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L’expulsion d’une famille syrienne du Luxembourg mise en suspens


D'après Marion Dubois, Passerell attend des autorités luxembourgeoises qu'elles «restent vigilantes dans l'attente de la décision finale du comité». (Photo: archives Editpress/Fabrizio Pizzolante)

Suite à une plainte déposée par une famille syrienne venue chercher refuge au Luxembourg, le Comité des droits de l’Enfant de l’ONU a demandé la suspension immédiate de leur renvoi vers la Grèce, le temps d’analyser leur situation. Une décision plutôt rare au Grand-Duché.

C’est un vrai périple qu’a vécu cette famille syrienne ces dernières années : partie de Syrie, elle trouve refuge en Grèce, où elle obtient un statut de réfugié. Malgré l’obtention du précieux sésame, la famille décide de fuir le pays, en raison de l’impossibilité de recevoir des soins de santé dans de bonnes conditions, alors que l’un des cinq enfants est atteint d’un cancer. Sans compter leurs conditions de vie, jugées «mauvaises» en Grèce.

C’est au Luxembourg qu’ils décident de se réfugier, en 2019. Très vite, ils reçoivent une décision d’irrecevabilité à leur demande de protection internationale, au motif qu’ils n’ont pas démontré qu’en cas de retour en Grèce, ils seraient confrontés à une situation de «dénuement matériel extrême». «Le Luxembourg est très strict par rapport à ce critère : il ne donne quasiment jamais son accord dans ce type de situation», rapporte Marion Dubois, directrice de l’asbl Passerell, en charge des droits des demandeurs d’asile et réfugiés au Grand-Duché.

Un «dernier recours»

En février 2020, les parents déposent une demande au nom de leur plus jeune enfant, le seul à ne pas bénéficier du statut de réfugié en Grèce puisque né au Grand-Duché. Après de nombreux aller-retours entre l’administration et les juridictions, impliquant même la Cour de Justice de l’Union européenne, l’enfant est définitivement débouté de sa demande de protection internationale. Un ordre de quitter le territoire à destination de la Grèce est émis, «bien qu’il n’y ait jamais mis les pieds, qu’il n’y dispose pas de titre de séjour et que ceux des autres membres de la famille aient expiré il y a plusieurs années», rapporte l’association.

Face à cette situation, une plainte a été déposée le 23 juillet dernier par la famille afin d’annuler leur transfert vers la Grèce, où tous, à l’exception du benjamin de la fratrie, bénéficient du statut de réfugié. Une plainte dont s’est saisi le comité international des droits de l’enfant, qui a alors demandé au gouvernement luxembourgeois de suspendre immédiatement le renvoi de cette famille, afin d’investiguer et de juger, si oui ou non, une violation des droits de l’enfant a bien eu lieu.

Une décision plutôt rare au Luxembourg. «C’est l’une des premières fois où le comité de l’ONU intervient. Ce n’est pas quelque chose qui est vraiment ancré dans les pratiques au Luxembourg. Mais c’était l’un des derniers recours de la famille», explique la directrice de Passerell.

Pas de décision avant 2025

Il s’agit là d’une mesure provisoire : le comité ne statue pas encore, mais exige que le gouvernement suspende leur expulsion le temps qu’une décision ne soit rendue. Ce-dernier a désormais six mois pour se prononcer et répondre au comité. «Deux choses vont se passer ces prochains mois : la première, c’est que le Luxembourg doit respecter la communication émise par le comité et suspendre le renvoi de cette famille ; la deuxième, c’est que le gouvernement a six mois pour répondre et donner son point de vue sur la situation », explique Marion Dubois.

De son côté, le comité est appelé à se prononcer sur le respect par les autorités luxembourgeoises des droits des six enfants. En effet, les conditions d’accueil des réfugiés en Grèce «sont extrêmement précaires et le fait d’y avoir obtenu le statut ne garantit pas le respect de leurs droits, notamment celui de l’intérêt supérieur de l’enfant», appuie Passerell.

L’association attend donc des autorités luxembourgeoises qu’elles «restent vigilantes dans l’attente de la décision finale du comité», courant 2025. La famille devrait, elle, rester au Luxembourg et patienter jusqu’à la fin des différentes procédures.

C’est quoi, le comité des droits de l’enfant ?

Le Comité des droits de l’enfant est composé de 18 experts indépendants chargés de surveiller la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant par ses États parties. Il surveille également l’application des protocoles facultatifs se rapportant à la Convention, qui portent sur l’implication d’enfants dans les conflits armés, ainsi que sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Ces 30 dernières années, la vie des enfants a été transformée par cette convention, qui est l’instrument relatif aux droits de l’homme le plus largement ratifié de l’Histoire. La Convention relative aux droits de l’enfant a incité les gouvernements à changer leurs lois et leurs politiques, pour que davantage d’enfants puissent accéder aux soins de santé et à la nutrition qui leur sont nécessaires.