en 2021-2022. Cela signifie qu’il y a eu un changement dans les pratiques de chasse, mais aussi que le déclin de l’espèce s’est confirmé.

«Des petits gestes citoyens»

À petite échelle, les communes, les particuliers, les agriculteurs et les chasseurs peuvent contribuer à la sauvegarde de l’espèce. «Ce sont des petits gestes citoyens. Par exemple, les levrauts sont souvent laissés seuls par leur mère. Si l’on promène son chien près des champs et en bordure de forêt, il ne faut pas le laisser courir dans une prairie au risque de perturber les petits», recommande Claire Wolff.

La responsable biodiversité cherche à motiver les gens à s’engager dans ces questions de protection animale. À l’échelle nationale, Claire Wolff appelle le ministère de l’Environnement à agir. Le Mouvement écologique suggère ainsi d’encourager l’agriculture biologique, donc de ne pas recourir aux pesticides et de gérer la ressource en eau. Concernant les agriculteurs, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC) l’Union européenne a mis en place une aide au revenu. Ces «paiements directs» portent sur plusieurs points, dont le fait de «fournir des biens publics tels que la préservation de l’espace naturel et de l’environnement», ce qui comprend la santé et le bien-être des animaux sauvages.

Lancée en 2024, l’Aktion Hues va s’étendre jusqu’à l’automne prochain, marquant deux années de recensement participatif. D’ici là, pour vérifier que le lièvre de Pâques est toujours présent, il suffit d’un smartphone, d’utiliser l’application iNaturalist ou de se rendre sur iNaturalist.lu.