Un logiciel d’intelligence artificielle semble en mesure d’analyser efficacement une mammographie, travail assuré aujourd’hui par les radiologues, en vue du dépistage des cancers du sein.
Selon les premières données d’une étude publiée mercredi, l’intelligence artificielle (IA) pourrait être mobilisée à l’avenir dans le dépistage des cancers du sein et ainsi réduire la charge de travail des radiologues. Il est toutefois trop tôt pour conclure à son intérêt réel.
Réalisée en Suède et publiée dans le Lancet Oncology, cette étude permet surtout de conclure qu’il n’y a pas de risque à ce que les radiologues utilisent un logiciel d’intelligence artificielle pour mieux orienter leurs analyses. Les chercheurs ont divisé quelque 80 000 femmes en deux groupes de taille semblable : toutes ont effectué une mammographie mais le premier groupe a été dépisté de manière classique, c’est-à-dire avec le regard de deux radiologues indépendants, tandis que les données du second groupe ont d’abord été examinées par une IA, puis par un seul radiologue.
En fin de compte, le groupe assisté par IA n’a pas enregistré de moins bonnes performances : on y a même détecté légèrement plus de cancers, notent les auteurs. Le taux de «faux positifs», c’est-à-dire les cas où le premier examen soupçonne à tort un cancer, était, quant à lui, quasiment égal dans l’un et l’autre groupe.
Un seul radiologue étant nécessaire dans la procédure impliquant une IA, l’usage de cette technologie pourrait éventuellement réduire de moitié la charge de ces médecins. Ces résultats sont prometteurs car le dépistage est largement considéré comme l’une des principales manières de lutter contre le cancer du sein. Au Luxembourg, il est généralisé chez les femmes de 50 à 70 ans à travers le «Programme mammographie» (lire ci-dessous), dans la lignée des recommandations européennes.
Un bilan prévu dans deux ans
Pour autant, il serait précoce de conclure à l’intérêt réel de l’IA dans le domaine : il faudra plusieurs années de recul pour savoir si elle a été aussi efficace qu’un double avis humain. Pour ce faire, les chercheurs compareront, dans deux ans, le taux de cancers qui auront échappé au dépistage, mais auront été diagnostiqués dans l’intervalle.
Enfin, ces premières données laissent aussi planer une incertitude sur le risque de «surdiagnostic», à savoir de repérer des lésions qui n’auraient pas évolué en cancers dangereux sans traitement. Cette question du surdiagnostic est au cœur de certaines critiques sur le bien-fondé du dépistage généralisé, même si la recherche confirme de plus en plus clairement son intérêt pour réduire efficacement la mortalité due au cancer du sein.
Le risque de surdiagnostic «doit encourager à la prudence quant à l’interprétation des résultats», a ainsi prévenu dans un commentaire au Lancet Oncology le cancérologue Nereo Segnan, étranger à l’étude, tout en reconnaissant son caractère prometteur.
Deux lectures, voire une troisième
Au Luxembourg, après l’examen radiologique de la patiente, sa mammographie est lue successivement par deux radiologues de façon indépendante. Elle est soumise au radiologue du centre de dépistage où a été effectué l’examen pour une première lecture. Les clichés sont ensuite adressés au radiologue du Centre de coordination pour une deuxième lecture. Celui-ci interprète les images sans connaître l’avis du premier lecteur. Il faut attendre ce deuxième avis pour connaître l’interprétation définitive de la mammographie, c’est pourquoi il peut y avoir un délai d’attente. Si l’interprétation de ces deux radiologues diverge, le protocole prévoit une troisième lecture en commun, réalisée lors d’une discussion entre un des premiers lecteurs et un des seconds lecteurs.
Chaque année au Luxembourg, environ 72 femmes de plus de 50 ans décèdent d’un cancer du sein. En participant tous les deux ans au programme de dépistage, le risque de décéder d’un cancer du sein diminue.