Cette année encore, la Lorraine et le Luxembourg étaient dans les starting-blocks pour les soldes. Qui y gagne? Faut-il harmoniser les dates des soldes? Mais le départ ne fait pas tout, surtout quand d’autres concurrents, plus redoutables, changent les règles du jeu : le web et le Black Friday.
Rattrape-moi si tu peux!
Demandez à n’importe quel vendeur : le commerce, c’est la guerre. Et dans toute guerre, prendre l’initiative, c’est déjà gagner une bataille! La Lorraine, seule région de France à avancer ses soldes d’une semaine pour combler son retard avec le Luxembourg, en sait quelque chose.
Pascal Schons, le directeur de la Fédération des commerçants de Metz : « Cette année, on a convenu avec les commerçants et la préfecture de commencer les soldes le 2 janvier, juste après le nouvel an. Mais on a découvert que le Luxembourg avait anticipé de trois jours et était parti une fois encore en avance. Donc oui, c’est vrai qu’il y a un peu un jeu du chat et de la souris pour savoir qui va « tirer le plus vite » », sourit-il.
«Gagner des parts de marché»
Cette année, le Luxembourg a en effet tiré le premier, avec des soldes débutant le 29 décembre (l’an passé, c’était le 30).
Anne Darin-Jaulin, la directrice de l’Union commerciale de la ville de Luxembourg (UCVL), rappelle que cette date est « décidée au niveau national. C’est la Chambre de commerce qui fait une demande au ministère de l’Économie, en concertation avec des acteurs locaux comme l’UCVL. Cela fait seulement deux ans qu’on commence fin décembre, avant c’était début janvier. C’est le résultat d’un sondage qui a été fait au niveau national pour savoir quand on souhaitait commencer les soldes. »
À cause de la Lorraine? « Ce décalage joue évidemment, c’est toujours un argument pour gagner des parts de marché. Mais s’il y avait un gros décalage avec la Lorraine, de 15 jours, peut-être que ce serait décisif, mais là… »
Pour ou contre une harmonisation?
Du côté de Metz, Pascal Schons plaide évidemment pour réduire ce décalage : « Si la Lorraine avait commencé ses soldes en même temps que les autres régions françaises, je pense qu’on aurait perdu des clients, c’est clair. Je doute qu’on souhaite s’aligner sur les soldes nationaux, quand bien même ça laisserait aux commerçants un certain nombre de jours supplémentaires pour se préparer.»
Car les soldes le 2 janvier obligent souvent les commerçants à travailler le 31 décembre et le 1 er janvier pour être prêts le jour J. Pas top pour fêter le réveillon! « Certains se préparent même dès le 25, ils commencent à poser des stickers, à mettre le magasin en mode soldes… » Au risque de dérouter les clients.
Évidemment, l’harmonisation des soldes avec le Luxembourg n’est pas à l’ordre du jour… « Non, je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de discussions sur ce sujet. En tout cas, au niveau de notre fédération, on ne fait pas de rencontre avec les commerçants de Luxembourg », constate Pascal Schons.
Des soldes trop longs?
Si le Luxembourg commence les soldes en premier, il les finit aussi bien plus tôt, le 27 janvier, contre le 12 février pour la Lorraine (et le 20 février ailleurs en France). Un décalage en faveur de la Lorraine, cette fois-ci? Personne ne semble convaincu. «On sait que le gros du chiffre d’affaires se fait les premiers jours », affirme Pascal Schons. « On a une tradition au Luxembourg de soldes plus concentrés , renchérit Anne Darin-Jaulin. Aucun acteur n’a jamais eu la volonté d’avoir des soldes de six semaines comme en Lorraine, on trouve que c’est beaucoup trop étalé, cela dilue encore plus l’action, donc ce n’est pas propice aux soldes. »
Romain Van Dyck
Des soldes toute l’année!
Dur, dur d’être commerçant traditionnel au XXIe siècle. Quand c’est tous les jours la fête sur le web, les soldes du coin ne suffisent plus à combler la frénésie consumériste!
« Il est évident que l’effet solde s’est lissé en France, depuis l’instauration de soldes flottants toute l’année, mais aussi avec les ventes privées, le web, la carte « Machin » qui permet une opération spéciale au milieu du mois de novembre… Donc je ne dis pas qu’il y a des soldes toute l’année, mais presque », constate Pascal Schons, à Metz.
Sans oublier la nouvelle tendance venue des États-Unis : « Le Black Friday, cette année, était très fort. Certaines grandes enseignes, comme les Galeries Lafayette, ont mis le paquet. »
Même avis au Luxembourg : « Le Black Friday a eu beaucoup de succès cette année », se réjouit Anne Darin-Jaulin. Nous on le promeut depuis trois ans au Luxembourg, et cette année on a senti un engouement particulier, tant au niveau du nombre de commerçants participants que des secteurs. Vous avez sûrement dû recevoir vous-même des promotions pour des secteurs plus larges que l’alimentaire ou le commerce de détail, comme celui des services par exemple. »
D’autant que cette année « le Black Friday commençait le week-end où commençaient les marchés de Noël, avec les premières ouvertures dominicales. Donc les gens pouvaient en profiter pour faire leurs premiers cadeaux de Noël. On voit que c’est un phénomène tendance, à la différence des soldes qui sont plus sur la pente descendante, et où on sent moins d’engouement. Car les soldes existent depuis très longtemps, et probablement aussi parce qu’on trouve maintenant des promotions toute l’année sur internet. Donc ce phénomène va contribuer plutôt aux actions très concentrées, comme le Black Friday. »