Après une année 2022 exceptionnelle, les 585 producteurs laitiers du Luxembourg craignent désormais le pire tandis que la surproduction en Europe tire les prix vers le bas.
Face à la chute du prix de vente du lait ces trois derniers mois et aux prévisions tout aussi défavorables pour cette année, les producteurs laitiers – un gros tiers des agriculteurs luxembourgeois – réclament une réaction rapide : selon le Luxembourg Dairy Board (LDB), qui défend leurs intérêts, ce n’est rien de moins qu’une nouvelle crise du lait qui se profile.
L’embellie de 2022 aura donc été de courte durée : «Avec la sécheresse estivale et la guerre en Ukraine, la production de lait avait baissé l’an dernier, ouvrant un boulevard à la spéculation. Le prix de vente s’est envolé et a permis, pour la première fois depuis très longtemps, de compenser les coûts de production», résume Roeder Mett, vice-président du LDB.
Les exploitations ont ainsi engrangé un peu d’argent, même si ce bénéfice a été sérieusement limité par l’explosion des charges : les prix de l’alimentation pour le bétail ont bondi de 32 % entre 2020 et 2022, les engrais, semis et produits phytosanitaires pour le fourrage, de 47 %, et la facture énergétique, de 81 %.
Ce contexte économique tendu, conjugué à une surproduction de l’ordre de 2 à 3 % actuellement en Europe, permet aux industriels de faire pression sur les laiteries pour obtenir un prix toujours plus bas : «Le lait est un produit périssable. Quand le stock déborde, il est facile pour les clients d’aller voir ailleurs», note Roeder Mett, qui ajoute que la demande est en baisse ces dernières années, avec des consommateurs qui se détournent des produits laitiers et des industriels qui préfèrent désormais utiliser d’autres matières grasses.
Le levier de la régulation de la production
Résultat : après le pic de l’an dernier, le prix du lait payé aux producteurs se replie (-11 % entre décembre et mars), avec des perspectives inquiétantes. «Le risque est que les exploitations familiales de 120 à 180 vaches jettent l’éponge. La crise du lait de 2009 est encore dans toutes les têtes. Beaucoup n’avaient pas eu d’autre choix que de tout arrêter», rappelle le vice-président, précisant qu’en 1990, le Luxembourg comptait encore 1 500 producteurs laitiers, contre 585 aujourd’hui.
Pour contrer ce phénomène qui met toute la filière en péril, le LDB veut réactiver le mécanisme utilisé en 2018 pour réguler le marché : il s’agit d’inciter les agriculteurs volontaires à lever le pied sur la production, avec une compensation financière à la clé. Mis en place durant trois mois à l’époque, ce système avait directement fait remonter les prix.
L’attractivité du métier et l’avenir du secteur en jeu
En contact régulier avec le ministère de l’Agriculture, le LDB assure que le Luxembourg pourrait soutenir une telle solution si Bruxelles la mettait sur la table. Encore faudrait-il que les 26 autres États membres y voient leur intérêt.
Au-delà de la survie à court terme des exploitations, ce sont aussi l’attractivité du métier et l’avenir du secteur qui se jouent, alors que de moins en moins de jeunes Luxembourgeois se voient reprendre un jour la ferme familiale : «Pourquoi se lancer avec de telles difficultés et des crédits au-dessus de la tête, quand la fonction publique vous tend les bras?», pointe Roeder Mett.
La loi agraire va dans le bon sens
C’est ce qu’estime le Luxembourg Dairy Board, après le sommet agricole de Senningen en janvier. Une série de dispositions ont été revues et corrigées par rapport à la première mouture du projet de loi, dont la définition de «l’agriculteur actif» : «Seuls les agriculteurs professionnels qui exercent le métier à plein temps doivent pouvoir bénéficier des aides de la PAC», tranche le vice-président. Idem pour les pensionnés, le LDB est d’avis qu’ils ne doivent plus profiter de primes. Quant à l’extension des cheptels, le LDB plaide pour des autorisations au cas par cas, si une exploitation est gérée par plusieurs familles par exemple.