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Les oiseaux libres de Feu! Chatterton se posent à l’Atelier


Feu! Chatterton parvient à accorder avec brio la langue de Molière et les rythmiques élégantes du rock anglo-saxon. (©Sacha Teboul)

Après un premier album au joli succès et une tournée à rallonge, revoilà le groupe Feu! Chatterton, toujours aussi inclassable et poétique, avec « L’Oiseleur », sa nouvelle production. Entretien avant son concert à l’Atelier, samedi soir.

Depuis 2014, Feu! Chatterton parvient à accorder avec brio la langue de Molière et les rythmiques élégantes du rock anglo-saxon. Il confirme avec cet Oiseleur, un 13 titres ciselé célébrant «les petits riens de la vie». Juste avant de reprendre la route d’une tournée, avec un second concert qui passe par le Luxembourg, le flamboyant chanteur Arthur Teboul s’est confié sur cette seconde production, mûrie sur les terres italienne et ibérique. En suspension.

Le Quotidien a rencontré Feu! Chatterton fin 2014 à Metz. Tant de chemin parcouru pour votre groupe en trois ans, non ?

Arthur Teboul : Ça passe vite ! En même temps, ces derniers temps, on a beaucoup bossé. On est même partis sur les routes quasiment deux ans sans s’arrêter. On a, d’une certaine façon, appris le métier : tous les jours, il fallait s’entraîner, puis se présenter au public. C’est une bonne école !

Aviez-vous besoin de concret ?

Être musicien, c’est de l’artisanat, et non un truc abstrait qui passe par la communication et les réseaux. Découvrir ce que cela exige, les joies, les contraintes, c’était motivant ! D’ailleurs, dès notre dernier concert, en décembre, on s’est vite remis au travail, ne serait-ce que pour concrétiser tout ce que l’on avait appris jusque-là. C’est comme ça : on est à la recherche de notre propre vérité.

Quelle est votre fierté : avoir décroché un disque d’or pour Ici le jour (a tout enseveli), avoir été nommé pour les Victoires de la musique ou être parti à la rencontre de votre public ?

Une prix, ça rassure et, soyons honnêtes, ça aide à vivre ! Et recevoir une forme de reconnaissance du milieu, ça permet de prendre la température : on sait que l’émotion engendrée par une chanson est partagée, transmise, préservée… Après, bien sûr, la véritable récompense, c’est la scène : là, on vit l’instant présent, avec un groupe, avec un public. C’est fugace, momentané, mais authentique.

Mais jouer plus de 200 fois, n’est-ce pas un peu usant ?

Non, car à chaque fois, on est surpris. Que l’on soit en France, en Belgique, au Luxembourg ou au Canada, en somme, loin de chez nous, on regarde toujours dans la salle en se disant : « Waouh, y a du monde ! ». Et en plus, les gens connaissent les textes… Pourvu que ça dure !

Le titre de votre nouvel album, L’Oiseleur, interpelle. Comment pourriez-vous le définir et y a-t-il un fil rouge ?

L’oiseleur, c’est celui qui capture les oiseaux avec des filets, sans mauvaise intention d’ailleurs, ne serait-ce que pour les nourrir, les soigner… Ce n’est pas fait exprès, mais on a remarqué, après coup, que de nombreuses chansons parlaient d’oiseaux. Du coup, on s’est demandé pourquoi cette obsession (il rit). Au final, on a pris ça comme le symbole d’instants fugaces, ces petits riens qui traversent la vie… L’idée derrière ce titre est donc d’inviter à capturer les moments légers et heureux, de les garder en soi, dans notre cage, thoracique celle-là.

On peut dire que le hasard fait bien les choses…

(Il sourit) Oui, ce qu’on fait, c’est un peu comme dans un jeu de cartes divinatoire : c’est seulement une fois qu’on voit sa main que l’on peut interpréter. On n’a jamais fait les choses de manière très construite, et c’est le plaisir qui nous guide. Rien n’est conceptualisé à l’avance. On fait de la musique, et si ça nous plaît, pour diverses raisons, on garde. Tout cela est très accidentel.

Une fois encore, Feu! Chatterton s’illustre par la qualité de ses textes, aux élans poétiques. Outre Apollinaire, toujours sous-jacent chez vous, vous convoquez aussi Éluard et Aragon.

Ça a été un enjeu important d’aller notamment vers l’épure, le symbolisme en termes d’écriture. J’ai essayé d’être plus évocateur, et dans ce sens, les poètes m’ont épaulé. Ce sont mes compagnons de route, qui me donnent courage et espoir. C’est en les lisant que j’ai retrouvé, une fois de plus, une joie enfantine, très simple. Ces lectures créent de la lumière en moi. Les mettre en chansons, c’est une manière de les partager…

Et de défendre l’îlot poétique.

C’est étrange, mais à chaque fois que les gens me parlent de poésie, c’est comme s’ils invoquaient une rareté, quelque chose de singulier… Selon moi, un poème n’est pas plus sacré que le journal du matin. Il n’a rien d’inaccessible, sinon on n’y toucherait pas ! Oui, la poésie est partout et un poème peut s’apparenter à une belle chose du quotidien, comme manger un beau gâteau ou regarder un beau film. C’est un plaisir simple, à portée de main.

Musicalement, aussi, vous affirmez une identité décomplexée, qui se joue de tous les styles (rap, electro, disco, new wave…). En somme, vous ne vous refusez rien !

Oui. D’abord parce que notre démarche est honnête : jamais on ne portera un costume qui n’est pas le nôtre. Ensuite parce que la voix, identifiable, et qui sert de fil conducteur dans notre groupe, permet à la musique, derrière, d’être plus libre. Pas besoin, alors, de s’attacher à un style pour être cohérent. On peut alors s’amuser sans retenue !

Justement, un tel album, bigarré, est-il plus difficile à traduire sur scène, selon vous ?

On a pas mal bossé pour le live. Finalement, c’est assez naturel comme procédé, même s’il faut réussir, en effet, à traduire de façon plus directe certaines textures sonores. On va également jouer quelques morceaux du premier album, histoire d’avoir une palette encore plus riche. Il ne faut pas modérer les émotions…

Entretien avec Grégory Cimatti