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Les seniors tendent à travailler plus longtemps


Le rapport du Statec révèle que le taux d’activité professionnelle des 55 à 64 ans a fait un net bond (+57 %) entre 2004 et 2023. (Photo : alain rischard)

Rapprocher l’âge de départ réel de l’âge de départ légal est une des pistes de la réforme des pensions. Selon le Statec, les 55 à 59 ans et les 60 à 64 ans sont disposés à prolonger leur vie active.

L’édition 2025 du rapport «Travail et cohésion sociale», publiée hier matin par le Statec, regorge une nouvelle fois de chiffres qui doivent, selon le directeur Tom Haas, «aider les acteurs sociaux, les citoyens et les responsables politiques à mieux comprendre la société luxembourgeoise d’aujourd’hui et de demain, et à préparer l’avenir du pays». Un des constats majeurs est que les inégalités persistent (lire ci-dessous). En plein débat sur la réforme des pensions, le Statec a posé le choix de se consacrer plus particulièrement aux enjeux liés au vieillissement de la population.

En 2024, la part des personnes âgées de 65 ans et plus s’élève à 15 % au Luxembourg, contre 21,6 % dans l’Union européenne. «Cette évolution s’explique par deux phénomènes : la baisse de la mortalité, qui augmente l’espérance de vie, et la diminution de la fécondité, qui réduit le nombre de jeunes et élève l’âge moyen. Toutefois, les migrations jouent un rôle modérateur, en apportant une population jeune et active qui freine le vieillissement démographique», note le Statec.

Carrières allongées, retraites anticipées

Un des chiffres qui pèsent dans l’équation à résoudre pour garantir un financement durable du système des pensions est l’augmentation continue de l’espérance de vie, atteignant 85,3 ans pour les femmes (74,5 % en 1973) et 81,2 ans pour les hommes (67,3 % en 1973).

Le rapport révèle un certain paradoxe : alors que la vie professionnelle des plus de 55 ans s’allonge, les départs à la retraite anticipés sont toujours nombreux. L’âge moyen pour «partir» est de 60,4 ans au Luxembourg, plus tôt que la moyenne européenne (61,3 ans). En France, la moyenne se situe à 60 ans, tandis que les Allemands partent à 62 ans et les Belges, tout comme les Portugais, à 63 ans. En tête arrivent l’Islande, le Danemark (66 ans chacun) et les Pays-Bas (65 ans).

L’intention du gouvernement est de rapprocher l’âge de départ réel de l’âge de départ légal, qui reste fixé à 65 ans. L’augmentation progressive de la durée de cotisations (8 mois au total pour partir à 60 ans) est accompagnée de deux autres outils : l’introduction d’une retraite progressive et la création d’incitatifs fiscaux pour prolonger volontairement sa carrière.

Les chiffres dévoilés hier par le Statec indiquent que la volonté des plus de 55 ans – ou seniors – de travailler plus longtemps est présente. Le taux d’activité des 55 à 64 ans a fait un net bond (une hausse relative de 57 %) entre 2004 et 2023, en passant de 31 % à 48 %. Le taux est de 76 % en Allemagne, 60 % en Belgique, 62 % en France et 67 % à l’échelle de l’UE.

«Cette tendance vers un vieillissement plus actif devrait se maintenir à long terme, augmentant la part des personnes plus âgées dans l’emploi national», avance le Statec. Une projection mise sur un taux d’activité des 55-59 ans qui passerait de 65 % en 2024 à 70 % en 2070. Il est prévu que le taux des 60-64 ans passe de 26 % à 33 %.

Plus de femmes, plus de diplômés

«Cette évolution s’explique par la participation croissante des femmes au marché du travail, une meilleure santé des seniors et des incitations économiques à prolonger la vie professionnelle. Elle résulte aussi d’une entrée plus tardive sur le marché du travail, liée à l’allongement des études, et de parcours professionnels moins linéaires et plus flexibles», développe le rapport. Les personnes les mieux formées ont d’ailleurs tendance à travailler plus longtemps et à être plus souvent actives en moyenne : 69 % en 2004 pour les détenteurs d’un diplôme supérieur, contre 40 % avec un niveau d’études moyen et 35 % avec une formation inférieure.

Plus globalement, la durée de la vie professionnelle est passée de 30 à 35 ans.

Le plus grand défi sera de mobiliser les plus de 65 ans. Ils sont à peine 5 % à toujours travailler en cette année 2024, un taux qui ne devrait guère évoluer d’ici 2070. La part des retraités encore aptes et motivés à rester actifs est également faible dans nos pays voisins : 3 % en Belgique, 4 % en France, 9 % en Allemagne et 9 % dans l’UE.

La précarité guette aussi les retraités

Faut-il accorder une aide ciblée aux retraités qui risquent de glisser dans la précarité, comme l’envisage le gouvernement? Ou faut-il procéder à une augmentation de la pension minimale, une revendication des syndicats, que partagent notamment le LSAP et déi Lénk. Mardi, la Fondation Idea a proposé de combiner les deux mesures.

Les chiffres du Statec confirment le besoin d’agir. À la base, le niveau de vie des retraités – en moyenne de 4 700 euros par mois – est supérieur à celui des actifs (4 130 euros). Toutefois, pour une personne senior vivant seule, la pension minimale (2 350 euros brut après 40 années de cotisations) ne suffit pas à couvrir ses besoins essentiels. Son budget de référence est de 2 580 euros, contre 4 700 euros pour un couple de retraités. Un montant supérieur au budget de 3 700 euros permettant de vivre décemment. «Or ce scénario est (…) peu probable en réalité, puisque la génération actuelle de femmes seniors n’a généralement pas travaillé et cotisé à temps plein pendant 40 ans», fait remarquer le Statec.

Un quart des pensionnés (22 %) touche aujourd’hui une pension nette inférieure à la pension minimum (2 060 euros), et cela concerne 38 % des femmes et 13 % des hommes.

Un riche pays qui compte 131 000 personnes pauvres

En 2024, 18,1 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, qui se situe à 2 540 euros brut par mois. Les enfants (24,1 %), les familles monoparentales (31,8 %), les résidents portugais (41,4 %) ou non européens (29 %) ainsi que les personnes peu diplômées (29 %) sont les plus exposés. Plus d’une personne sur dix (12,2 %) est restée pauvre entre 2023 et 2024, illustrant une pauvreté persistante. Un taux qui augmente à 26,9 % après déduction des dépenses fixes (loyer, mensualités, abonnements, etc.).

En parallèle, le risque de pauvreté monétaire et l’exclusion sociale guettent 20 % de la population, soit 131 000 personnes. La privation matérielle et sociale touche ainsi 2,3 % de la population, soit 12 000 personnes. L’absence de deux revenus ou plus par ménage fait que 20 000 personnes sont menacées de glisser dans la précarité.

Le revenu mensuel disponible moyen des ménages a atteint près de 7 700 euros en 2024. Le niveau de vie moyen, par personne, s’est établi à 4 900 euros.

Les inégalités demeurent importantes : les 20 % les plus riches disposent d’un revenu 4,7 fois supérieur à celui des 20 % les plus pauvres. Ce rapport grimpe à 10,9 entre les 5 % les plus riches et les 5 % les plus pauvres.