Les députés ont débattu de la possibilité donnée aux réfugiés ukrainiens de travailler et que l’on refuse aux autres. Cette différence de traitement doit cesser, s’accordent-ils à dire. Avec quelques nuances.
Les gens jasent beaucoup à ce sujet. Le député chrétien-social Marc Spautz l’affirme. «Les gens comprennent mal cette différence de traitement entre les réfugiés ukrainiens et les autres, comme les Syriens ou les Afghans, qui n’ont pas les mêmes droits», observe le député à la tribune de la Chambre.
Ce statut spécial de protection temporaire, accordé aux réfugiés ukrainiens dès leur arrivée sur le territoire de l’Union, renvoie tous les autres demandeurs de protection internationale (DPI) dans une classe inférieure alors qu’ils fuient un pays en guerre, abandonnant tout derrière eux. Comme le souligne Nathalie Oberweis (déi Lénk), ils débarquent dans un pays étranger, d’une tout autre culture, dans un nouveau climat et avec de nouvelles saveurs dans leurs assiettes. Le choc est rude.
Le député Marc Spautz, en demandant cette heure d’actualité, a été très vague dans l’énoncé du problème. Le débat devait s’inscrire «dans le contexte général d’une augmentation significative du nombre de demandes de protection internationale introduites au Luxembourg depuis plusieurs mois», selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères et européennes du 12 novembre 2022 et, plus précisément, «dans le contexte des ressortissants ukrainiens ayant dû fuir leur pays suite à l’attaque russe».
Au final, il a recentré le sujet sur la possibilité donnée aux Ukrainiens de travailler, munis d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT), sans aucune autre forme de considération, alors que les autres réfugiés «doivent tuer le temps», guettant une issue favorable à leur demande de protection qui peut prendre de longs mois. Puis, ils attendent deux ou trois ans que leur procédure soit complètement épuisée.
«Il n’y a pas un jour qui passe sans que quelqu’un ne se plaigne du manque de main-d’œuvre qualifiée dans ce pays», observe Marc Spautz, alors que les réfugiés «ont tous envie de faire quelque chose». Le Luxembourg qui est «au cœur de l’Europe», devrait montrer qu’il a «aussi du cœur», plaide le député chrétien-social.
Il conçoit que la chose n’est pas si simple et qu’un employeur a du mal à accorder un CDI à un travailleur qui n’est pas certain de pouvoir rester au Luxembourg. Les initiatives doivent venir aussi de Bruxelles et il suggère à Georges Engel, ministre du Travail, de passer le message à Nicolas Schmit, un de ses prédécesseurs et actuel commissaire européen à l’Emploi.
Vers une simplification de l’AOT
La députée libérale Carole Hartmann rappelle que les DPI peuvent bénéficier d’une autorisation temporaire de travail s’ils n’ont pas obtenu de décision quant à leur demande de protection au bout de six mois. Il leur faut aussi une autorisation d’occupation temporaire qui peut être introduite par l’employeur. Et le tout est «exceptionnel».
«Que d’obstacles!», estime le député écolo Charles Margue qui a déjà eu l’occasion de plaider en faveur de l’ouverture du marché du travail à tous les réfugiés.
Au-delà des délais très longs infligés aux demandeurs, un autre problème inquiète le député socialiste Yves Cruchten. En ces temps de pénurie de main-d’œuvre, il serait temps que les commissions parlementaires regroupant l’immigration et le travail dans leurs compétences se penchent sur le cas des réfugiés bénéficiaires d’une AOT et qui désirent rester au Luxembourg. C’est valable pour les Ukrainiens, comme pour les autres.
Nathalie Oberweis déclare avoir honte de ce traitement à deux vitesses. Elle demande des nouvelles du projet de loi devant réformer l’AOT, «seule manière de permettre à un réfugié de travailler». Cette autorisation met aussi quelques mois avant d’être délivrée, de quoi décourager un patron.
De son côté, le député pirate Marc Goergen se préoccupe plus particulièrement des conditions d’hébergement des réfugiés et propose des structures plus petites avec un encadrement plus étoffé. Le député ADR Fernand Kartheiser souhaite que les emplois profitent d’abord aux Luxembourgeois.
La priorité du ministre du Travail comme d’autres ministres, selon Georges Engel, c’est d’apaiser les gens qui arrivent déboussolés dans un pays étranger avant de penser à leur ouvrir le marché de l’emploi. Néanmoins, il promet de déposer le mois prochain un texte qui simplifie l’AOT. Selon le ministre du Travail, la procédure serait déjà appliquée sur le terrain «vu le nombre croissant d’autorisations délivrées».
Deux poids, deux mesures. Un grand classique des temps modernes.