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L’Europe s’engage à protéger les lanceurs d’alerte


Parmi les lanceurs d'alerte qui se sont retrouvés sur le banc des accusés : Antoine Deltour, à l'origine des révélations de l'affaire LuxLeaks. (Photo AFP/Jean-Christophe Verhaegen)

Dénoncer un scandale sanitaire, financier ou environnemental sans crainte de représailles: l’Union européenne s’engage à protéger les lanceurs d’alerte qui pourront directement avertir l’opinion publique.

De LuxLeaks à Cambridge Analytica, en passant par les Panama Papers et le Dieselgate, toute une série de scandales ont été dévoilés par ces lanceurs d’alerte, soucieux de mettre au jour un délit ou une menace pour l’intérêt général.

Cela n’a pas toujours été sans conséquence pour eux, à l’instar d’Irène Frachon, médecin ayant révélé en 2007 le scandale du Mediator, qui a subi pressions et menaces ou d’Antoine Deltour, qui avait transmis avec son ex-collègue Raphaël Halet les documents à l’origine de l’affaire d’optimisation fiscale au Luxembourg, lui valant des poursuites en justice.

« Un changement de culture »

« Nous avons obtenu un champ d’application large », s’est réjouie l’eurodéputée française Virginie Rozière (Socialists and Democrats, gauche) lors d’une conférence de presse à Strasbourg. Pour la rapporteure du texte, il s’agit d’ « une avancée majeure pour notre démocratie ». L’accord, provisoire, a été trouvé dans la nuit de lundi à mardi après presque un an de négociations depuis que la Commission européenne avait présenté un projet de directive en avril 2018. Il doit encore être voté par le Parlement européen et le Conseil représentant les États membres.

Ces nouvelles règles doivent mettre en place des « canaux sûrs » pour que des individus puissent signaler, en interne ou publiquement, des infractions au sein d’une entreprise ou de l’administration, sans craindre des représailles. L’un des principaux points de blocage portait sur une hiérarchie des modes de signalement des informations litigieuses. Certains pays voulaient que la révélation d’informations se fasse d’abord en interne au sein de l’organisme critiqué – donc auprès de l’employeur la plupart du temps -, puis, si nécessaire, publiquement.

Mais, selon Virginie Rozière, il était important que le lanceur d’alerte ait « une liberté de choix du canal de signalement ». L’accord négocié prévoit que si le lanceur d’alerte décide de dévoiler publiquement ses informations dès le début « il pourra continuer à être protégé ».

L’ONG Transparency International a salué un « jour historique pour les lanceurs d’alerte ». « Cette directive devrait être le début d’un changement de culture sur la manière dont les employeurs de l’Union européenne voient et traitent les lanceurs d’alerte », considère l’ETUC, collectif européen d’organisations syndicales.

A l’abri des poursuites

Selon les chiffres communiqués par le Parlement européen, « les pertes liées au manque de protection des lanceurs d’alerte, rien que dans les marchés publics, pourraient se monter entre 5,8 et 9,6 milliards d’euros chaque année dans l’UE ». Actuellement, les lanceurs d’alerte sont très inégalement protégés. Seuls dix pays européens, dont la France l’Italie, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, offrent une protection juridique complète.

Ils vont devoir désormais partout dans l’UE être à l’abri des procédures judiciaires, mais aussi des rétrogradations, intimidations ou suspensions de leur contrat de travail. Les personnes qui aident les lanceurs d’alerte, que ce soit des collègues, des proches ou des journalistes, seront aussi protégés. Des amendes sont prévues en cas de « déclaration mensongère ou malveillante dans le but de porter atteinte à la réputation de quelqu’un ou de s’en servir à des fins commerciales », ont souligné les députés français du PPE (droite).

« Ces règles contribueront ainsi à la lutte contre la fraude, la corruption, l’évasion fiscale des entreprises et les atteintes à la santé publique et à l’environnement », a réagi Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne. Les nouvelles règles concernent pour l’instant notamment la fraude fiscale, le blanchiment de capitaux, les marchés publics, la sécurité des produits et du transport, la protection environnementale, celle des consommateurs, des données à caractère personnel et la santé publique.

LQ/AFP