La coopérative de logement peut être une des réponses à la crise actuelle. La députée Paulette Lenert défend ardemment cette troisième voie et réunit du monde pour en parler.
Les coopératives d’habitation sont le sujet qui emballe complètement la députée socialiste Paulette Lenert, qui avait déjà approché cette forme de logement alternatif quand elle était premier conseiller de gouvernement auprès du ministre délégué à l’Économie solidaire. Les coopératives d’habitation sont des sociétés où les membres sont propriétaires collectivement d’un immeuble et en sont locataires.
«On mutualise les efforts, on devient acteur de son projet pour une coopérative d’habitation. Pour faire simple, l’habitation appartient à la coopérative, donc on a une propriété collective et en tant que coopérant, on est propriétaire. En contrepartie, d’autre part, on a un droit d’habitation dans cette coopérative», résume-t-elle.
Il s’agit surtout d’un logement abordable et antispéculatif, avec une gestion démocratique et participative, où les parts sociales ne génèrent pas de plus-value à la sortie, assurant stabilité des loyers et sécurité. «C’est un concept qui n’est pas du tout développé encore au Luxembourg, contrairement à d’autres villes», regrette la députée qui a participé récemment à une conférence sur le sujet organisée par l’université de Luxembourg.
Une première tentative au Kirchberg
Il y a bien eu une première tentative de coopérative au Kirchberg, mais elle n’a finalement pas abouti pour des raisons de financement lié au terrain, et la coopérative a été liquidée. Ce premier échec ne décourage pas les candidats. Ils étaient nombreux à découvrir au printemps dernier l’exposition organisée par le Luxembourg Center of Architecture (LUCA) intitulée «Our New Housing – An Invitation to Cooperate», conçue à partir de la thèse de doctorat de Céline Zimmer. Parmi les visiteurs se trouvait Paulette Lenert qui ne cesse de plaider pour l’habitat coopératif, ce troisième secteur du logement qu’elle aimerait voir émerger au Luxembourg.
«Ces coopératives sont très implantées dans d’autres pays comme l’Autriche, la Suisse, l’Allemagne, où il y a déjà une certaine tradition», illustre Paulette Lenert. Un concept qui se développe dans des grandes villes, parce qu’il n’y a pas cette dimension de plus-value. «On ne peut pas vendre avec une plus-value. Si on veut sortir de la coopérative, on se fait rembourser sa mise, mais c’est tout», explique-t-elle. Tout l’aspect spéculatif est donc neutralisé et le loyer correspond aux frais réels.
Un des points faibles du Luxembourg dans cette matière, c’est le manque d’accompagnement qui existe à l’étranger où des regroupements de coopératives sont disposés pour des partages d’expérience et de savoir-faire. «D’un point de vue politique, il faudrait remplir ce vide en subventionnant ou en mettant en place une structure qui accompagne.» Le deuxième frein, c’est l’accès au foncier et c’est là qu’intervient le rôle de l’État et des communes. «Il faudrait mettre des terrains à disposition comme Agora a pu le faire avec un bail emphytéotique par exemple», explique Paulette Lenert. Ce serait un poids financier en moins, et pas des moindres, pour obtenir des terrains un peu plus abordables.
Activer tous les leviers
Le ministre du Logement, qui assistait à la conférence, n’a pas été insensible au sujet. Au contraire, ce troisième mode de logement ne peut qu’apporter une réponse supplémentaire à la crise actuelle. «La crise du logement n’affecte pas seulement le droit fondamental d’avoir un toit, mais vraiment aussi l’attractivité du pays parce qu’on ne trouve plus la main-d’œuvre qui accepte de venir s’installer au Luxembourg.»
Le constat est simple, la crise du logement avance plus vite que les solutions qui y sont apportées. «J’étais très satisfaite de constater que le ministre Claude Meisch était intéressé à développer cette troisième voie qui est encore inexistante au Luxembourg», avance Paulette Lenert.
Bien sûr, l’habitat coopératif n’est pas la réponse à tout. «L’idée, c’est d’activer tous les leviers possibles et de voir comment est-ce qu’on peut aider ce troisième secteur à prendre racine au Luxembourg.» Elle est persuadée qu’avec des projets pilotes il est possible d’avancer assez rapidement sur ce dossier, sans forcément copier exactement ce qui se fait déjà à l’étranger. «C’est aussi une chance d’être devant une feuille blanche parce qu’on peut apprendre des erreurs des autres, parce qu’en Suisse, apparemment, il y a quand même aussi une tendance à avoir des coopératives très huppées, qui risquent d’aller jusqu’à la discrimination», prévient-elle déjà.
D’où le nécessaire accompagnement, avec des conditions fixées dès le départ. Il faut s’ouvrir à de nouveaux modes de vie, et dans la mixité. «On est quand même très multiculturel au Luxembourg, c’est un de nos atouts», conclut Paulette Lenert.
Elle est passionnée par la question des coopératives d’habitation et a présenté sa thèse de doctorat sur le sujet en 2024 à l’université du Luxembourg. L’architecte Céline Zimmer accompagne actuellement le projet de coopérative lancé par Agora, le spécialiste de la transformation de friches en quartiers urbains.
«Agora a mis en concours un terrain à Belval en précisant que les seules personnes qui pouvaient participer au concours étaient des groupes qui veulent créer une coopérative d’habitation sous forme de société d’impact sociétal», explique-t-elle.
Elle monte ce projet pilote avec toute l’expérience de ses recherches. «Je dois aussi mentionner la plateforme qui s’appelle For Future Members Only, sur laquelle peuvent s’inscrire des personnes souhaitant vivre dans une coopérative». Les personnes qui forment le groupe qui a remporté le projet à Belval se sont trouvées et connues sur cette plateforme. Un groupe très divers, de tous les âges et constellations de ménages.
Pour le projet d’Agora, plusieurs groupes ont postulé, mais un seul a réussi à répondre à tous les critères. Par exemple, la taille des groupes ou des coopératives déjà créées doit être comprise entre environ 10 et 20 ménages. L’appel à projets s’adresse également aux groupes qui n’ont pas encore fondé de coopérative, mais qui ont l’intention d’en créer une. Ces groupes bénéficieront d’un soutien à la création de la part d’Agora, afin d’assurer toutes les étapes nécessaires à la bonne réalisation du projet.
Pour être candidat au projet, le groupe doit avoir l’intention de créer une coopérative sous la forme juridique SCOP SIS (société coopérative et société d’impact sociétal). Il y a également deux façons de financer un projet de logement coopératif : par le biais de logements subventionnés ou par le biais de logements non subventionnés. Les deux modèles peuvent être combinés au sein d’un même bâtiment un projet peut donc comprendre des unités subventionnées ou non subventionnées. Une telle combinaison renforce non seulement la viabilité économique du projet, mais favorise également une mixité sociale qui profite à tous les habitants. «C’est toujours très transparent», assure Céline Zimmer.
Elle a créé sa propre structure, une agence immobilière sociale qui s’appelle Eis nei wunnen Agence, vue comme un guichet unique ou une structure de support pour promouvoir les coopératives, les encadrer, les accompagner et les conseiller.
Cette agence, quand elle aura réussi à trouver les financements nécessaires pour être finalisée, aura aussi pour objectif de mobiliser des terrains communaux destinés à accueillir des coopératives.
Mais il est tout à fait possible de faire de l’habitat coopératif dans des immeubles existants. «La Ville d’Esch a annoncé qu’elle voulait mettre deux bâtiments de la rue de l’Alzette à la disposition d’une coopérative d’habitation», cite-t-elle en exemple.