Les vignerons ont pu puiser dans un vivier d’aspirants saisonniers lors d’une journée de recrutement qui a dépassé les espérances des organisateurs. Mais peut-être pas celles des candidats.
Pour effectuer les vendanges dans la Moselle luxembourgeoise, entre six cents et mille personnes sont requises pendant à peu près un mois. «Après la crise de la sidérurgie, des personnes au chômage ou en prépension participaient aux vendanges.
Dans les années 1990, des personnes issues des pays de l’ex-URSS ont pris le relais. Aujourd’hui, la situation économique y est meilleure et les saisonniers traditionnels n’ont plus besoin de prendre sur leurs congés pour venir faire les vendanges au Luxembourg, même si certains habitués y participent toujours», explique Serge Fischer, le directeur de l’Institut viti-vinicole (IVV). «Ceux qui venaient depuis les années 1990 ont vieilli et ne trouvent pas nécessairement de personnes pour les remplacer.»
Les vignerons manquent de bras. Un jobday était donc organisé hier pour en recruter. Les chômeurs peu ou pas qualifiés ont donc été invités par l’Adem à se rendre à Remich, ainsi que, et c’est une première, les demandeurs de protection internationale (DPI) et les personnes intéressées issues de la Grande Région. «Beaucoup d’entre eux ne demandent qu’à pouvoir travailler», poursuit Serge Fischer.
L’Adem fait office d’intermédiaire entre les DPI, les vignerons et la direction de l’Immigration pour faciliter les démarches d’embauche. Une dizaine d’entreprises locales participent à cette journée de recrutement. Le travail dans les vignes est rude et les candidats vignerons doivent être en bonne forme physique.
«Ils passent la journée sur les jambes à couper les grappes de raisin, à porter les hottes et à gravir les pentes des vignobles», résume le président de l’IVV. «Nous ne demandons pas de qualifications particulières.» Les participants sont formés sur le tas. En fonction des besoins des entreprises, certains de ces recrutements pourraient même déboucher sur de véritables emplois dans une entreprise vigneronne.
Les DPI impatients de travailler
Les organisateurs ont dû prévenir la police pour des raisons de sécurité alors que les candidats s’agglutinaient devant les portes de l’IVV et en une dense file indienne tout le long de la rue Nicolas-Kieffer. Les bus de ligne en provenance de la capitale déposaient des DPI aux origines diverses à quelques pas de là. Si bien que les organisateurs ont vite été dépassés par le succès inattendu de leur entreprise. Ils laissaient entrer les candidats par poignées de cinq ou six dans la salle où les attendaient des vignerons attablés.
«Recruter des ouvriers pour travailler dans les vignes est de plus en plus difficile. Je recherche quelqu’un de motivé et d’organisé qui puisse s’intégrer dans mon équipe et ait envie de travailler», indique Tom, qui cherche à engager deux personnes pour avoir «dix saisonniers en tout».
«L’Adem m’a déjà envoyé deux candidats.» Tom, comme la plupart des autres vignerons présents hier, recherche un profil particulier. «Je recherche des gens qui maîtrisent l’allemand pour que mes saisonniers polonais puissent communiquer avec eux sans problème.»
Mme Hoffmann, de Grevenmacher, cherche «trois ou quatre saisonniers» parlant «français, mais de préférence allemand et luxembourgeois». «Certains saisonniers qui travaillent chez nous depuis des années ne parlent pas anglais. Ils viennent de Pologne», s’excuse-t-elle presque. Idem du côté des Caves Leuck à Ehnen, qui souhaitent compléter leur équipe par des profils correspondant à leurs saisonniers habituels.
La maîtrise des langues nationales facilite également l’apprentissage des pratiques des vendanges, comme la coupe ou le tri des raisins pour le crémant. Une autre condition requise : avoir un permis de conduire.
«Venus pour rien»
Des critères qui laissent peu de chances aux DPI – pour la plupart d’origine africaine – pourtant motivés à en juger par leur empressement à entrer dans l’institut. «Je suis jeune et en pleine forme. J’ai envie de travailler plutôt que de traîner toute la journée. Travailler dans les vignes serait une première pour moi», confie Fathi, la cinquantaine, occupé à organiser les files d’impatients à l’extérieur.
«Je veux me rendre utile. Le Luxembourg est un nouveau pays pour moi. Je veux construire ma nouvelle vie ici, trouver un travail, rencontrer des gens, me faire des amis. C’est une bonne opportunité», témoigne Santa, une jeune Érythréenne de 23 ans dans un anglais parfait.
«Je suis des cours de français, mais en ce moment, c’est les vacances. Du coup, j’en profite pour développer de nouvelles compétences et oublier le stress d’être réfugiée. Nous avons tous une histoire sombre et ce n’est pas facile de recommencer une vie après ce que nous avons traversé.»
Après deux heures d’attente, les esprits ont commencé à s’échauffer malgré l’ombre des parapluies apportés par les candidats. Certaines des 200 personnes convoquées par l’Adem attendent que leurs convocations soient avisées pour repartir. «Faire les vendanges ne me convient pas du tout», confie une mère de famille au chômage.
«Je cherche un emploi à plein temps, pas pour trois semaines. Je suis venue pour rien. Pour un tampon sur un formulaire. C’est incroyable! Beaucoup de gens sont venus uniquement pour cela, pas pour une promesse d’emploi.» Un homme confirme au passage ses propos.
Les vignerons qui ont déjà participé aux éditions précédentes du jobday sont, quant à eux, plutôt satisfaits de l’expérience. Un jobday similaire pourrait être organisé à destination des maraîchers et des jardiniers. À suivre.
Merci beaucoup