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Leur combat face au cancer du sein : «C’est une deuxième vie qui commence»


Photo d'illustration

Au Luxembourg, le cancer du sein reste la principale cause de décès chez les femmes. Ingrid et Connie, deux patientes du CHL touchées par cette maladie, ont accepté de témoigner.

Elles ont 45 et 41 ans. Elles ne se connaissaient pas avant cette rencontre, organisée hier au CHL : un atelier «bulles», qui permet aux patientes atteintes de cancer et aux médecins de se rencontrer et d’échanger (voir ci-dessous). Mais Ingrid et Connie ont un point commun : elles ont dû, toutes les deux, faire face à un cancer du sein qui a bouleversé leurs vies.

L’une a subi une mastectomie, une ablation du sein droit, pour stopper la progression de son carcinome, très petit. L’autre réalise ce mercredi sa 16ᵉ et dernière chimiothérapie, huit mois après son diagnostic. Des parcours différents, pour une même finalité : éradiquer cette maladie qui représente encore aujourd’hui la principale cause de décès chez les femmes de 50 à 70 ans au Luxembourg.

«Je pensais tout attraper, sauf le cancer du sein», ironise Ingrid, aujourd’hui en rémission après une reconstruction mammaire par implant. Elle qui n’avait aucun antécédent familial, sentait depuis quelques mois que quelque chose «clochait» dans son corps. Un kyste assez «atypique» a fini de lever le doute. Un soulagement pour cette maman, qui a enfin su «contre qui se battre».

«Oui, je suis jeune, j’ai un cancer, faites attention»

Un apaisement partagé par Connie, au moment de son diagnostic le 3 février dernier. Elle qui se trouvait alors en vacances, a reçu un appel de sa gynécologue à quelques jours de son retour au Luxembourg. Comme Connie, elle «savait» que quelque chose n’allait pas dans son corps et a réclamé plusieurs examens. «Entre l’appel et le rendez-vous au cabinet, les nuits ont été terribles. Les pires jours de ma vie», confie-t-elle. Mais au moment du diagnostic, une respiration : «Je me suis dit : « Bon OK, tu dois faire de la chimio, mais vaut mieux ça plutôt qu’on te dise que plus rien n’est possible« 

Une positivité à toute épreuve que partagent les deux femmes et qui ne les a pas quittées durant leur parcours. «Il y a eu des moments très durs quand même. La perte de mes cheveux a été compliquée par exemple. Heureusement, il reste le maquillage !», souligne en riant Connie, qui précise qu’elle portait une perruque au début, qu’elle laisse désormais dans son sac, sauf pour récupérer ses enfants à l’école.

Une démarche volontaire, qu’elle veut porter en symbole, pour sensibiliser les jeunes femmes au dépistage préventif. «J’ai dit à toutes mes copines de le faire. C’est aussi pour ça que j’ai décidé de ne plus porter ma perruque ou me couvrir la tête : pour dire « Oui, je suis jeune, j’ai un cancer, faites attention« . J’avais à peine 37 ans au moment des premiers symptômes. C’est très important de demander à faire des examens bien avant l’âge requis initialement.»

Grâce à cette cicatrice, maman est guérie

Un partage très important pour ces patientes, qui ne demandent qu’à aller de l’avant. «C’était très dur pour moi, au moment de la reconstruction, de me projeter. Mais tout de suite après les opérations, j’ai repris lentement le yoga, la danse classique… C’est une manière de me dire que j’ai recouvert la santé, je suis de nouveau active. Contrairement à ce qu’on pense, quand on se retrouve avec des personnes qui ont vécu la même situation, on veut dédramatiser et vivre des choses positives», explique Ingrid, qui s’est engagée au sein de l’association Europa Donna, quelques mois après la découverte de son cancer.

Une façon pour elle d’aider d’autres femmes et de démarrer sa «deuxième vie» : «Ça ne sera jamais comme avant, mais grâce à la maladie, j’ai fait de très belles rencontres. On voit les choses avec beaucoup de recul… On veut faire moins d’heures supplémentaires au travail, passer davantage de temps avec sa famille. C’est toute une perspective de vie qui change», explique-t-elle, se rappelant la réaction de sa fille de 9 ans face à sa cicatrice post-opératoire : «Grâce à cette cicatrice, maman est guérie».

Une «vie d’après» que Connie souhaite aussi moins stressante. Maman de deux enfants, elle a pris conscience avec ce cancer qu’elle devait lever le pied. «Ma nouvelle vie, c’est d’abord de faire attention à mon poids : la nutrition, c’est très important. Et bouger aussi, faire davantage de sport. Il faut s’éloigner du stress : mon rêve, c’est d’obtenir un 80% à mon travail, pour avoir la possibilité de respirer», appuie-t-elle. Une belle manière de se reconstruire.

Des «bulles» de partage

Ingrid et Connie se sont rencontrées à l’occasion d’un atelier mis en place au CHL de Luxembourg et imaginé par Françoise Bisteur, «patiente-relais» qui souhaite offrir un espace de partage aux patientes touchées par un cancer du sein, comme elle. «Pour moi, c’était comme une mission. Je ne pouvais pas rester comme ça, à ne rien faire.»

Photo : DR

À l’annonce de son cancer, il y a tout juste un an, tout s’écroule pour Françoise. À tout juste 50 ans, cette entrepreneuse qui vit à mille à l’heure, doit se rendre à l’évidence : son kyste n’est pas bénin, elle a un cancer du sein, qui nécessite une opération.

Mais loin de s’apitoyer sur son sort, elle décide de faire de son diagnostic, sa force. «Je devais tirer quelque chose de positif de cette expérience, me fixer des objectifs.» De passage au Centre Pompidou de Metz, elle décide alors de lancer son concept de bulles de partage, et demande un partenariat avec le musée. Une audace qui paie. «Vous savez, quand on a un cancer, on ose faire des choses», glisse-t-elle en souriant.

La première bulle a ainsi lieu en juillet dernier, au sein de l’œuvre de Dan Peterman, à l’exposition «L’Art d’apprendre», avant une deuxième session un mois plus tard et deux autres dans la foulée, de part et d’autre de la frontière. Le concept est simple : réunir les acteurs liés au cancer du sein dans une même pièce et échanger, se donner des conseils, «récupérer une dose de positivité», imaginer comment se réinventer après la maladie.

Bientôt chez «Ma Langue Sourit»

«Le gros problème aujourd’hui, c’est le temps. Ces bulles permettent d’en donner, aux patientes, au corps médical. Prendre du temps pour soi, pour parler avec des associations, des médecins, rencontrer, échanger, se faire du bien», souligne Françoise, qui n’hésite pas à qualifier de «magique» le lien qui se crée entre ces femmes à l’occasion de ces rencontres. «On se comprend, on est liées.»

Une connexion qu’elle souhaite encore étendre davantage, en créant plus d’une centaine de bulles d’ici à l’année prochaine. La suivante est d’ailleurs plutôt atypique : elle aura lieu dans la verrière du restaurant étoilé «Ma Langue sourit», tenu par le chef étoilé Cyril Molard, à Contern. Une quinzaine de patientes seront présentes et une pâtisserie spécialement conçue pour Octobre rose sera présentée à l’occasion.

En attendant, Françoise se trouve aujourd’hui en rémission, après une mastectomie réalisée en décembre dernier. «Je souhaite que mon parcours puisse aider le plus de personnes possibles et transmettre ma positivité.» Mission accomplie.

Plus d’informations sur le site innobullus.com