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Les secrets du décret fondateur de la Schueberfouer


Il suffit d’ouvrir un tiroir au musée de la Ville pour découvrir le texte fondateur de la Schueberfouer. (Photo : archives de la ville de luxembourg, LU I 30_281/alain rischard)

Saviez-vous que le décret fondateur de la Schueberfouer se trouve exposé au Lëtzebuerg City Museum ? Antoine Lazzari, conservateur des lieux, nous livre tous ses secrets.

Depuis une trentaine d’années, le Lëtzebuerg City Museum abrite un texte assez méconnu du grand public, alors même qu’il concerne l’un des évènements les plus attendus chaque année par des milliers de Luxembourgeois : le décret fondateur de la Schueberfouer. Un parchemin d’antan, à la longévité remarquable puisqu’il date du 20 octobre 1340. Pas besoin ici de tour de passe-passe pour le trouver, il vous suffit… d’ouvrir un simple tiroir. Antoine Lazzari, conservateur au musée d’histoire de la Ville, est particulièrement fier de nous montrer cette petite pépite, qui marque la naissance de la Schueberfouer luxembourgeoise : «C’est un texte qui a une forte valeur historique, symbolique, mais aussi sentimentale, pour nous, Luxembourgeois.  C’est l’évènement de l’année!», s’enthousiasme-t-il.

Sur ce parchemin, protégé par une vitre, se trouve une vingtaine de lignes, écrites à la main en moyen français, langue de l’époque, qui dressent les contours de la toute première Fouer. Les manèges à sensations n’ont pas encore pris possession des lieux : il s’agit davantage à l’époque d’un marché, avec du bétail, des marchandises, des tisserands, etc. «Les premiers Jeux n’apparaîtront qu’au XVIIIe siècle, un peu avant la Révolution française», précise Antoine Lazzari.

Jean l’Aveugle souhaite avant tout assouvir son pouvoir sur la région, montrer qu’il peut faire mieux que son père, l’empereur Henri VII, qui avait déjà essayé de créer une foire avant lui. Sans succès. Dès les premières lignes du texte, on comprend que le roi de Bohème veut apporter des «profits et avancements» à son pays, et plus particulièrement à la Ville de Luxembourg. «C’est d’ailleurs la première fois qu’elle est mentionnée comme étant la capitale du comté», souligne le conservateur. C’est simple : une ville importante a besoin de sa propre foire et Jean l’Aveugle l’a très bien compris.

Un texte précurseur

S’il définit les principales caractéristiques, encore suivies aujourd’hui, de la Schueberfouer, ce décret fondateur possède aussi une caractéristique un peu… insolite, qui a beaucoup fait sourire le conservateur du Lëtzebuerg City Museum : «Il est entièrement écrit en écriture inclusive», glisse-t-il ainsi en riant. «Tout le long du texte, Jean l’Aveugle stipule bien « les marchands et les marchandes », une mention qui est visiblement importante.»

Aucune taxe, ni impôts

Le texte stipule donc que celle-ci doit avoir lieu tous les ans à la même date, à la Saint-Barthélemy plus précisément, juste après la foire de Metz et avant celle de Trèves. «C’était très intelligent de choisir cette date-là, cela évitait des conflits avec les autres foires de la Grande Région et tombait pile à la fin de moissons», explique Antoine Lazzari. À l’époque, les foires de Champagne sont en déclin et Jean l’Aveugle y voit une opportunité. Le Luxembourgeois ajoute même la mention «pour toujours», marquant au fer le retour annuel de la Schueb, et engageant surtout sa descendance à respecter cette tradition. Avec succès, cette fois-ci.

Antoine Lazzari, historien de formation, livre les secrets de ce parchemin vieux de 684 ans. Photo : alain rischard

Pour appuyer cette réussite, le texte exempte les marchands de taxes et d’impôts, «sans que le comte, ses successeurs, ses gens ou ses officiers puissent les empêcher de vaquer à leurs affaires». Une façon inédite d’attirer à Luxembourg et de privilégier la profession de marchand. Jean l’Aveugle s’assure également qu’ils soient protégés durant leur séjour en terres luxembourgeoises, que ce soit durant les huit jours que durent la Fouer, mais aussi «pendant les huit jours qui la précèdent et qui la suivent». Une sorte d’assurance en somme. «Surtout, les dommages étaient entièrement remboursés par le comté», appuie Antoine Lazzari. «On voit bien qu’il s’agit ici d’une affaire d’image plus que d’un gain financier.»

Un sceau officiel

La note dorsale présente sur ce document officiel, vieux de 684 ans rappelons-le, nous permet aussi d’en savoir un peu plus sur l’origine du nom de la foire : «Cvt (création) de la foire de Schadebourg». Il s’agit en fait du nom du monastère situé sur la place du Saint-Esprit à l’époque. «La foire avait lieu ici, au Saint-Esprit, juste devant les remparts, en dehors de la Ville. Elle a ensuite bougé au Limpertsberg en 1610, qui n’était alors qu’une vaste forêt, avant de trouver sa place définitive sur le Glacis en 1892», rappelle le conservateur de la Ville. Le nom a quelque peu évolué au fil des siècles, mais les racines demeurent les mêmes.

Si ce texte n’a aujourd’hui plus aucune valeur juridique, il reste toutefois l’un des joyaux de la collection du musée retraçant l’histoire du Luxembourg. Marqué du sceau équestre de Jean l’Aveugle, à la cire verte, il démontre l’importance de la Schueberfouer dans les traditions du pays, qui perdure encore aujourd’hui. «Ce sceau était utilisé pour les documents secrets, solennels de l’époque», remarque Antoine Lazzari, «C’est tout un symbole.»

Un autre Jean

Si ce texte est bien marqué du sceau de Jean l’Aveugle, ce n’est pourtant pas lui qui l’a écrit. «C’est lui qui a donné les grandes lignes, évidemment, c’était son idée, mais le décret a été écrit par un notaire italien, du nom de Jean de Pistoria», explique Antoine Lazzari. La signature présente en bas du parchemin n’est donc pas celle du héros luxembourgeois, mais d’un associé.

Un commentaire

  1. Tres instruction