Trois ans après leur introduction, la Chambre des députés a dressé un bilan des pétitions publiques. Depuis 2014, 442 demandes de pétition en ligne ont été introduites, 11 par mois en moyenne.
Probablement l’une des caractéristiques les plus manifestes du processus parlementaire et démocratique est sa propension à l’ennui. Le débat parlementaire ne réserve en effet que peu d’occasions qui se prêteraient à exaltation. Et c’est même à cette retenu, en quelque sorte, que nous devons notre liberté. Mais aussi réconfortant que puisse sembler à notre époque confuse l’existence d’un lieu où le dialogue obéit à des règles strictes, garantissant à chaque représentant du peuple un droit de parole, ce lieu se doit d’être repensé à intervalles réguliers afin de ne pas perdre de vue l’attention qu’il suscite ou non à l’extérieur.
Dynamiques à évaluer
À cet égard, les pétitions, et plus spécialement les pétitions publiques en ligne, sont certainement un outil efficace pour dynamiser la vie parlementaire, et permettre aux parlementaires «de rebondir sur des sujets de discussion qui autrement ne seraient pas entendus dans le milieu politique», comme l’a expliqué hier le président de la Chambre des députés, Mars Di Bartolomeo, lors d’une présentation des suites et répercussions de ces initiatives populaires.
Il y a par ailleurs une réelle demande de participation directe, qui n’est pas seulement l’expression d’une crise de la représentation traditionnelle, mais témoigne aussi de la volonté de faire avancer certains dossiers politiques ou de faire entendre sa voix comme nous le faisons naturellement sur les réseaux sociaux.
«Les citoyens ne sont pas dupes, donne à penser Marco Schank, le président de la commission parlementaire des Pétitions, bien souvent, il leur suffit de porter à la connaissance de tous ce qui les préoccupe.» Raphaël Kies, un politologue de l’université du Luxembourg, a étudié le phénomène de près. Grâce au filtre «intérêt général», le nombre de pétitions «tartes à la crème» aurait nettement baissé. Pour le chercheur, les pétitions sont avant tout un «sismographe de l’opinion publique» qui renseigne sur ce qui l’occupe en profondeur, et par ailleurs un «instrument très égalitaire» qui permet à tout un chacun de «créer une dynamique».
Aux yeux de Raphaël Kies, les pétitions ne risquent dont pas de contribuer à l’effritement de l’opinion publique, bien au contraire. Elles permettent de mettre en avant des sujets aussi préoccupants que la maladie de Lyme, par exemple, afin de créer le débat qu’ils méritent et qu’ils n’auraient peut-être pas suscité autrement.
On aimerait toutefois disposer d’informations plus précises sur l’impact du phénomène des pétitions. Sur les dynamiques créées et leur rapport au travail parlementaire régulier. La ferveur qui a habité par exemple la pétition en faveur de l’introduction du luxembourgeois comme première langue administrative a dominé l’actualité durant certains jours, reléguant à l’arrière-plan des sujets certainement plus pertinents. Sans oublier que cette pétition a joui d’un soutien significatif des milieux nationalistes. Faut-il s’armer contre la récupération, contre le fait qu’une pétition devienne le vecteur d’une idéologie? Ou faut-il laisser faire le jeu démocratique? Qui formule des pétitions, quels milieux sociaux? En quel sens les pétitions contribuent à une spectacularisation de la politique? Autant de questions qui mériteraient d’être posées.
Frédéric Braun