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L’extrême droite allemande se délecte des problèmes de Merkel


Selon Alexander Gauland, "Les gens ne votent pas pour l'AfD en raison de personnes mais pour protester contre ce qui se passe"

Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), fort d’un succès historique aux législatives, se délecte désormais de la crise que traverse Angela Merkel, incapable de former un gouvernement, reconnaît volontiers l’un de ses chefs.

« Merkel est complètement sur le déclin, et c’est en partie grâce à nous », se félicite dans un entretien Alexander Gauland, 76 ans, à une semaine du congrès de son parti, les 2 et 3 décembre.

Sirotant son verre de rosé dans un restaurant de Potsdam (est), près de Berlin, le septuagénaire assène : « Son temps est révolu, nous voulons que (Merkel) quitte la scène politique ».

C’est sur ce thème de « Merkel doit partir » que son parti a su capitaliser plus que tout autre aux législatives de septembre.

Créée en 2013, cette formation, anti-euro à l’origine, s’est muée en parti d’extrême droite, jouant sur les inquiétudes suscitées par la décision de la chancelière d’accueillir depuis 2015 plus d’un million de demandeurs d’asile.

Avec succès. En totalisant 12,6% des voix et obtenant 92 députés, l’AfD a fait voler en éclat un tabou depuis 1945. Alexander Gauland promet alors de faire « la chasse à Merkel ».

« Prêts’ à des élections anticipées »

Car la chancelière est certes arrivée en tête aux législatives mais avec un score historiquement bas. Depuis, elle peine à former une majorité la soutenant pour un quatrième mandat dans une chambre des députés morcelée par l’arrivée de l’AfD.

La menace d’élections anticipées est donc réelle et elles pourraient signifier le clap de fin pour la chancelière, au pouvoir depuis 12 ans.

Alexander Gauland est lui confiant de faire mieux en cas de nouveau scrutin. Et les sondages semblent lui donner raison.

« Ce n’est pas à nous de décider de nouvelles élections. Nous ne sommes pas demandeurs, mais nous sommes prêts » et « probablement que nous y gagnerions », poursuit-il.

Avec ses vestes en tweed et son éternelle cravate verte ornées de chiens jaunes, Alexander Gauland cultive un look « British » de grand-père bougon et ultra-conservateur. Co-chef de file de la campagne électorale, il forme un étonnant duo avec Alice Weidel, une ancienne banquière lesbienne.

« Exprimer les peurs »

Il est aussi l’auteur de propos controversés sur l’islam, le nazisme et le devoir de mémoire. Ceux-ci ont provoqué de profonds remous au sein du parti et le départ de sa figure de proue, Frauke Petry.

Mais cette radicalisation identitaire a fonctionné. En particulier lorsqu’il s’agissait de dépeindre les demandeurs d’asile musulmans arrivés sous Mme Merkel en criminels multi-récidivistes.

Aucun regret donc car « nous exprimons les peurs des gens », explique l’ancien avocat. « Nous ne voulons pas que le pays change dans une telle mesure qu’on ne puisse plus revenir en arrière ».

Malgré un taux de chômage historiquement bas (5,4% en octobre), l’AfD scrute donc aussi la situation sociale. La semaine dernière, l’industriel Siemens a annoncé près de 7.000 suppressions de postes dans le monde, dont 920 en Saxe (est), bastion de l’AfD.

« Cela va probablement (nous) aider », prédit Alexander Gauland, qui admet volontiers que son parti attire avant tout les contestataires.

« Les gens ne votent pas pour l’AfD en raison de personnes mais pour protester contre ce qui se passe », soutient-il, balayant du coup l’importance des guerre des chefs au sein du parti.

Allemagne – Autriche

Pas d’inquiétude non plus face aux tentatives des libéraux du FDP de braconner des voix à l’AfD, après avoir rompu les pourparlers de coalition avec les conservateurs et les Verts.

« Il y a cette vieille querelle entre l’original et la copie », sourit-il.

Pour lui, le succès de l’AfD est le résultat des spécificités bien allemandes et il rejette dès lors l’idée d’une alliance avec des mouvements similaires.

« On dit +le Brexit et (le président américain Donald) Trump vous donnent une grosse impulsion+, mais je ne vois pas les choses comme ça », tempère-t-il.

« J’ai toujours été très sceptique à l’égard des pactes (…) entre partis supposés similaires », comme le Front national français.

Une exception néanmoins aux racines bien germaniques : les Autrichiens du FPÖ  qui ont des liens « culturels » avec les Allemands de l’AfD.

Le Quotidien/ AFP