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Les jardins participatifs à Esch-sur-Alzette, lieux de cultures


Bientôt le printemps et la plantation des légumes. (photo archives Editpress/Julien Garroy)

Dans les jardins communautaires de la Métropole du fer, l’on ne vise pas l’autosuffisance alimentaire mais des relations nourrissantes.

Il y a une douzaine d’années sortait de terre le jardin Breedewee, en face du parc Laval, le premier jardin communautaire de la ville d’Esch-sur-Alzette, conçu à l’initiative des habitants du quartier. Dans les années 2010, l’idée de «ville en transition» essaimait en Europe pour répondre aux enjeux du changement climatique et du pic pétrolier. «Après s’être retrouvé sur des problématiques et une envie de vivre un peu différemment, un groupe d’habitants s’est lancé», rapporte Camille Lacombe (photo), facilitatrice pour la participation citoyenne et la mobilisation des habitants à Transition Minett.

Camille Lacombe. Photo : alain rischard

Depuis, la Métropole du fer a vu pousser au fil de ses quartiers d’autres jardins communautaires. Dans ces espaces prêtés par la Ville à des associations chargées de les aménager et de créer une dynamique – comme Transition Minett ou le CIGL Esch –, des dizaines de familles les entretiennent. Elles y font pousser des légumes, des fruits et des fleurs sans produits chimiques, puis les récoltent avant de les consommer.

Une initiative bien pratique pour quiconque n’a pas de bout de potager à sa disposition, mais en réalité plus large qu’il n’y paraît. Car contrairement aux nombreux jardins ouvriers eschois, qui s’inscrivent dans une démarche individuelle et de production, dans ces jardins communautaires, il est question de découverte, de formation ou encore de partage.

Une deuxième famille

«Il y a un aspect de reconstruction du lien social dans son quartier», explique la jeune femme. «Les participants décident collectivement de ce qu’ils plantent» et les plus expérimentés partagent leur savoir avec les débutants, poursuit-elle. Souvent ces jardins restent ouverts, les tables et les bancs créent un lieu de rencontre pour le quartier.

«L’année dernière, on a fait une super récolte au Nonnewisen, reprend-elle. On a alors organisé une fête de la patate à laquelle on a invité tous les résidents du quartier. Qu’on soit venu jardiner ou pas pendant l’année, tout le monde était le bienvenu, chacun avait ramené un plat à partager.»

«Nous avons des témoignages magnifiques de gens qui disent avoir trouvé une deuxième famille ici au Luxembourg», comme au jardin des 4 points du monde, à Lallange, où un groupe s’est soudé. «La mamie s’occupe des enfants quand il y a besoin d’un coup de main. Beaucoup de partages dépassent le cadre du jardin», se réjouit Camille Lacombe.

Toutefois, tout n’est pas toujours idyllique. Pour recréer une dynamique citoyenne mise à mal pendant le covid, une réunion avec les jardiniers de tous les quartiers avait mis en exergue «beaucoup de problèmes de vandalisme et d’incompréhension sur ce que sont ces espaces», se souvient la jeune femme.

Les mots ont leur importance

L’idée de changer de nom a alors paru salutaire. Dans le milieu écologique, «le terme qu’on utilise souvent, c’est plutôt jardin « communautaire », parce que quand on parle de transition, on parle de changement dans les communautés locales.» Mais, particularité lexicale luxembourgeoise, le terme «commune» désignant aussi la municipalité, beaucoup pensaient que c’étaient les jardins de la commune, entretenus par ses agents, dans lesquels chacun pouvait se servir.

Sans oublier que communautaire est un mot connoté péjorativement, «certains peuvent penser que c’est lié au communautarisme», glisse Camille Lacombe. Le terme «participatif» a alors été proposé. «On a dit, très bien, si c’est plus simple à comprendre, pourquoi pas?» Exit «jardins communautaires» du vocabulaire, place aux «jardins participatifs» : «C’est vraiment cette idée du jardin entretenu par un collectif lié à un quartier», souligne Camille Lacombe.

Dans la foulée, l’été dernier, une charte de bonnes pratiques a été créée et apposée à l’entrée de chacun des jardins eschois, «pour mettre en commun nos façons de faire» et pour rendre plus visibles aux citoyens ces beaux endroits.

Laissés plus ou moins en friche en période hivernale, ils seront bientôt à nouveau investis par les jardiniers de tout âge d’ici à quelques semaines. «Après l’hiver, il faut relancer certains groupes. Parfois, des gens déménagent, d’autres n’ont plus envie, ça fait partie de la vie de tout collectif», reprend la jeune femme, assurant néanmoins qu’«une majorité de bénévoles vont revenir».

Avant de replonger leurs mains dans la terre, les jardiniers se retrouveront pour planifier les plantations de cette saison, l’occasion pour toute personne désireuse de faire partie de l’aventure, de se lancer.

Les adresses des contacts et des différents jardins sont disponibles sur ce site

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Prochain évènement

Le mardi 25 février, de 18 h 30 à 20 h 30, se déroulera à la Mesa (1, rue du Moulin à Esch-sur-Alzette), une soirée consacrée aux semences. Les participants pourront apprendre tout ce qu’il y a à savoir sur ce sujet et repartir avec de nouvelles graines à planter. Après une présentation sur le réseau des semences citoyennes du Luxembourg, un atelier pratique d’ensachage leur sera proposé, puis autour d’un apéritif, chacun pourra continuer à échanger à bâtons rompus. La participation est gratuite. Inscription au préalable sur www.participation.transition-minett.lu

«Nous bénéficions vraiment d’un grand appui technique et logistique»

Hélène Lefèvre. (photo DR)

Le jardin participatif de Nonnewisen a été créé il y a trois ans à la demande des habitants. Petit à petit, au milieu des nouvelles constructions, il grignote les pelouses pour plus de biodiversité. Hélène Lefèvre, 52 ans, préposée de facturation, a rejoint l’équipe de bénévoles du potager au printemps dernier. Végane, intéressée par les questions écologiques, cette mère de famille désirait s’impliquer dans la vie eschoise.

La dernière récolte a-t-elle été bonne ?

Hélène Lefèvre : On a eu une belle première récolte de pommes de terre (lire plus haut). On s’était mis d’accord pour cueillir et se répartir les légumes chaque dimanche matin. On avait planté des courges, des carottes, des herbes aromatiques… et des salades dont les limaces ont profité plus que nous, l’année dernière ayant été assez pluvieuse (elle sourit). Tout n’a pas marché forcément comme on l’espérait.

Certains jardins ont fermé leurs portes en raison de dégradations. Celui-ci est-il ouvert en tout temps ?

Les gens du quartier peuvent passer et on les encourage à respecter le lieu, ne pas laisser leur chien faire leurs besoins dans les zones de culture, par exemple, ou jeter des détritus. C’est un lieu propre, joli, agréable pour s’y réunir.

Que vous apporte ce jardin participatif ?

On y trouve le plaisir et l’intérêt écologique de cultiver des choses en circuit direct, de faire soi-même comme un particulier chez lui, sauf que là, on le fait de manière collective. On doit se mettre d’accord entre nous et ça brasse un grand mélange de gens qu’on n’aurait peut-être pas côtoyés sans ce projet-là. Et puis, on reçoit des formations aussi.

Ce n’est pas trop compliqué pour les néophytes ?

On est vraiment très, très assistés (elle rit). Nous sommes juste les mains travailleuses, qui vont aussi choisir ce qu’on plante et où, etc., mais nous bénéficions vraiment d’un grand appui technique et logistique avec le CIGL d’Esch. Il nous prête des outils (NDLR : de seconde main) et nous apporte l’eau, mais il construit aussi des bacs, aménage les lieux, c’est un appui formidable. Et Transition Minette s’occupe de la partie animation et coordination du groupe.

Recueilli par I. S.

Une initiative transfrontalière originale

L’ASBL Transition Minett développe des initiatives citoyennes à Esch, mais cherche aussi à mobiliser les habitants de 13 communes de part et d’autre de la frontière sur les questions d’écologie (alimentation, repair café, gestion des déchets, économie circulaire…). Un nouveau projet est justement en train de voir le jour, financé par l’UE pour une durée de 3 ans, autour d’un jeu. Avec l’app «Ma Petite Planète», il s’agira de remporter un challenge de défis écologiques à réaliser pendant trois semaines, du 26 mai au 16 juin, l’idée étant «d’avoir à peu près une équipe par commune», explique Camille Lacombe.

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