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Les PME aussi font de l’optimisation fiscale


Le recours à l'optimisation fiscale n'est plus l'apanage des multinationales. Des intermédiaires démarchent aussi les PME. (Photo: AFP)

Il y a les géants du net et les grands groupes industriels mais aussi les PME, voire les indépendants: l’optimisation fiscale tend à se développer au-delà du seul cercle des multinationales, favorisée par l’essor des cabinets spécialisés.

Patrons de sociétés d’import-export, propriétaires de start-up, professions libérales: les scandales récents, notamment celui des « Paradise Papers », ont mis en lumière l’étendue des mécanismes utilisés pour échapper à l’impôt et la variété des entreprises concernées. « Quand on parle d’évasion fiscale, on pense aux multinationales. Mais le problème touche aussi les entreprises de taille plus modeste », souligne Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam France, qui rappelle que plusieurs patrons de PME ont été épinglés ces dernières années.

« Ce sont des pratiques qui tendent à se généraliser », abonde Christian Chavagneux, éditorialiste à Alternatives économiques et auteur du livre Les Paradis fiscaux (Ed. La Découverte). « Il y a une forme de démocratisation de l’optimisation fiscale », ajoute le journaliste, citant le scandale des Luxleaks, en 2014, où la majorité des sociétés mises en cause étaient « des entreprises de taille intermédiaire ».

Pas simple, toutefois, d’évaluer avec précision l’ampleur du phénomène, s’agissant d’un domaine opaque par définition. « Il y a sans doute quelques PME concernées, mais c’est loin d’être une pratique courante », estime le secrétaire général de la CPME, Jean-Eudes du Mesnil du Buisson. « Les PME n’ont rien à envier aux multinationales », assure à l’inverse Paul Duvaux, avocat fiscaliste à Paris, qui dit constater un « recours fréquent » à des montages fiscaux chez les petits patrons. « Ce sont des pratiques légales: ils ne font qu’utiliser les outils à leur disposition », insiste-t-il.

Offre pléthorique

Phénomène marginal ou généralisé? Pour Manon Aubry, la vérité se situe sans doute entre les deux. « Les enjeux en termes financiers sont beaucoup plus importants chez les multinationales. Mais le coût d’accès à ces dispositifs est suffisamment bas pour que les PME s’y intéressent aussi », juge la porte-parole d’Oxfam, qui met en cause les cabinets spécialisés.

Sur internet, de multiples sociétés proposent en effet leurs services aux chefs d’entreprise, à l’image de bethelfinance.com, qui propose sur son site un large choix d’optimisation fiscale: « filiale au luxembourg », « siège européen irlandais » ou « création de sociétés offshore ». « Toutes ces techniques sont utilisées par les grands groupes et sont donc parfaitement légales. Notre but est de les offrir aux PME », justifie le cabinet, qui promet à ses clients « confidentialité » et « sécurité ».

Cette offre de service, parfois, va jusqu’au démarchage proactif. « Quand j’ai créé ma société, la première lettre que j’ai reçue était un courrier me proposant d’ouvrir un compte offshore pour facturer mes prestations à l’étranger », raconte, sous le couvert de l’anonymat, un informaticien parisien. Selon ce quadragénaire, qui explique s’être vu proposer ensuite par son expert-comptable de travailler en portage salarial avec une société de services en ingénierie informatique (SSII) basée en Irlande, « c’est une pratique courante »: « Dans le lot, certains acceptent, bien entendu. »

Paradis pour tous

Tous les secteurs, cependant, ne sont pas logés à la même enseigne. « Le recours à des paradis fiscaux concerne surtout les professions qui peuvent se faire à distance et qui ne nécessitent pas un lieu de travail physique, comme les activités de conseil et la vente par correspondance », explique Paul Duvaux. « C’est plus facile de faire de l’évasion fiscale quand on travaille sur internet que quand on est un PMU par exemple », concède Manon Aubry, qui s’inquiète des conséquences de la dématérialisation de l’économie. Oxfam réclame « plus de transparence et plus de régulation, notamment dans le contrôle des intermédiaires ».

Signe d’un début de changement? En juillet, le responsable d’un cabinet spécialisé, « France offshore », a été condamné à cinq ans de prison dont trois avec sursis. Dans les médias, cette société, qui a fonctionné entre 2008 et 2012, faisait miroiter le « paradis fiscal pour tous », avec des montages de défiscalisation passant par la Lettonie.

« Il y a encore des progrès à faire, mais les choses avancent », insiste Christian Chavagneux, qui juge important de ne pas prendre pour argent comptant les arguments avancés par les partisans de l’optimisation fiscale. « Leur défense, c’est de dire c’est légal. Mais souvent, cette légalité n’a pas été testée devant les tribunaux. Elle est donc toute relative ».

Le Quotidien/AFP